D’ici 2031, la fiscalité sur les boissons alcoolisées et sucrées au Vietnam atteindra des sommets. Bière, spiritueux et sodas seront soumis à des hausses de taxes progressives, culminant à 90 % pour certains produits alcoolisés. Le gouvernement assume cette stratégie guidée par les enjeux de santé publique, sans minimiser les risques économiques et culturels qu’elle soulève.
Vietnam : l’État serre la vis sur l’alcool

Une réforme fiscale radicale
L’Assemblée nationale du Vietnam a adopté, le 14 juin 2025, une réforme fiscale de grande ampleur, pour lutter contre les effets délétères des boissons alcoolisées et trop sucrées sur la santé publique. La loi prévoit ainsi une augmentation graduelle mais sévère des droits d’accise sur les boissons alcoolisées.
La taxe sur les bières et alcools forts passera ainsi progressivement de 65 % aujourd’hui à 90 % d’ici 2031. Quant aux spiritueux à faible teneur en alcool, leur fiscalité augmentera de 35 % à 60 % sur la même période. Le gouvernement introduira également, dès 2027, une taxe de 8 % sur les boissons contenant plus de 5 g de sucre pour 100 ml, portée à 10 % dès 2028.
À travers ces mesures, l’exécutif cherche à lutter contre les externalités négatives d’une consommation excessive, en particulier chez les plus jeunes. « Le Vietnam compte près de 41 000 morts par an liées à l’alcool », rappelle le ministère de la Santé, soulignant l'urgence d'une intervention publique structurée.
Entre enjeu sanitaire et résistance culturelle
Si la réforme traduit une volonté politique affirmée, elle se heurte néanmoins à un socle culturel robuste. Au Vietnam, la bière et les alcools occupent une place centrale dans les interactions sociales et professionnelles. En 2022, le pays se classait septième consommateur mondial de bière, selon le brasseur japonais Kirin Holdings.
Or, les habitudes évoluent plus lentement que les lois. « La culture de la boisson au Vietnam a des racines bien trop profondes pour être enrayée par la seule politique », analyse Dan Martin, conseiller au cabinet Dezan Shira & Associates. « Ces mesures vont ralentir le marché mais pas le condamner », ajoute l’expert. Il pointe néanmoins une évolution progressive mais sensible des pratiques : les Vietnamiens délaissent les bars pour une consommation domestique, signe d’une adaptation plus qu’une rupture.
Une économie du verre à moitié plein ?
Sur le plan économique, l’impact de cette réforme sera double. À court terme, les producteurs nationaux et distributeurs devront absorber le choc fiscal, et probablement le répercuter sur les prix, ce qui pourrait affecter l’emploi. Même les recettes fiscales issues de la consommation pourraient également reculer, malgré l’élargissement de l’assiette fiscale. Mais l’État devrait aussi, à moyen terme, bénéficier d’une amélioration de la santé publique, avec pour conséquence une baisse des dépenses imposées par les maladies liées à l’alcool.
En 2019, déjà, la mise en place d’une politique de tolérance zéro pour l’alcool au volant avait déjà engendré une baisse marquée des ventes de bière – avec des gains réels en termes de dépenses de santé, la sinistralité sur la route ayant baissé. Si l’industrie s’est adaptée une première fois, elle devra désormais intégrer une transformation bien plus structurelle. « Il s’agit moins de condamner une filière que de l’obliger à se réinventer », estime un observateur du secteur à Hanoï, qui espère une mise en valeur de boissons plus saines dans un cadre festif. Entre impératifs de santé et logiques de marché, le Vietnam entame une cure de sobriété inédite en Asie du Sud-Est.