Une ville viticole d’Italie montre comment faire revivre le milieu rural dans l’UE

Asti montre comment inverser le phénomène de dépeuplement dans la campagne européenne grâce à l’agriculture et au patrimoine culturel.

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Par Horizon Publié le 4 août 2023 à 4h30
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43%La production agricole française ne couvre que 43% des besoins du pays en produits agricoles bruts.

Près d’Asti, une ville du nord-ouest de l’Italie connue pour ses vignobles et son vin blanc pétillant, Alberto Mossino a contribué au développement d’une autre culture: celle du maïs.

Dans l’exploitation agricole qui entoure une villa du XIXe siècle, il a relancé la production du maïs Ottofile, utilisé pour fabriquer la polenta. L’Ottofile, typique de la région, présente un grain rouge-orangé au goût crémeux. Il est menacé d’extinction depuis la Seconde Guerre mondiale en raison de la concurrence exercée par les autres variétés.

Changement positif

M. Mossino est le directeur de PIAM, une ONG qui aide à intégrer les réfugiés dans la société italienne. L’organisation a fait partie d’un projet financé par l’UE qui avait pour objectif de faire revivre les zones rurales en exploitant le patrimoine local.

«Cela a été une superbe opportunité pour la région et pour les réfugiés», a déclaré M. Mossino. «Le projet a contribué à changer la mentalité de la population locale qui a été amenée à porter un regard positif sur les immigrants.»

Près d’un tiers des habitants de l’UE vivent en zone rurale, qui offre un environnement plus calme et une plus grande proximité avec la nature que les villes.

Les régions rurales sont toutefois confrontées à des problèmes de taille, dont le dépeuplement, qui est dû en particulier au départ des jeunes qui cherchent ailleurs de meilleures perspectives d’emploi.

Les zones rurales d’Europe ont vu leur population décliner pendant des décennies et devraient perdre encore 8 millions d’habitants d’ici à 2050.

Ces zones se caractérisent donc souvent par une population vieillissante et l’absence d’institutions et de services publics de base.

«Ici, la population est très âgée et les jeunes partent tous parce qu’il n’y a pas d’infrastructures, notamment pour étudier», explique M. Mossino, qui est né et a grandi à Asti et est issu d’une famille d’agriculteurs. 

Des perspectives plus prometteuses

Les initiatives de recherche européennes ont puisé dans l’agriculture et dans le patrimoine culturel pour inverser la tendance générale et montrer que les régions rurales pouvaient offrir des perspectives économiques et sociales plus prometteuses.

Sur le plan agricole, des efforts ont aussi été faits pour aider les jeunes à se lancer, notamment en faisant en sorte qu’ils collaborent avec des agriculteurs plus âgés.

Pour ce qui est du patrimoine culturel, l’accent a été mis sur l’exploitation des opportunités locales dans des domaines tels que l’art, les festivals, la gastronomie, les monuments et les pèlerinages, autant de domaines qui mettent en valeur la richesse et la diversité de l’Europe.

La migration a également joué un rôle, comme le montre le projet de l’UE auquel M. Mossino a participé. Nommée RURITAGE, l’initiative a duré quatre ans et s’est achevée en août 2022.

M. Mossino et ses collègues ont formé près de 50 réfugiés africains pour qu’ils participent à la rénovation de la Villa Quaglina. Abandonné, cet édifice accueillait un ancien séminaire de l’ordre catholique des Oblats de Saint Joseph. Ils ont transformé le bâtiment en chambres d’hôtes et en espaces événementiels.

L’équipe a ensuite travaillé dans l’exploitation agricole environnante, qui s’est imposée depuis comme le plus grand producteur de maïs Ottofile de la région. Ce type de maïs présente une dure couche extérieure de grains et tire son nom des huit («otto» en italien) rangées de grains qui recouvrent chaque épi.

Les travaux agricoles ont intrigué les habitants, qui voulaient en savoir plus sur le projet et ses résultats, d’après M. Mossino.

En ce qui concerne les réfugiés eux-mêmes, en s’impliquant dans le patrimoine local, ils ont pu mieux s’intégrer à la communauté et rester dans la région d’Asti. La présence des nouveaux arrivants a permis la réouverture d’une école et d’autres services publics.

Modèles ruraux

Le travail mené par M. Mossino et de PIAM dans le cadre du projet RURITAGE est un véritable modèle. Il montre comment des zones rurales ont su mettre à profit leur patrimoine culturel pour se développer en employant des méthodes qui peuvent être reproduites par d’autres régions, dans de nombreux pays.

Au total, 19 régions modèles allant de Coimbra au Portugal à Ørland en Norvège ont participé au projet. Elles ont partagé leur expérience et leurs connaissances avec 24 autres communautés rurales d’Europe – de la Galice en Espagne à Polevaya en Ukraine – pour les aider à mettre au point des stratégies de revitalisation.

«Le patrimoine peut être un puissant moteur pour redonner vie aux zones rurales de façon durable», a déclaré Hanna Elisabet Åberg, chercheuse à l’Université de Bologne, en Italie.

