Déclaratif versus substantiel

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 31 août 2018 à 10h27
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2 000 milliards de dollarsLes profits des entreprises américaines du deuxième trimestre ont atteint, après impôts, plus de 2 000 milliards de dollars.

L'attention du marché est surtout accaparée par l’évolution des dossiers politiques, tant en Amérique du Nord, entre les Etats-Unis et le Canada, qu'en Europe, entre la Grande-Bretagne et la France, notamment.

Négociations commerciales en Amérique du Nord : le pire a été évité

Commençons par remarquer les glissades assez fortes de la livre turque et du peso argentin au cours de la séance de ce mercredi 29 août. Le dollar, entre mardi soir et ce jeudi matin 30 août s’est apprécié de 4% par rapport à la première et de 10% vis-à-vis du second. La confiance dans la capacité des responsables de politique économique à consolider les grands équilibres macroéconomiques reste fragile. Qui plus est, dans le cas argentin, malgré la présence du FMI dans le jeu ; qu’il s’agisse du pilotage des initiatives à prendre ou de soutien financier.

Ce n’est pas pour autant que les grandes places financières en ont pris « ombrage ». Tant le S&P 500 que l’Euro Stoxx 50 ont fini la séance de mercredi dans le vert. En fait, le marché a actuellement l’attention surtout accaparée par l’évolution des dossiers politiques. L’information la plus récente envoie en la matière des messages plutôt favorables. Même s’il s’agit sans doute davantage de rhétorique que de substance.

Du côté des négociations commerciales en Amérique du Nord, le Président américain affirme sa confiance dans la capacité du Canada à rejoindre l’accord sur lequel les Etats-Unis et le Mexique se sont entendus tout récemment. Les plus optimistes évoquent la possibilité d’une « conclusion heureuse » avant la fin de la semaine. Vu du marché, il y aurait alors la confirmation que Washington ne souhaite pas entrer dans une guerre commerciale tous azimuts. Seule la Chine serait ciblée. Le monde économique et financier resterait largement ouvert. Reste à comprendre la teneur et les implications de ce nouvel accord nord-américain de libre-échange encore en gestation. Il faut admettre qu’on ne sait pas très bien, même si on perçoit qu’un pas (grand ou petit ?) est fait du free trade vers le managed trade. En attendant d’être en mesure de se faire une idée précise, la communauté des affaires semble considérer que le pire a été évité.

Brexit : une proposition d’accord commerciale entre la Grande-Bretagne et l'Europe

Du côté du Brexit, le « vertige » de la sortie du RU de l’UE sans accord, qui s’était emparé de nombre d’entre les parties prenantes à la négociation, semble se réduire. Les signaux envoyés hier, tant par le gouvernement britannique que par le négociateur en chef de l’UE et la France, marquent une volonté de trouver un compromis. Ainsi, Michel Barnier ne parle-t-il pas d’une proposition d’accord commerciale « comme il n’y en a jamais eu » ? Tant mieux si le changement de ton, qu’on perçoit et qui devra être confirmé, réveillent les esprits sur la nécessité de s’entendre. Il n’empêche que la perspective, pour des raisons de manque de temps, serait alors à un accord plus déclaratif que substantiel. Sans doute le marché s’en devra-t-il s’en contenter.

Il ne faudrait cependant pas considérer que la communauté financière, faute de faits tangibles, s’est convertie à la nécessité de se contenter de déclarations. Le minimum à attendre est que celles-ci dessinent une ligne cohérente et stable sur la durée. La crédibilité est à ce prix. L’exemple italien le prouve. La confusion règne sur l’orientation budgétaire voulue par le Cabinet 5 Etoiles – Ligue. Et les rumeurs sur la recherche de soutien financier auprès des Etats-Unis, de la Chine, voire de la BCE, ne rassurent pas. Les prix de marché en portent indéniablement la trace.

Parlons un peu chiffres pour noter la publication des profits des entreprises américaines du deuxième trimestre, selon la définition de la comptabilité nationale. Ils ont atteint un record historique : après impôts, plus de 2000 milliards de dollars. Rapporté au PIB, il faut « se contenter » du niveau très élevé de 9,7% du PIB. Ces résultats sont très bons. Même si on doit prendre en compte l’impact de la réforme fiscale, ils augurent favorablement de la tendance de l’investissement productif des prochains trimestres, surtout si les craintes de guerre commerciale s’estompent. Dans ce cas, la reprise de la productivité pourrait se poursuivre. Cercle vertueux, vous avez dit cercle vertueux, comme c’est vertueux !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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