Patrimoine : 6.000 euros pour les plus pauvres, 850.000 pour les plus riches

Les dernières données de l’Insee sur le patrimoine des ménages dressent un tableau d’une sévérité rare : en 2024, la moitié des ménages français possède moins de 205 000 euros de patrimoine brut, tandis que les 10 % les plus riches captent près de la moitié de la richesse totale. La nouvelle série statistique publiée sur la page détaillée de l’étude confirme que l’écart entre les riches et les pauvres atteint désormais des niveaux structurels, s’ancrant au cœur du modèle social français.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 10 décembre 2025 6h59
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Patrimoine : 6.000 euros pour les plus pauvres, 850.000 pour les plus riches - © Economie Matin
61%Les ménages dont la personne de référence a entre 50 et 79 ans détiennent 61 % de la masse totale de patrimoine,

Au début de l’année 2024, l’Insee publie une analyse complète de la répartition du patrimoine des ménages, accompagnée d’un volet statistique approfondi qui affine considérablement la compréhension des écarts. Le patrimoine, qui façonne la capacité des ménages à investir, se protéger et transmettre, apparaît comme l’un des moteurs majeurs des inégalités actuelles. Les chiffres dévoilés dans l’étude principale et sa page de données montrent que les fractures patrimoniales s’élargissent, révélant des disparités durables et profondément enracinées.

Un patrimoine concentré dans les mains d’une minorité

La médiane du patrimoine brut des ménages atteint 205 100 euros en 2024, selon l’Insee. Cela signifie que la moitié des ménages détient moins que ce montant, ce qui forme le cœur de la structure patrimoniale française. Mais la page statistique de l’étude, plus exhaustive, met en lumière un fait encore plus frappant : les 30 % des ménages les moins dotés ne dépassent pas 40 000 euros de patrimoine brut. Ce seuil extrêmement bas illustre la situation de fragilité dans laquelle se trouve une large part de la population.

À l’autre extrémité, l’entrée dans les 10 % les plus riches se fait au-delà de 857 700 euros de patrimoine brut. Ce niveau a progressé au fil des années, traduisant un enrichissement bien plus rapide en haut de la distribution qu’au centre. L’étude détaillée montre également que le 1ᵉʳ décile (les 10 % les plus pauvres) possède un patrimoine brut inférieur à 6 200 euros, un niveau dérisoire qui ne permet ni investissement, ni sécurité financière.

Mais la rupture la plus spectaculaire apparaît dans la répartition des masses patrimoniales : selon l’Insee, les 10 % les mieux dotés possèdent 48 % de l’ensemble du patrimoine brut du pays. Cette dissymétrie structurelle éclaire un phénomène documenté par l’indice de Gini du patrimoine brut, qui atteint 0,652, un niveau extrêmement élevé. Cet indice signifie que la répartition du patrimoine est l’une des plus concentrées parmi les indicateurs socio-économiques suivis par l’Insee.

Ainsi, loin d’être un phénomène marginal, cette concentration excessive façonne la dynamique économique française : une partie réduite de la population concentre la quasi-totalité des capacités d’épargne, d’investissement et de transmission.

La moitié des ménages détient 61 % de la masse totale du patrimoine

L’Insee montre que le patrimoine n’est pas réparti au hasard : il suit une logique de cycle de vie rigoureuse. Les données de la deuxième page révèlent que le patrimoine brut moyen augmente fortement jusqu’à environ 60 ans, moment où il atteint son maximum. Cette croissance prolongée résulte des mécanismes d’accumulation classiques : remboursement d’emprunts immobiliers, progression des carrières, constitution d’épargne et valorisation des biens. Les ménages dont la personne de référence a entre 50 et 79 ans détiennent à eux seuls 61 % de la masse totale du patrimoine alors qu’ils représentent seulement 50 % des ménages.

La structure même du patrimoine explique également les écarts observés entre les groupes. Les tableaux détaillés révèlent que pour les ménages situés entre les 4ᵉ et 9ᵉ déciles, la résidence principale constitue le noyau dur du patrimoine. Le patrimoine des ménages les plus riches, quant à lui, est nettement plus diversifié : immobilier supplémentaire, actifs financiers, patrimoine professionnel, et patrimoine résiduel. Cette diversification constitue un avantage décisif, car elle accroît la résilience face aux chocs économiques et renforce la capacité d’accumulation.

Enfin, les données détaillées montrent que l’inégalité n’est pas uniquement une affaire de montants : elle se joue également dans la composition des patrimoines. Les ménages modestes ont des portefeuilles peu diversifiés et fortement exposés aux aléas, tandis que les ménages aisés disposent de capitaux capables de se valoriser de manière continue.

Les inégalités de patrimoine se renforcent en France

Les données de l’étude mettent en lumière une réalité troublante : les inégalités de patrimoine ne diminuent pas, elles se renforcent. Les écarts entre les valeurs patrimoniales médianes, les seuils des déciles supérieurs, et les masses patrimoniales accumulées témoignent d’un système de répartition figé, peu influencé par les politiques de redistribution actuelles.

Plus incisif encore, l’écart entre les niveaux de vie ne reflète que partiellement les inégalités de patrimoine. Les tableaux statistiques confirmant l’indice de Gini montrent que le patrimoine est deux fois plus inégalement réparti que les revenus, ce qui signifie que le patrimoine est devenu une barrière structurelle à la mobilité sociale. Il influence non seulement le confort immédiat des ménages, mais aussi leur avenir, leur sécurité financière, et la transmission des avantages d’une génération à l’autre.

La concentration du patrimoine crée un effet d’accumulation cumulative : les ménages les mieux dotés bénéficient à la fois du rendement de leurs actifs, de leur diversification, de leur faible exposition au risque, et d’une capacité d’anticipation financière que les ménages modestes n’ont pas. Les données de la page détaillée révèlent ainsi que la France n’est plus simplement divisée entre riches et pauvres : elle est fracturée entre ceux qui disposent d’un patrimoine structurant et ceux qui en sont durablement privés.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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