Compromis et ambiguïté sur les marchés

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Par Hervé Goulletquer Publié le 23 novembre 2018 à 11h00
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Un compromis peut-il être « clair et net » ou comporte-t-il toujours sa part d’ambigüité, afin que les parties concernées y trouvent leur compte ? A chacun d’apporter sa réponse ; mais on en est sans doute un peu là ce matin avec les deux dossiers que sont les relations commerciales sino-américaines et le Brexit.

La rencontre entre Trump et Xi va-t-elle déboucher sur un compromis ?

Le G20 de Buenos Aires, en marge duquel les Présidents Trump et Xi se rencontreront, ouvrira dans une semaine. Le face-à-face va-t-il déboucher sur un vrai démarrage des négociations commerciales entre les deux pays et sans doute ainsi sur un ajournement des décisions de renchérissement des droits de douane ? La question taraude des marchés, qui guettent les signes d’une évolution dans un sens ou dans l’autre. Disons que la stratégie de communication des deux protagonistes apparaît différente ; dans la mesure bien sûr où les signaux faibles reçus fassent sens.

Du côté chinois, on pointe la volonté des Etats-Unis d’arriver à un accord et on formule le vœu que la réunion entre les deux dirigeants se passe bien. Tout ceci n’est pas très spécifique et l’insistance sur des Etats-Unis à la recherche d’une solution est sans doute un message à usage domestique. Du côté américain, on reste, assurément sciemment, dans l’ambigüité. C’était le cas plutôt dans la semaine et cela l’est encore ce vendredi 23 novembre matin. Le Président Trump se réjouit de la volonté des autorités de Pékin d’aboutir à un accord. Dans le même temps, un article de presse met en avant la demande de l’Administration, adressée aux pays alliés les plus proche, de convaincre « leurs » entreprises de télécommunication d’arrêter de travailler avec le fournisseur chinois Huawei Technologies. Disons que Washington montre le chemin que le Président Xi et son Cabinet doivent emprunter pour arriver à un compromis : le plan « Made in China 2025 » devra être, si ce n’est remis en cause, amendé. On en est là et il n’est pas facile de préempter ce que seront les conclusions des discussions entre les deux Présidents.

Brexit : vers un compromis britannique ?

Passons au Brexit et commençons par rappeler deux choses. L’accord sur les conditions du divorce entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne porte évidement la trace d’un compromis côté britannique. Theresa May, dans sa volonté de rassembler le pays, doit à la fois prouver que le Brexit devient une réalité et faire en sorte de ne pas affaiblir l’économie en remettant en cause les échanges avec le Continent. D’où la recherche d’un équilibre improbable entre quitter les structures politiques de l’Europe tout en restant alignées sur ses structures économiques. Cela ne contente personne ; mais face à une opinion divisée existe-t-il une autre voie ? L’autre point dont il faut se souvenir est la démarche séquentielle de la Première ministre. D’abord, elle obtient un accord entre Londres et Bruxelles. Ensuite, elle doit convaincre l’opinion qu’il n’y a pas d’autres choix raisonnables. Enfin, fort de son travail de persuasion auprès des Britanniques, elle arrive à franchir l’obstacle du vote au Parlement.

Où en est-on ? Les conditions du « divorce » sont à-peu-près arrêtés. La « déclaration politique » qui propose un premier balisage des relations futures entre le RU et l’UE pourrait, au moins à un titre, être reçue de façon pas trop critique par les Brexiteurs « purs et durs ». Theresa May voulait qu’il soit fait référence à un commerce « sans frictions ». La proposition a été retoquée par la Commission qui insiste sur l’existence demain de « deux marchés distincts ». Brexit is Brexit, indeed ! Ensuite, la bataille de l’opinion engagée par la Première ministre ne se passe pas trop mal. Le milieu des affaires la soutient et sa cote de popularité remonte. En l’espace d’une semaine, la proportion des électeurs souhaitant la voir rester à son poste est passée de 33% à 46%. Reste à réussir à gagner la majorité du Parlement à son texte. Ce n’est pas fait, évidemment. Mais il est important de noter les initiatives des uns et la communication des autres afin de ne pas transformer un non en un No-Deal Brexit.

Changeons de sujet et disons deux mots du compte-rendu du dernier Conseil des gouverneurs de la BCE. Il a été publié hier. On sent une certaine prudence par rapport à un scénario central d’une croissance qui se poursuivrait autour du rythme prévu ; mais sans que celui-ci soir remis en cause. On perçoit un certain niveau de confiance dans la capacité de l’inflation à, accélérer progressivement. A ce double titre, la démarche monétaire n’a pas à être modifiée. On le ressent ; les informations sur le momentum de la croissance sont clé à l’heure actuelle. Une raison suffisante pour s’intéresser ce vendredi matin à la publication de la première estimation des enquêtes PMI de novembre en Allemagne, en France et en Zone Euro. Le consensus table sur une stabilisation, ou à-peu-près. On croise les doigts pour qu’il en soit bien ainsi !

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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