L’Union européenne adopte un plan d’achats d’armement de 150 milliards d’euros

Les ministres des Affaires européennes ont donné leur feu vert, le 27 mai, à « SAFE » (Security Action for Europe) un programme d’achats communs d’armement doté de 150 milliards d’euros. Ce mécanisme de prêts vise à réorienter la stratégie militaire de l’Union européenne, en appuyant la production locale face à des menaces désormais structurelles. Le signal est clair, l’Europe ne veut plus sous-traiter sa sécurité.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 28 mai 2025 14h30
L'Union européenne adopte un plan d'achats d'armement de 150 milliards d'euros
L’Union européenne adopte un plan d’achats d’armement de 150 milliards d’euros - © Economie Matin

SAFE : un levier financier pour réindustrialiser l’armement européen

Des missiles aux drones, des munitions aux systèmes de défense anti-aérienne, l’Europe s’attaque frontalement à ses fragilités. C’est dans ce contexte que le programme SAFE, présenté par la Commission européenne dans le cadre du vaste plan « ReArm Europe », prend son envol. À la clé, des prêts massifs, destinés à financer des achats conjoints là où l’offre européenne se fait rare. « Nous avons adopté SAFE, le premier programme d’investissement à grande échelle dans le domaine de la défense au niveau de l’UE », a déclaré la Pologne sur X, qui assure actuellement la présidence tournante du Conseil.

Elle a ajouté, dans des propos rapportés par France 24 : « Plus nous investissons dans notre sécurité, plus nous dissuadons ceux qui nous veulent du mal ». Le dispositif exige que chaque projet intègre au moins deux pays participants et respecte une exigence de production locale : 65 % des composants devront être fabriqués dans l’Union, dans l’Espace économique européen, ou en Ukraine. Autrement dit, un adossement stratégique entre voisins, certains diront une sanctuarisation industrielle à géométrie choisie.

UE : vers une souveraineté défensive ou une dépendance masquée ?

Il serait naïf de croire que SAFE inaugure une Europe de la défense unie. Si 26 des 27 États membres ont soutenu la mesure, la Hongrie s’est abstenue, confirmant une fracture persistante entre l’Europe centrale et les ambitions bruxelloises. En réalité, la priorité affichée à l’industrie européenne masque une dépendance toujours bien réelle. L’autorisation d’importation de 35 % de composants hors UE (principalement en provenance des États-Unis) prouve que Bruxelles n’a pas les coudées aussi franches qu’elle l’affirme.

Et le spectre du contrôle à distance plane : « Une autorité centrale sera chargée de s’assurer qu’un pays tiers ne puisse prendre la main à distance sur un système d’armement européen », souligne un diplomate de l’UE dans des propos partagés par France 24, évoquant les risques posés par les logiciels intégrés de fournisseurs américains.

SAFE : un programme défensif adopté sans débat parlementaire

Ce qui dérange ? Le passage en force. Pour accoucher de ce programme en quelques mois, la Commission européenne a contourné le Parlement. Exit les débats parlementaires, bienvenue à une procédure accélérée, validée uniquement par les capitales. « Ce n’est qu’une étape et il faudra aller plus loin », a concédé Benjamin Haddad, ministre français délégué à l’Europe, tout en louant le progrès vers une défense intégrée.

Cette marginalisation du Parlement n’est pas qu’un détail technique. Elle soulève des critiques sur le plan démocratique. Est-il acceptable qu’un virage aussi capital dans la politique de sécurité européenne soit négocié dans l’ombre des ministères sans contrôle parlementaire ?

Armement européen, une promesse de réindustrialisation ?

Au-delà de la posture politique, SAFE vise aussi un redémarrage industriel. Actuellement, une majorité des achats d’armement effectués par les États membres se fait hors d’Europe, principalement aux États-Unis. L’objectif affiché, inverser cette tendance d’ici 2030. Mais l’UE a-t-elle l’écosystème nécessaire pour répondre à ses propres besoins ?

Les grands groupes comme Airbus ou MBDA seront-ils capables de relever la cadence, ou faudra-t-il parier sur une montée en gamme de PME stratégiques disséminées dans les États membres ? Et que dire de l’ouverture à des pays extérieurs ? L’Ukraine et la Norvège, déjà signataires de partenariats de défense, seront intégrés au programme. Le Royaume-Uni, quant à lui, a paraphé un accord similaire à Londres, le 21 mai 2025. De là à imaginer une défense européenne à 30 ou 31, il n’y a qu’un pas.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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