Mme Åberg a co-dirigé le projet RURITAGE, qui a débouché, entre autres, sur la création d’un outil en ligne avec lequel les régions peuvent analyser leurs territoires et trouver des idées d’initiatives à mener pour les revitaliser.

«Nous nous concentrons depuis trop longtemps sur les zones urbaines», a-t-elle déclaré. «Les zones rurales sont vraiment l’avenir à bien des égards.»

Aspirations des jeunes

Une autre équipe de chercheurs, qui a, elle aussi, bénéficié d’un financement de l’UE, s’est attachée à attirer les jeunes dans les régions rurales d’Europe afin de les amener à y vivre et à y travailler. Le projet de quatre ans, intitulé RURALIZATION, a pris fin en avril 2023.

«C’est le manque d’opportunités qui entraîne le déclin des zones rurales», a déclaré Willem Korthals Altes. «Les jeunes aiment y vivre, mais ils n’y trouvent pas les moyens de gagner leur vie.»

M. Korthals Altes, professeur d’aménagement du territoire à l’Université de technologie de Delft, aux Pays-Bas, a assuré la coordination du projet.

Il est convaincu qu’en améliorant les opportunités économiques et sociales offertes à la nouvelle génération, il est possible d’inverser la spirale négative de la désertification des zones rurales.

M. Korthals Altes et ses collègues ont interrogé les jeunes sur ce qu’ils aimeraient trouver dans le milieu rural et ont cherché à rendre ces objectifs réalisables.

«Les jeunes sont plus nombreux à rêver d’aller vivre en zone rurale qu’en zone urbaine», a-t-il déclaré.

Au total, 23 organisations partenaires de 12 pays ont uni leurs forces pour mettre au point des stratégies visant à encourager ce renouvellement générationnel et à redonner vie à la campagne. Les partenaires du projet étaient très variés, de l’agence irlandaise de recherche agricole Teagasc et de l’Université de Turku en Finlande jusqu’au CNRS, en France, et à la coopérative agricole Kulturland en Allemagne.

Futurs agriculteurs

Le projet RURALISATION a, par exemple, identifié plusieurs pratiques permettant de venir en aide aux personnes qui veulent faire carrière dans l’agriculture.

Plus de la moitié des agriculteurs de l’UE ont plus de 55 ans et sont proches de la retraite, ce qui montre qu’il est vraiment nécessaire de faire venir des jeunes.

Si la Politique agricole commune de l’UE soutient les jeunes agriculteurs de nombreuses façons, notamment sur le plan financier, les projets de recherche offrent des perspectives supplémentaires.

Imre Kovách, professeur de sociologie à l’Université de Debrecen en Hongrie, a dirigé dans le cadre du projet une équipe chargée d’interroger de jeunes agriculteurs issus de dix pays européens pour mieux comprendre leurs motivations et leurs difficultés.

Le principal obstacle mentionné s’est avéré être l’accès à la terre.

«Dans la plupart des pays européens, il n’y a pas de terres disponibles pour l’agriculture et les prix sont élevés», a déclaré M. Kovách.

Face à ce problème, plusieurs associations impliquées dans le projet RURALISATION ont aidé des jeunes souhaitant devenir agriculteurs à trouver des terres en les mettant en relation avec des agriculteurs plus âgés qui souhaitaient arrêter leur activité.

Le projet a également publié un manuel politique qui montre aux collectivités locales comment elles peuvent apporter leur aide dans ce domaine, en proposant des exemples pratiques, des outils et des idées.

Une génération plus respectueuse de l’environnement

L’équipe de RURALIZATION a constaté que les jeunes agriculteurs européens sont plus soucieux que leurs aînés de protéger l’environnement et plus ouverts à l’utilisation de technologies de pointe telles que les satellites.

«La jeune génération ne veut pas seulement tirer profit de l’agriculture, elle a aussi d’autres préoccupations, comme le développement durable et une alimentation de meilleure qualité», a ajouté M. Kovách.

Il en a conclu que les décideurs ne devraient pas seulement soutenir les jeunes agriculteurs sur le plan financier, mais aussi les aider à mener leur activité de manière durable.

Les participants du projet RURITAGE, parmi lesquels figurent M. Mossino d’Asti, ont souligné eux aussi que le soutien apporté aux zones rurales devrait aller plus loin que le financement.

«Les décideurs doivent comprendre que nous n’avons pas seulement besoin d’argent. Nous avons aussi besoin de temps et d’avoir une vision à long terme», a-t-il déclaré.

Pour Simona Tondelli, coordinatrice principale du projet RURITAGE et professeure d’ingénierie environnementale à l’Université de Bologne, la solution est d’impliquer les communautés elles-mêmes dans la revitalisation rurale.

«Il est important de ne pas se contenter d’imposer des stratégies ou des solutions venant des hautes instances, mais de partir des difficultés et des opportunités locales pour trouver une voie vers le développement durable», a-t-elle déclaré.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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