2 m² à 14.000 euros à Paris : le symbole d’un marché immobilier hors sol

À Paris, un débarras de 2 m² a été mis en vente 14.000 €. Présenté comme un « espace de vie cosy », ce bien illustre jusqu’où peut aller la déconnexion du marché immobilier parisien, où l’absurde devient argument commercial. L’agent présente ses excuses.

19424182 666686806871568 3563256725307607897 N
By Aurélie Giraud Published on 12 novembre 2025 11h37
immobilier annonce arnaque
immobilier débarras de 2 m2 à 14.000 euros à Paris - © Economie Matin
7.000 € / m²À Paris, un débarras de 2 m² proposé 14.000 € symbolise la dérive du marché immobilier, où la rareté justifie désormais l’absurde.

À première vue, on pourrait croire à une mauvaise blague. Pourtant, l’annonce de ce bien immobilier est bien réelle. Dans le XIIᵉ arrondissement de Paris, un local de 2 m² a été mis en vente au prix de 14.000 euros. L’annonce le décrivait comme un « espace de vie cosy et intimiste », de quoi susciter une avalanche de réactions outrées sur les réseaux sociaux et dans la presse.

Une “maison” de 2 m² pour 14 000 euros

Le texte de l’annonce, relayé par Le Parisien et BFM TV, évoquait la possibilité de « se créer un cocon douillet au cœur de la capitale ». Affiché 14.000 € pour 2 m², soit 7.000 € le mètre carré, ce bien concentre à lui seul l’inflation et la spéculation qui minent le marché parisien.

L’agent immobilier concerné a tenu à s’expliquer. « Ce n’était à aucun moment envisagé comme un logement. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau. Pour moi, c’est une pièce qui peut servir de stockage ou de petit bureau », a-t-il déclaré.
Il justifie le ton de l’annonce par une volonté « décalée », expliquant que la plateforme utilisée ne proposait pas de catégorie “débarras”, d’où l’emploi du mot maison.

L’humour mal perçu d’un marché sous tension

L’annonce était censée être « fun », selon ses mots. Mais la blague a mal tourné. Face à la vague d’indignation, l’agent a reconnu son erreur et présenté ses excuses : « Si ça a été mal perçu, je m’excuse. Je vais suspendre l’annonce et retravailler le texte. » Un mea culpa qui n’a pas suffi à éteindre le symbole.

Car au-delà du ton maladroit, ce micro-événement en dit long sur la situation du logement à Paris. Dans une capitale où le mètre carré dépasse régulièrement les 10.000 euros à l’achat, même un espace inutilisable devient matière à transaction. Le simple fait qu’un tel bien soit proposé à la vente, et repris par les médias, montre la gravité du déséquilibre entre offre et demande.

Le miroir d’un marché immobilier à bout de souffle

Selon une étude publiée par SeLoger, le nombre d’annonces locatives disponibles à Paris a chuté de 25% depuis 2019. L’encadrement des loyers, instauré pour freiner la hausse des prix, ne suffit plus à endiguer la tension. Un studio parisien reçoit désormais en moyenne 743 candidatures, selon Meilleurtaux.com.
Un chiffre vertigineux qui explique pourquoi chaque mètre carré devient une denrée spéculative.

Dans ces conditions, les professionnels de l’immobilier peinent à maintenir une frontière claire entre la réalité économique et la tentation de vendre l’invendable. Le débarras du XIIᵉ arrondissement, qualifié d’« espace de vie cosy », n’est que l’exemple le plus visible de cette dérive.

Une dérive révélatrice du mal-logement à Paris

Les données les plus récentes publiées par Bourse des Crédits indiquent qu’un locataire parisien débourse en moyenne 1.154 euros par mois pour 29,6 m², soit environ 40 euros le mètre carré. Un niveau jamais atteint, qui repousse chaque mois un peu plus les ménages modestes et même les classes moyennes vers la périphérie.

Le phénomène n’est plus marginal : il touche tous les arrondissements et alimente la crise du mal-logement. Quand un débarras devient un produit immobilier, c’est que la logique du logement a cédé la place à celle du placement.

19424182 666686806871568 3563256725307607897 N

Aurélie Giraud, juriste de formation, titulaire d'une maîtrise de droit public (Sorbonne, Paris I), est journaliste à Economie Matin, après avoir travaillé comme correctrice et éditrice dans l’édition.

No comment on «2 m² à 14.000 euros à Paris : le symbole d’un marché immobilier hors sol»

Leave a comment

* Required fields