Entreprises: faut-il vraiment des responsables marque employeur ?

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Par Didier Pitelet Publié le 4 octobre 2018 à 5h00
France Entreprise Marque Employeur Concept
1998Le concept de marque employeur a été déposé en 1998.

En guise de cadeaux d’anniversaire pour les 20 ans du concept de marque employeur que j‘ai créé et déposé en 1998, on voit fleurir un peu partout des Responsables de Marque Employeur.

On pourrait s’en réjouir si ces créations de postes portaient une véritable ambition sur le sujet en lui donnant enfin les moyens d’être reconnu comme le pilier corporate de l’entreprise. Mais la réalité est tout autre : Il y a le feu coté recrutement ; la pénurie de candidats, l’explosion des abandons de postes, les nouveaux rapports au travail qui privilégient de plus en plus l’individualisme et le nomadisme salarial (…) font que les entreprises « sont prises à la gorge » et ne savent que faire pour attirer et fidéliser !

La recette miracle ? A l’instar des directeurs du bonheur pour pallier le désengagement, il faut créer des responsables marques employeur pour être un employeur séduisant. Le profil du mouton à cinq pattes ? Jeune, souvent débutant ou première expérience. Ses moyens ? Le système D. Son influence stratégique et son libre accès aux dirigeants ? Néant. Avec tout le respect pour ses Talents qui s’engagent souvent à fond sur le sujet et déchantent au bout d’un an, conscients de n’être que des assistants chefs de pub, il faut bien admettre que nous assistons à une gadgetisation pathétique de la notion même de marque employeur.

Au moment où la Loi Pacte, avec la notion de « raison d’être » qu’elle porte, offre une opportunité inédite pour faire de la marque employeur un véritable chantier du Sens en entreprise, les réflexes historiques de la pénurie de candidats ressurgissent : « il faut se vendre », « il faut se montrer », « il faut être attractif » … Mais pour dire quoi de différenciant ? Face à la transformation des règles sociétales, à une quête de sens assumée et revendiquée, à une cohabitation générationnelle délicate, à des usages numériques qui font usage de liens sociaux, à un rejet du monde du travail tel qu’on le connait depuis 50 ans (…) que dit l’entreprise ? Elle est respectueuse de toutes et de tous, elle offre un cadre de vie cohérent avec sa politique de QVT (Qualité de vie aux travail), elle est flexible sur les horaires et bien évidemment le tout dans une ambiance géniale !

Charge aux Responsables de Marque employeur de mettre tout cela en musique avec 3 euros 6 sous. Quid du vivre ensemble ? Quid de la transparence et de la liberté d’expression des salariés ? Quid de l’implication des dirigeants dans la dimension employeur ? Quid de l’exemplarité du comité de direction ? Quid de la cohérence interne / externe ? Quid enfin de sa culture ? Autant d’éléments qui font la différence justement entre deux employeurs et qui orientent le choix d’un candidat pour rejoindre telle ou telle entreprise ou d’un salarié d’y rester ! La pression des réseaux sociaux, des promoteurs de prix divers et variés, de concours du meilleur employeur, des créateurs d’appli ou de solutions toutes faites n’ont qu’un mot à la bouche, Marque Employeur… Et la relation humaine dans tout ça ?

L’époque réclame du fond, on lui sert de la bouillie culturelle copiée-collée ; les jeunes ont des rêves, on leurs tend un guet-apens identitaire ; l’opinion publique mondiale transforme la vision du travail, on rédige encore les offres d’emplois comme il y a 40 ans ; tout le monde aspire à ETRE dans une société de l’AVOIR, on valorise toujours autant le CDI et le statut cadre alors que la quête d’indépendance n’a jamais été aussi marquée. La marque employeur est censée être le miroir de l’ambition humaine de l’entreprise. Elle doit apporter des réponses de fond sur des questions de fond ! L’ambition est celle du vivre ensemble de l’entreprise, du projet collectif décliné en projets individuels.

20 ans est censé être le plus bel Âge, force est de constater que coté Marque Employeur, c’est plutôt l’âge con ! À qui la faute ? Sûrement pas aux Responsables de Marque Employeur qui sont les conséquences du manque de responsabilité humaine des systèmes de gouvernance en entreprise. Tant que la richesse humaine s’analysera à l’aune de lignes comptables d’un compte d’exploitation et non sous l’angle de la sociologie des organisations et du droit à la discrimination culturelle des entreprises, la marque employeur sera, certe populaire mais aussi stérile en création de richesses humaines !

Les comités de direction doivent s’emparer des enjeux culturels et de marque employeur de leur entreprise, ils doivent fixer le cap, créer les moyens budgétaires à la hauteur de leur ambition humaine. Les dirigeants doivent donner du souffle, de l’énergie en valorisant une idée précise de leur capital humain. A force de prendre les mots pour des idées, on finit par ressembler à tout le monde. Pour celles et ceux, passionnés de marque employeur, qui sont de plus en plus nombreux, y compris sur les bancs d’écoles où elle est désormais enseignée, il est important de garder à l’esprit les 7 fondamentaux suivants :

1. La marque employeur n’est que la Marque traitée sous l’angle employeur.

2. La marque employeur traduit la cohérence entre la vraie vie vécue en interne et celle promise en externe. Elle aligne les expressions employeurs au nom de la culture d’entreprise.

3. La marque employeur mobilise le comité de direction en formalisant son ambition humaine et en lui permettant d’assumer une prise de parole différenciante.

4. La marque employeur exprime la fierté d’être en valorisant la relation de confiance qui prévaut dans l’entreprise. S’il n’y a pas de confiance, il n’y aura jamais de marque employeur.

5. La marque employeur valorise les relations de transparence et ne subit pas la tyrannie du bonheur pour créer de la valeur ajoutée humaine ; elle conditionne les modèles de management, premier « média » d’une stratégie marque employeur.

6. La marque employeur doit avoir les moyens budgétaires de ses ambitions ; la fierté murmurée ne restera toujours qu’un murmure…

7. La marque employeur est multicanal dans ses expressions ; il y a une vie humaine en dehors des réseaux sociaux ; réinventons la créativité employeur.

Enfin, n’oublions pas le « bon sens » qui doit primer dans toutes manifestations de marque employeur. Les modes passent, la conscience humaine, elle, est censée rester.

Alors faut-il des Responsables Marque Employeur ? À vous de voir.

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Reconnu comme l’un des meilleurs experts européens en communication et en management, Didier Pitelet, après 16 ans passés chez Publicis à la tête de plusieurs entreprises de conseil et de communication, a fondé Onthemoon, MoonPress et Henoch Consulting, dédiées à tous les enjeux de culture d’entreprise et change management. Il est aussi membre de l’ACCE (Association des Conseils en Communication pour l’Emploi) et Partenaire du Cercle du Leadership. Ses ouvrages et notes de conjoncture développent depuis plus de vingt ans les enjeux de gouvernance d’entreprise et de management des relations humaines pour les années à venir. Il a publié en mars 2016 aux éditions Eyrolles « Le Pari de la Culture, petit éloge de la culture d’entreprise », préfacé par Matthieu Ricard.

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