En 2018, le retour de la cigarette sur la scène politique

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Par Rédaction Modifié le 3 janvier 2018 à 17h48

Augmentation « progressive » des prix, colère « immédiate » des buralistes, débats interminables sur la traçabilité... En 2018, vous allez entendre parler du tabac.

Les fumeurs français verront le prix du tabac augmenter à partir de mars 2018… et jusqu’en novembre 2020 ! Le Sénat a en effet adopté, jeudi 16 novembre, la hausse progressive du prix du paquet de cigarettes. Le prix sera augmenté de 1 euro en mars 2018, puis de 50 centimes en avril et novembre 2019, avant une dernière hausse de 40 centimes en novembre 2020. Un bond de plus de 40 % sur trois ans.

Pour être progressive, la mesure n’en suscite pas moins la colère des buralistes. Ces derniers ont manifesté mercredi 4 octobre contre une mesure qui, affirment-ils, risque de doper la contrebande de cigarettes. Les buralistes, qui craignent que les fumeurs aillent acheter les cigarettes chez leurs homologues espagnols, allemands ou belges, estiment à 5 000 le nombre de bureaux de tabac directement menacés par la nouvelle hausse du prix du tabac.

Pour Fabrice Chailloux, président de la chambre syndicale des buralistes de Seine-et-Marne, c’est tout simplement « l’avenir des buralistes » qui est « en jeu ». « Nous, buralistes, devons déjà maîtriser une quinzaine de métiers : barman, restaurateur, serveur, vendeur de cigarettes et de loto-PMU, marchand de journaux et de téléphonie, fournisseur de timbres-amendes… Cela devient de plus en plus difficile », se désespère-t-il.

Selon une étude KPMG sur le marché illégal des cigarettes, la France est le pays d’Europe continentale où le marché parallèle du tabac est le plus florissant. Environ 27 % des cigarettes fumées dans l’Hexagone en 2015 (17 milliards sur 61 milliards) étaient achetées en dehors du réseau légal des buralistes. Selon l’étude, cette part hors réseau est en progression constante depuis 2009, et la hausse serait directement liée aux augmentations progressives du prix du tabac.

Lutte contre le marché parallèle, une priorité pour les buralistes

Dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Pascal Montredon, ancien président de la Confédération des buralistes de France, s’inquiétait de la « brèche pour notre politique de santé » que constitue le marché parallèle. Ce marché empêche les pouvoirs publics de contrôler « à la fois la qualité des produits consommés et l’âge des consommateurs. Il constitue également un manque à gagner considérable pour nos finances publiques, près de 3 milliards d’euros ». Alarmé, M. Montredon s’engageait à « faire de la lutte contre ces pratiques illégales une priorité ». Son successeur à la présidence de la Confédération, Philippe Coy, devra se montrer plus convaincant et mettre en œuvre des mesures contre le trafic illicite vraiment efficaces. Il faudra pour cela que les buralistes commencent par reconnaitre que le commerce parallèle de tabac est, très largement, organisé et alimenté par les cigarettiers eux-mêmes.

Mais comment lutter contre un phénomène d’une telle ampleur ? Pour la députée Josiane Corneloup, la solution est simple. « Il suffit de mettre en application la convention de l’OMS », estime-t-elle. Et d’ajouter : « Comme le rappelle Éric Woerth, président de la commission des Finances, la seule façon de lutter contre le marché parallèle, c’est la traçabilité ».

Signé par la France en janvier 2013, le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac prône l’instauration d’un régime mondial de suivi et de traçabilité en toute indépendance des producteurs de tabac, ainsi que l’implémentation de mesures dissuasives de détection et de répression et d’autres mesures qui favorisent la coopération internationale. Selon l’OMS, les pays qui ont mis en place un tel système complet de suivi et de traçabilité, avec un contrôle total de la chaine logistique par les autorités publiques, « constatent un recul du commerce illicite et une augmentation des recettes ».

L’économie et la santé publique menacées

Un argument qui ne pouvait que plaire à Bruxelles, alors que le commerce illicite de cigarettes représente pour les pays européens une perte fiscale estimée à 11,3 milliards d’euros pour l’année 2015. L’UE encourage ainsi la mise en œuvre du Protocole de l’OMS et prône pour sa part l’instauration d’un mécanisme permettant d’assurer une traçabilité des produits du tabac à l’aide d’un timbre fiscal apposé sur chacun des paquets. Ce timbre est censé permettre de vérifier où le paquet a été fabriqué, transporté et finalement vendu.

Les débats sur les technologies les mieux adaptées au marquage et à la traçabilité des produits, ainsi que sur le rôle que doivent jouer les industriels dans la mise en place du dispositif, ne font probablement que commencer. Un sujet d’autant plus houleux que pour l’instant, les autorités européennes semblent prêtes à confier ces outils de traçabilité aux industriels du tabac eux-mêmes. Les opposants à cette décision pointent déjà l’influence du lobby de la cigarette à Bruxelles, qui chercherait à s’imposer comme juge et partie, en charge de la fabrication, de la vente et du contrôle de la distribution de leurs propres produits. Une porte ouverte aux abus : en ayant la main sur les bases de données qui tracent leurs produits, les fabricants de cigarettes pourraient être tentés de tricher,ce qu’ils ont déjà fait par le passé. L’OMS réclame justement que la concentration de ces informations appartienne à une agence indépendante, pour éviter tout conflit d’intérêts.

Une chose est sure : le commerce parallèle de tabac est une véritable menace pour l’économie. En France, il engendre un manque à gagner fiscal annuel de 3 milliards d’euros pour l’État et un manque à gagner de 250 millions d’euros pour les buralistes.

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