Depuis trois ans, les salaires réels des Italiens reculent. Malgré les promesses du gouvernement Meloni, le salaire moyen perd du terrain face à une inflation persistante. Une érosion du pouvoir d’achat qui révèle les failles structurelles de l’économie italienne.
Italie : l’extrême-droite au pouvoir, les salaires réels s’effondrent

D’après les dernières données publiées par l’Institut national de statistique (ISTAT) le 29 octobre 2025, les rémunérations réelles demeurent 8,8 % inférieures à leur niveau de janvier 2021. Trois ans après l’arrivée de Giorgia Meloni au Palazzo Chigi, la promesse d’une relance du pouvoir d’achat paraît encore lointaine.
Des salaires réels en chute libre en Italie
L’ISTAT confirme une réalité préoccupante : en septembre 2025, les salaires restent -8,8 % en dessous des niveaux de janvier 2021, malgré une hausse de +2,6 % sur un an. Cette statistique, publiée par Corriere della Sera le 29 octobre 2025, montre combien la progression nominale des salaires reste absorbée par la flambée des prix. Le phénomène n’est pas ponctuel : sur les neuf premiers mois de 2025, la rémunération horaire moyenne n’a crû que de +3,3 %, un rythme insuffisant pour compenser l’inflation accumulée depuis 2021, selon ANSA.
Les économistes italiens soulignent une dynamique inquiétante : la hausse des prix a grignoté presque neuf points de pouvoir d’achat depuis le pic inflationniste de 2022. Autrement dit, l’argent gagné chaque mois permet d’acheter sensiblement moins qu’avant la pandémie, alors même que les salaires semblent progresser sur le papier.
Au-delà des chiffres, le ralentissement du salaire réel illustre la faiblesse du marché du travail italien. D’après Teleborsa, près de 43 % des salariés — soit 5,6 millions de personnes — attendaient fin septembre 2025 le renouvellement de leur contrat collectif. Le délai moyen atteint désormais près de 28 mois, contre 18 mois deux ans plus tôt. Cette lenteur contractuelle pèse directement sur la progression des salaires nominaux et accentue le fossé entre revenus et coût de la vie.
Le gouvernement Meloni face à l’épreuve du pouvoir d’achat
L’arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir, le 22 octobre 2022, s’était accompagnée d’un discours de rigueur budgétaire et de relance nationale. Or, malgré une croissance légèrement positive et un chômage contenu autour de 6 % selon l’ISTAT, le salaire réel n’a pas retrouvé son niveau d’avant-crise. Les politiques de soutien ciblé — notamment la réduction des charges sur les bas revenus — ont amorti le choc pour certaines catégories, mais elles n’ont pas inversé la tendance générale.
Le quotidien Corriere della Sera souligne que « la croissance est à l’arrêt et le pouvoir d’achat baisse ». Le gouvernement Meloni fait face à un paradoxe : alors que l’emploi résiste, le revenu disponible s’effrite. Ce constat met en lumière une stagnation prolongée, marquée par un manque d’investissement productif et une productivité en berne.
Les chiffres d’ANSA confirment pourtant un léger redressement : depuis octobre 2023, les salaires réels augmentent légèrement plus vite que l’inflation. Mais cette embellie reste marginale. Les 3,3 % de hausse enregistrés sur les neuf premiers mois de 2025 ne compensent pas le recul cumulé des années précédentes. D’autant que, comme le rappelle Pagella Politica, l’ISTAT a « démenti » l’affirmation d’une « croissance record » des salaires avancée par certains responsables du gouvernement : la progression italienne reste inférieure à celle observée dans la plupart des grands pays européens.
Face à cette contradiction, Giorgia Meloni revendique la stabilité macroéconomique comme priorité, tout en évitant une indexation automatique des salaires à l’inflation. Cette ligne prudente rassure Bruxelles mais entretient, sur le plan intérieur, le malaise d’une population qui voit son pouvoir d’achat reculer trimestre après trimestre.
L’Italie, un modèle salarial figé depuis trente ans
La crise actuelle des salaires ne naît toutefois pas avec le gouvernement Meloni : elle s’enracine dans une stagnation historique. Comme le rappelle Lavoro Diritti Europa, l’Italie est le seul grand pays de la zone euro où les salaires réels n’ont pas progressé depuis les années 1990. Ce blocage résulte d’une combinaison de faible productivité, de dualisme du marché du travail et de lenteur dans les négociations collectives. Mais, la chute est de plus en plus rapide : -8% entre 2019 et 2024, contre -3,4% entre 1991 et 2023.
Les entreprises, confrontées à un coût du travail rigide et à une fiscalité lourde, hésitent à relever les rémunérations. Le gouvernement Meloni a tenté de relancer le dialogue social, mais les syndicats dénoncent un manque de mesures structurelles. Le secrétaire général de la CGIL, Maurizio Landini, déclarait récemment : «Il faut un plan extraordinaire pour les salaires. ».
Ce constat rejoint celui des économistes de l’Osservatorio CPI : l’écart entre salaires nominaux et productivité reste l’un des plus élevés d’Europe, freinant toute reprise durable du pouvoir d’achat. Ainsi, même en cas de reprise de la croissance, le salaire italien reste durablement déconnecté du coût de la vie.
