Automobile : l’objectif 100 % électrique en 2035 jugé inatteignable

L’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) et la fédération des équipementiers (Clepa) ont publié, le 27 août, une mise en garde claire. L’objectif de vendre exclusivement des véhicules électriques en 2035 ne peut pas être atteint dans l’état actuel du marché. Cette alerte, portée par les dirigeants de grands groupes, souligne les fragilités d’une stratégie européenne qui repose presque entièrement sur l’« électrique » comme solution unique à la décarbonation des transports.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 28 août 2025 13h00
Automobile : l’objectif 100 % électrique en 2035 jugé inatteignable
Automobile : l’objectif 100 % électrique en 2035 jugé inatteignable - © Economie Matin
15%Seulement 15 % des voitures neuves et 9 % des camionnettes vendues dans l’Union européenne sont électriques.

Des ambitions jugées trop rigides

« Les objectifs rigides prévus pour les émissions de CO2 des voitures et camionnettes en 2030 et 2035 sont, dans le monde d’aujourd’hui, tout simplement inatteignables », ont affirmé l’ACEA et Clepa dans un communiqué relayé par l’AFP. Selon les deux organisations, la trajectoire imposée par Bruxelles ne correspond plus à la réalité industrielle ni aux contraintes économiques des constructeurs. Elles appellent donc à une révision urgente de la réglementation afin d’éviter une rupture brutale du marché automobile.

Le constat est partagé par plusieurs dirigeants. Ola Källenius, directeur général de Mercedes-Benz, et Matthias Zink, membre du directoire de Schaeffler AG, soulignent, dans des propos partagés par Reuters, que la part de l’électrique dans les ventes reste insuffisante : seulement 15 % des voitures neuves et 9 % des camionnettes vendues dans l’Union européenne sont électriques. Ces chiffres montrent l’ampleur du retard accumulé par rapport à l’objectif de 100 % en dix ans. Malgré les annonces ambitieuses, la demande réelle des consommateurs ne suit pas encore la dynamique réglementaire, ce qui alimente les inquiétudes.

Quels sont les obstacles à la progression de l’électrique ?

Au-delà des chiffres de ventes, l’industrie pointe des freins majeurs. Tout d’abord, la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’Asie pour l’approvisionnement en batteries limite son autonomie stratégique. Ensuite, les infrastructures de recharge sont jugées insuffisantes pour accompagner une massification de l’électrique. Les constructeurs rappellent que l’installation d’un réseau dense et fiable suppose des investissements colossaux et une coordination entre États membres encore inégale. Par ailleurs, la hausse des coûts de production, combinée aux nouvelles taxes américaines sur les importations, fragilise encore la compétitivité des groupes européens.

Ces facteurs, mis bout à bout, expliquent pourquoi les objectifs 2030 et 2035 apparaissent de plus en plus irréalistes. Les représentants d’ACEA et Clepa vont plus loin : « La mesure actuelle est inviable, compte tenu des conditions industrielles et géopolitiques. », ont-ils affirmé dans la presse espagnole. L’ambition européenne, bien qu’affichée comme un levier climatique majeur, néglige la complexité de la chaîne de valeur automobile. Entre les délais d’industrialisation, les investissements massifs requis et la concurrence asiatique, l’Europe se retrouve exposée à une dépendance accrue. Ce risque nourrit une inquiétude partagée entre constructeurs et équipementiers, qui redoutent une fragilisation durable du tissu industriel.

Bruxelles revoit sa stratégie : assouplir sans renoncer

Face à ces critiques répétées, la Commission européenne tente d’ajuster sa stratégie. Selon El País, Bruxelles prévoit d’assouplir les règles CAFE, qui imposent aux constructeurs des plafonds d’émissions très stricts. La Commission envisage également de mettre en place des incitations communes pour l’achat de véhicules électriques dans l’ensemble des États membres, afin de réduire les écarts actuels entre pays. Enfin, un effort particulier devrait être consacré au déploiement accéléré des bornes de recharge, condition sine qua non pour crédibiliser la généralisation de l’électrique. Cet ensemble de mesures constitue un plan global visant à maintenir l’ambition tout en tenant compte des réalités du terrain.

Cependant, les voix critiques persistent. Ola Källenius a récemment averti, dans des propos partagés par The Times, que « le marché automobile européen risque l’effondrement » si les contraintes restent figées. Il met en avant une combinaison de facteurs défavorables. La concurrence chinoise agressive, les tarifs douaniers américains, la faiblesse de la demande sur certains segments du luxe et la transition imposée vers le zéro émission. Pour le patron de Mercedes, seule une politique incitative, combinée à une flexibilité réglementaire, permettra d’éviter un choc social et économique majeur. Le message est clair, l’électrique doit rester l’horizon, mais il faut en recalibrer le chemin.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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