Temu, La Poste et la grande distribution : l’étrange paradoxe de Serge Papin

Ancien PDG de Système U, Serge Papin a bâti sa réputation sur une formule simple : défendre les territoires tout en consolidant le modèle de la grande distribution.

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By Rédacteur Published on 1 novembre 2025 4h00
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Temu, La Poste et la grande distribution : l’étrange paradoxe de Serge Papin - © Economie Matin

Aujourd’hui ministre délégué aux PME, il s’est emporté contre La Poste, accusée d’avoir signé un accord logistique “inacceptable” avec Temu, la plateforme chinoise d’e-commerce à bas prix. Mais derrière la posture politique, le paradoxe saute aux yeux : la mission nationale pour la revitalisation des centres-villes est menée… par Système U et la Banque des Territoires.

Quand le pompier fut autrefois pyromane

Depuis des années, les élus locaux dénoncent les effets de la grande distribution sur la désertification commerciale. Les zones d’activité en périphérie ont siphonné le commerce de proximité, tandis que les grandes surfaces ont transformé les habitudes de consommation. Système U, sous la direction de Serge Papin, a pourtant participé à ce mouvement.

Or, aujourd’hui, c’est ce même acteur qui co-pilote, avec la Banque des Territoires, la mission “Revivre nos centres-villes”, destinée à relancer les commerces de proximité et à revaloriser les cœurs urbains.

Une situation que certains élus jugent ubuesque : “C’est comme confier la lutte contre la malbouffe à un ancien géant du soda”, résume un maire de l’Ouest.

Une colère contre La Poste qui interroge

Dans ce contexte, les attaques de Serge Papin contre La Poste laissent perplexes.

En dénonçant un partenariat avec Temu, il met en avant la défense du commerce local et la souveraineté économique — des principes légitimes. Mais pourquoi s’en prendre avec autant de virulence à une entreprise publique, pendant que les acteurs historiques de la grande distribution, dont son ancien groupe, continuent de concentrer le marché ?

L’affaire révèle une géométrie variable du courage politique : les nouveaux acteurs venus d’Asie seraient des “menaces”, tandis que les enseignes françaises et européennes seraient présentées comme les “protectrices des territoires”.

Le rôle trouble de la Banque des Territoires

La Banque des Territoires, filiale de la Caisse des Dépôts, assure financer et piloter la mission de revitalisation économique des centres-bourgs. Mais son choix de s’allier à un grand distributeur interroge : peut-on vraiment faire confiance à un modèle qui a contribué à vider ces mêmes centres-villes ?

Pour beaucoup, l’initiative ressemble davantage à un exercice de réhabilitation d’image qu’à une réelle politique d’innovation territoriale. Les projets pilotes, encore rares, semblent plus proches de stratégies de communication que d’une refondation du commerce de proximité.

Une politique des copains ?

La proximité entre Système U, la Banque des Territoires et le ministre des PME nourrit un malaise. Certes, Serge Papin a quitté ses fonctions opérationnelles depuis plusieurs années, mais l’entrelacement des réseaux — économiques, politiques et institutionnels — donne à ce partenariat un parfum de connivence.

Les observateurs s’interrogent : où s’arrête l’intérêt général, où commence l’intérêt corporatiste ? La HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique) pourrait être amenée à clarifier cette situation, même si pour l’heure, aucune saisine n’a été déposée.

Une modernisation à double vitesse

Le paradoxe français est total :

  • D’un côté, l’État s’en prend à La Poste pour son partenariat avec une plateforme chinoise.
  • De l’autre, il confie à un ancien champion de la grande distribution la mission de sauver les petits commerces.

Ce mélange de symboles contradictoires nourrit une question plus large : qui fixe vraiment les priorités économiques du pays ? Les acteurs publics ou ceux de la distribution qui ont désormais pris pied dans l’appareil de décision ?

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