Le 2 septembre 2025, le tribunal correctionnel de Dunkerque a condamné Greenpeace et douze de ses militants après l’intrusion spectaculaire menée en octobre 2024 sur le site hautement sensible de la centrale nucléaire de Gravelines, dans le Nord. Cette condamnation de Greenpeace, assortie d’amendes individuelles, suscite un vif débat politique et juridique, à la croisée des enjeux sécuritaires et du droit à la contestation environnementale.
Greenpeace condamnée : une sanction lourde pour intrusion
Le jugement rendu à Dunkerque a placé Greenpeace face à une responsabilité directe. L’organisation a été condamnée à une amende de 30 000 euros pour intrusion sur le site, selon un communiqué publié par l'ONG. Les douze militants impliqués ont été sanctionnés à des degrés différents : cinq ont reçu 800 euros d’amende chacun avec inscription au casier judiciaire, tandis que sept autres se sont vu infliger la même somme dont 400 euros avec sursis, a confirmé France Bleu.
Ces peines, moins sévères que les réquisitions initiales du parquet, traduisent cependant une condamnation ferme. En juin, lors de l’audience, le procureur avait réclamé jusqu’à six mois de prison avec sursis en plus d’amendes, rappelle le communiqué. Le tribunal a finalement choisi de privilégier des sanctions financières, mais la symbolique reste forte : Greenpeace est reconnue coupable d’une violation de site stratégique, ce qui inscrit cette condamnation dans une jurisprudence sensible en matière de sécurité nationale.
Une intrusion organisée et des demandes colossales d’EDF
Les faits à l’origine de cette condamnation remontent à octobre 2024. Ce jour-là, douze militants de Greenpeace ont franchi le canal de rejet de la centrale de Gravelines à bord de pneumatiques motorisés. L’action s’est distinguée par un fort impact visuel : banderoles, cerfs-volants en forme de méduse et fumigènes bleus avaient été déployés. Cette intrusion visait à dénoncer les dangers du nucléaire et les risques climatiques associés.
Du côté d’EDF, exploitant de la centrale, la réaction a été immédiate. L’entreprise a réclamé 890 000 euros de dommages et intérêts, dont 375 090 euros pour préjudice matériel, 500 000 euros pour préjudice moral et 15 000 euros de frais d’avocat, selon Greenpeace France. Le tribunal n’a pas statué sur ces demandes, réservant une audience au 15 janvier 2026 pour déterminer l’éventuel montant des réparations civiles, indique Reporterre. L’écart entre la somme exigée par l’exploitant et la sanction retenue jusqu’ici révèle un contraste notable entre l’évaluation économique du dommage et la réponse judiciaire.
Condamnation et débat sur la liberté d’expression
La condamnation de Greenpeace a déclenché un flot de réactions critiques. Apolline Cagnat, responsable juridique de l’ONG, a regretté « que le tribunal n’ait pas consacré la liberté d’expression et reconnu la légitimité de cette action non violente symbolique qui alertait sur les dangers du nucléaire et les risques climatiques, pour le bien commun ».
L’avocate des militants, Me Marie Dosé, a été encore plus directe. Elle a affirmé que « ces déclarations de culpabilité portent atteinte au respect de la liberté d’expression des militants. (…) Les déclarer coupables est le pire signal qui puisse être donné au combat qu’ils ont le courage de mener ». Ces propos traduisent une inquiétude plus large sur l’usage de la justice pénale dans le cadre de contestations politiques et écologistes.
Le débat dépasse donc le simple cadre judiciaire. Il s’inscrit dans un contexte politique marqué par des tensions récurrentes entre mouvements environnementaux et autorités publiques. Pour Greenpeace, la condamnation représente un précédent inquiétant qui pourrait peser sur les futures mobilisations. Pour l’État, elle traduit la nécessité de rappeler que les sites nucléaires, considérés comme zones sensibles, doivent rester intouchables au nom de la sécurité nationale.
