La hache de guerre n’a pas été enterrée, mais affûtée autrement. Washington et Bruxelles signent un compromis tarifaire stratégique, évitant de justesse l’éclatement d’un conflit commercial ouvert. Les droits de douane sont là, et sont partis pour rester.
Washington et Bruxelles imposent des droits de douane de 15 % : qui gagne, qui perd ?

Le 27 juillet 2025, à l’issue de plusieurs semaines de tensions croissantes, l’Union européenne et les États-Unis ont conclu un accord douanier de dernière minute, visant à éviter une spirale protectionniste aux conséquences potentiellement dévastatrices. Les deux parties se sont entendues sur l’instauration réciproque d’un taux de droits de douane fixé à 15 % sur une série de produits industriels stratégiques.
Trump relance l’offensive commerciale : un accord imposé sous pression
La dynamique de ce nouveau pacte douanier s’inscrit dans le cadre plus large du retour de Donald Trump à la présidence américaine. Fidèle à sa ligne, le président a utilisé l’arme tarifaire comme levier de reconquête industrielle, multipliant les menaces à l’encontre des alliés commerciaux des États-Unis.
Selon CNN, Trump aurait exigé, en amont de l’accord, des hausses de taxes punitives sur certains produits européens jusqu’à 50 %, visant spécifiquement les automobiles allemandes et les cosmétiques français. Face à cette offensive, l’Union européenne, a choisi la négociation plutôt que l’affrontement, obtenant un taux tarifaire global limité à 15 %, assorti d’une suspension des sanctions unilatérales.
Euronews rapporte les mots de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen : « Ce compromis difficile nous permet de préserver l’accès au marché américain tout en défendant nos intérêts industriels essentiels. » Ce compromis trouve son origine dans le mandat confié par les Vingt-Sept à la Commission, lors de la réunion du Conseil des Affaires étrangères le 14 juillet 2025, où il a été jugé urgent d’"éviter un conflit tarifaire majeur avec un partenaire systémique".
Des droits de douane à tout va sur toute l’industrie européenne
Le cœur de l’accord repose sur la mise en place d’un droit de douane bilatéral de 15 % sur les importations de plusieurs grandes filières industrielles à forte valeur ajoutée. Les documents consultés sur Reuters et NBC News confirment la liste précise des secteurs concernés :
- Industrie automobile : voitures particulières, utilitaires, composants mécaniques et électroniques.
- Pharmacie et biotechnologies : médicaments, vaccins, dispositifs d’analyse moléculaire.
- Luxe et beauté : parfums, cosmétiques, maroquinerie de haute gamme.
- Aéronautique civile : fuselages, turbines, composants structuraux.
- Équipements médicaux : appareils de diagnostic, matériel de chirurgie.
À noter que le secteur agroalimentaire est totalement exclu de l’accord. Cette exemption a été expressément défendue par plusieurs délégations nationales, dont la France, lors du Conseil du 14 juillet, selon le compte rendu officiel.
Le texte précise également que les nouvelles mesures entreront en vigueur le 15 août 2025, et qu’un mécanisme de révision trimestrielle est prévu. Une clause dite « d’ajustement rapide » autorise chacune des deux parties à réagir à toute distorsion de marché documentée, par un relèvement temporaire du taux dans une limite de 5 points.
Impacts industriels : les grands groupes français en ligne de mire
Si l'accord évite un embrasement tarifaire total, il provoque une onde de choc dans plusieurs secteurs industriels européens, dont plusieurs champions français sont exposés en première ligne.
D’après Le Figaro, les groupes suivants pourraient être particulièrement affectés :
- Sanofi : le géant pharmaceutique expédie chaque trimestre plus de 200 millions d’euros de médicaments vers le marché nord-américain. L’imposition d’un droit de douane de 15 % pourrait mécaniquement accroître le coût de ses produits de 30 millions d’euros par an.
- Dassault Aviation : bien que les contrats militaires soient exclus de l’accord, les composants civils pour les jets Falcon seront désormais taxés, réduisant les marges à l’export.
- LVMH, Kering, L’Oréal : selon les analystes, le marché américain représente entre 25 et 35 % du chiffre d’affaires de ces groupes. La taxation de leurs produits de luxe pourrait provoquer un report de la demande vers des marques locales.
- Faurecia et Valeo : équipementiers automobiles très présents dans les chaînes de production nord-américaines, ils seront contraints d’absorber ou de répercuter le surcoût sur leurs clients.
En revanche, certains groupes respirent. Airbus, longtemps menacé de sanctions punitives par l’administration Trump, voit la pression retomber. Le compromis met un terme au contentieux sur les subventions croisées, sans imposer de mesures rétroactives.
Un rééquilibrage commercial sous surveillance : quels garde-fous ?
Le mécanisme retenu par les deux blocs s’apparente à une zone tampon tarifaire, dans laquelle la taxation vise à dissuader les écarts de compétitivité, sans verrouiller les échanges.
Le Conseil des Affaires étrangères précise que l’objectif est de « contenir les déséquilibres commerciaux sans violer les règles fondamentales de l’OMC ». L’Union européenne entend ainsi préserver le principe de réciprocité dynamique : les droits pourront être modulés selon l’évolution des parts de marché et des pratiques commerciales.
Sur le plan politique, la mise en œuvre de ce cadre suscite des frictions. Plusieurs États membres ont exprimé leurs inquiétudes quant à la fragilisation des PME exportatrices, qui ne disposent pas de la même capacité d’absorption que les grands groupes.
En interne, la France, l’Italie et la Belgique ont milité pour un soutien sectoriel renforcé, appelant à la création d’un fonds européen de compensation pour les entreprises touchées.
Droits de douane : un accord symptomatique d’une nouvelle ère économique
Loin d’un simple ajustement technique, l’accord douanier du 27 juillet 2025 entre l’UE et les États-Unis marque une rupture stratégique. Il officialise le retour d’une régulation par la barrière tarifaire, dans un monde où le multilatéralisme perd du terrain.
La relance d’un protectionnisme ciblé, assumé par Donald Trump, a contraint l’Union européenne à réagir sur un terrain qu’elle s’efforçait d’éviter. La fixation à 15 % des droits de douane crée une nouvelle norme. Les équilibres sont fragiles. Si certaines filières retrouvent un espace de respiration, d’autres risquent d’être durablement affaiblies.
