En 2024, 912 personnes sans-abri sont mortes en France. Le collectif Les Morts de la Rue parle d’un « record effroyable » et d’une hausse marquée. L’âge moyen au décès chute à 47,7 ans.
Sans-abri : 912 morts en 2024, un record tragique

Jeudi 30 octobre 2025, le collectif Les Morts de la Rue publie son 13ᵉ rapport « Dénombrer & Décrire ». Le chiffre frappe : 912 décès de personnes sans-abri sur l’année 2024, une progression d’environ 16 % par rapport à 2023. « Vivre à la rue, tue ! », martèle l’organisation, rappelant l’ampleur d’un phénomène durablement installé et massivement sous-documenté.
Chez les sans-abri, un bilan funeste, des profils de plus en plus jeunes
Le premier enseignement est démographique. L’âge moyen au décès des sans-abri est de 47,7 ans, soit 32 ans de moins que dans la population générale. Ce différentiel brutal souligne l’effet cumulatif de la vie à la rue : conditions sanitaires dégradées, exposition aux violences, ruptures de soins et inégalités d’accès aux droits. Selon le collectif, l’année 2024 a ainsi constitué un « record effroyable » de mortalité.
Parallèlement, la structure par sexe reste fortement déséquilibrée. Les hommes représentent 82 % des décès, les femmes 13 %, et 4 % concernent des mineurs de moins de 15 ans. Les hommes restent les victimes largement majoritaires du sans-abrisme, tandis que la présence de mineurs dans la statistique interroge l’efficacité de la protection de l’enfance et des dispositifs d’hébergement d’urgence. Ici encore, les sans-abri paient une surmortalité évitable, mais multicausale.
Où et comment meurt-on ?
Le lieu de décès dit une part de la réalité sociale. En 2024, 304 personnes sont mortes en situation de rue au moment du décès, 243 en hébergement, et la situation est indéterminée pour 365 cas. En agrégé, le collectif estime que 36 % des décès surviennent dans la rue et 27 % en sortie d’institutions. Ces indications, encore lacunaires, confirment toutefois un parcours résidentiel instable des sans-abri, où l’alternance entre la rue, l’hébergement et l’hôpital accroît la vulnérabilité.
Géographiquement, l’Île-de-France concentre 37 % des décès, tandis que les Hauts-de-France enregistrent un doublement, dû entre autres à l'afflux de migrants qui tentent de traverser la Manche. Ces disparités régionales reflètent des flux et des points de passage spécifiques, mais aussi la densité urbaine, la disponibilité des dispositifs d’hébergement et l’intensité des mouvements migratoires à certaines frontières.
Mortalité des sans-abri : ruptures de parcours, addictions et séparation
Au-delà des lieux, le rapport s’arrête sur les ruptures de parcours qui jalonnent la biographie des sans-abri décédés. Dans plus de 40 % des cas, les personnes avaient connu une rupture liée à une migration ou à un déménagement. Dans 25 %, une addiction aux substances illicites est présente, 19 % pour une addiction à l’alcool, et 15 % pour un divorce ou une séparation.
Certaines personnes sans-abri peuvent basculer après un déplacement imposé, interne ou externe, qui déstabilise emploi, droits sociaux et accès aux soins. De même, les addictions apparaissent à la fois comme conséquences et facteurs aggravants du sans-abrisme.
Mort dans la rue : des causes souvent inconnues, des violences documentées
Autre donnée structurante : la cause du décès. Pour 40 % des cas, elle demeure inconnue, faute d’autopsie ou de traçabilité suffisante. En revanche, les morts violentes représentent 17 % des décès : noyades, agressions, suicides… L’année 2024 recense également 17 morts par hypothermie et 15 liées à des incendies. Ces chiffres, bien que partiels, disent la dangerosité des conditions de vie des sans-abri : insécurité des abris de fortune, exposition aux intempéries, isolement.
L’urgence est d’autant plus manifeste que le compteur 2025 affichait déjà 614 décès à la fin octobre, un décompte provisoire qui laisse craindre la répétition d’un niveau très élevé. Ici, les sans-abri sont rattrapés par l’addition de facteurs environnementaux, sanitaires et sociaux, difficilement dissociables.
Politiques publiques, prévention et limites du décompte
Les données invitent à cibler des politiques publiques là où les ruptures s’accumulent. Il est ainsi dramatique que des personnes puissent quitter leur pays pour vivre mieux en France mais se retrouvent finalement à la rue, et y meurent. Des campagnes de communication concernant les difficultés à vivre en France pour un immigrant, menées dans les pays dont ils sont principalement originaires, pourrait réduire les flux, donc les personnes finissant à la rue. Renforcer les parcours de soins addictologiques est également une piste à creuser, alors que 25 % des biographies comportent une addiction aux substances illicites et 19 % à l’alcool.
Cependant, le rapport lui-même rappelle la part d’inconnu : 40 % des causes de décès ne sont pas établies, et de nombreux cas manquent de données fines (lieu exact, statut administratif, trajectoires). La méthodologie repose sur les remontées de terrain, les avis de décès et le travail associatif, ce qui peut sous-estimer la mortalité réelle.
