Les banques centrales cultivent le terreau des populismes

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Par Ferghane Azihari Publié le 19 janvier 2017 à 5h00
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1923L'ascension politique d'Hitler a débuté en 1923, où l'inflation en Allemagne était à son point culminant.

L'activisme monétaire déclenche des crises financières puis des récessions économiques. Les partis extrémistes en profitent pour désigner les ennemis qui les arrangent.

Ne pas relier les activités des autorités monétaires et le processus qui conduit parfois les sociétés modernes à l’effondrement serait faire l’impasse sur les conséquences politiques des crises financières maintes fois déclenchées par les banques centrales. Il est par exemple de notoriété publique que l’hyperinflation qui a ravagé l’économie allemande durant l’entre-deux-guerres a contribué à la montée de l’idéologie nazi. Le journaliste allemand Alexander Jung écrivait ainsi en novembre 2009 pour le magazine Der Spiegel que « ce n’est pas une coïncidence si l’inexorable ascension politique d’Adolphe Hitler a commencé en novembre 1923, le point culminant de l’inflation allemande, quand il a organisé le putsch de la brasserie avorté à Munich. »

Le magazine rappelle qu’Hitler dénonçait à cette époque l’augmentation des prix qu’il considérait comme le principal problème. Il préconisait dans une interview avec un journaliste catalan du nom d’Eugeni Xammar de contrôler plus fermement les commerces. Mais le problème était ailleurs. Le responsable de cette inflation n’était autre que la Reichsbank (la Banque centrale allemande de l’époque) qui s’était lancée sans vergogne dans la création monétaire.

Création monétaire et expansion du crédit, puis crise économique, puis nationalisme

Bien sûr, Hitler n’est arrivé au pouvoir que 10 ans plus tard. Le monde était alors plongé dans la Grande Dépression, conséquence inévitable de la politique d’expansion du crédit menée par la plupart des Etats occidentaux durant les années 1920. La détresse sociale générée par cette dépression économique a constitué un terreau favorable à l’expression des nationalismes les plus radicaux. Les populations civiles trouvent dans cette idéologie autoritaire un refuge à leur anxiété qui résulte de la dégradation de leurs conditions de vie ; le personnel politique y voit un instrument de contrôle social destiné à renforcer les allégeances populaires vis-à-vis de l’appareil d’Etat.

Nul besoin de préciser que ce mélange de détresse économique et de nationalisme est souvent toxique pour la paix. L’universitaire britannique Lionel Robbins, dans un ouvrage intitulé La Grande Dépression paru en 1934, exprimait déjà son inquiétude par rapport au risque d’une guerre en Europe en raison des « violentes réactions » issues de la « misère noire » qui résultait « d’une politique économique qui avait dévoré les capitaux de l’industrie ».

Ce souvenir qui hante l’Allemagne aujourd’hui explique pourquoi le culte de la planche à billets est moins partagé outre-Rhin que dans la plupart des pays européens. C’est de cet épisode qu’est née l’idée partagée par les ordo-libéraux que les autorités monétaires devraient être indépendantes du personnel politique élu. Mais cette « indépendance » n’est pas un gage d’efficacité. Après tout, la Reichsbank avait été rendue autonome par une loi votée dès mai 1922 sans que cela n’empêche la poursuite de politiques inflationnistes.

La crise de 2008 est due à une distorsion du crédit et non au commerce international

La crise financière de 2008 est elle aussi le résultat de multiples distorsions entretenues notamment par les autorités monétaires sur le marché du crédit. Mais elle a, en dépit de cela, principalement été imputée aux dysfonctionnements propres à un commerce international prétendument déréglementé.

Il résulte de ces perceptions une résurgence des idées autoritaires, tant à gauche qu’à droite de l’échiquier politique. Le Front national en France, Trump et Occupy Wall Street aux Etats-Unis, Le Mouvement 5 étoiles en Italie, Alternative für Deutschland, Podemos en Espagne… Tous ces mouvements ont en commun le fait qu’ils reposent sur une défiance accrue vis-à-vis des institutions perçues comme trop permissives, injustes et au service de quelques intérêts catégoriels.

Il est aujourd’hui à la mode de décrier cette tendance populiste comme la nouvelle maladie qui affecte l’intégrité des démocraties libérales. Mais la popularité des idées autoritaires est un symptôme. Elle révèle l’inquiétude vis-à-vis de la stagnation économique qui frappe la plupart des économies occidentales. La tentation de chercher un bouc-émissaire intérieur ou étranger à tous nos problèmes est d’autant plus forte que les perspectives d’avenir s’assombrissent.

Ces risques ne risquent-ils pas de se confirmer ? L’obsession des banques centrales de maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas risque d’affecter l’épargne et l’accumulation de capital productif nécessaire à une croissance saine. Elle encourage également des bulles et des crises qui créent de la misère sociale. Tout ceci entretient les ressentiments sur lesquels les idéologies autoritaires s’appuient pour prospérer. Les banques centrales ne sont donc pas seulement dangereuses pour nos finances personnelles. Elles mettent en péril nos sociétés ouvertes.

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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