Pollution : l’accord sur le plastique bloqué par l’industrie et des États producteurs

À Genève, les négociations pour un traité mondial sur le plastique, censé limiter un fléau environnemental planétaire, ont tourné au fiasco. Après dix jours d’échanges, les divergences entre pays producteurs et États favorables à des mesures contraignantes ont conduit à un échec cinglant, laissant la pollution plastique progresser sans entrave.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 14 août 2025 9h29
Microplastiques en masse : le procès explosif qui attend Nestlé Waters
Pollution : l’accord sur le plastique bloqué par l’industrie et des États producteurs - © Economie Matin
10%Seulement 10% du plastique est effectivement recyclé chaque année.

Le 13 août 2025, dans la capitale diplomatique suisse, le monde espérait voir naître un accord international historique contre la pollution plastique. Plus de 170 pays étaient rassemblés depuis le 5 août pour négocier un traité ambitieux. Or, le texte soumis par la présidence des négociations a été jugé trop faible par une majorité de délégations. Sans limitation de production, sans encadrement des substances chimiques, et sans vision complète du cycle de vie des plastiques, il a été rejeté par une large coalition, scellant un échec retentissant à Genève.

Un traité sur le plastique vidé de ses ambitions initiales

Dès les premières lectures, le projet de texte a suscité l’incompréhension. Ni plafond de production, ni régulation des additifs chimiques, ni engagement sur la réduction des plastiques à usage unique. Pour l’ONG Environmental Justice Foundation (EJF), le constat est implacable : « C’est essentiellement un cadre de gestion des déchets… Ce texte n’est rien de moins qu’une trahison ».

Cette critique a trouvé écho auprès de nombreuses délégations. Le représentant du Panama, Juan Carlos Monterrey, a dénoncé avec vigueur l’orientation des travaux : « Nos lignes rouges, et celles de la majorité des pays représentés dans cette salle, non seulement ont été effacées, mais elles ont été piétinées, et elles ont été brûlées », relaye Health Policy Watch.

Genève : un théâtre de divisions diplomatiques

Sur le terrain, la fracture n’a pas été Nord-Sud, mais bien entre deux visions irréconciliables. D’un côté, des États comme la Colombie, le Canada, le Kenya, le Mexique ou l’Union européenne, exigeant un traité contraignant couvrant toute la chaîne du plastique, de sa production à son élimination. De l’autre, une minorité influente — Arabie saoudite, Russie, Iran, États-Unis — soutenue par les industries pétrochimiques, refusant toute limite à la production et privilégiant la seule gestion des déchets.

Pour la délégation kenyane, l’évidence scientifique ne laisse pas de place à l’ambiguïté : « Ce texte n’a aucune valeur démontrable pour mettre fin à la pollution plastique ». Nicholas Mallos, vice-président du programme Plastiques de l’Ocean Conservancy, résume ainsi l’enjeu : « La science est claire : pour réduire la pollution plastique, nous devons produire et utiliser moins de plastique dès le départ. Un traité sans réduction est un traité manqué », souligne Common Dreams.

Lutte contre la pollution plastique : une mobilisation civile et scientifique ignorée

Autour du centre de conférence genevois, ONG et militants se sont relayés pour maintenir la pression. Des installations artistiques représentant des vagues de plastique, des performances théâtrales et des banderoles géantes appelaient à « Stop Plastic Now ». Malgré ces actions, la salle de négociation est restée fermée aux compromis majeurs.

Les chiffres, pourtant, sont clairs : 460 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, soit l’équivalent du poids de l’humanité. Or, moins de 10 % de ce volume est recyclé efficacement selon The Guardian. Le reste finit dans les océans, les sols, ou se décompose en microplastiques détectés jusque dans le sang humain.

Les causes profondes de l’échec

Le blocage de Genève n’est pas un incident isolé, mais le résultat de stratégies d’obstruction rodées, déjà observées dans les négociations climatiques. Les États dont l’économie repose sur les hydrocarbures ont tout intérêt à maintenir la demande en plastique, dérivé direct du pétrole et du gaz. L’Arabie saoudite, par exemple, a plaidé pour un texte axé uniquement sur le recyclage, en écartant toute régulation en amont.

La délégation américaine a, elle aussi, fait savoir dans un mémo diplomatique qu’elle rejetait tout objectif de réduction de production, rejoignant la position de l’industrie pétrochimique. Ce front commun a suffi à empêcher toute mention contraignante dans le texte final, au grand dam de la majorité des participants.

Un revers pour l’avenir de la lutte contre la pollution plastique

En repoussant l’adoption d’un traité ambitieux, la communauté internationale retarde une réponse globale à un problème qui s’aggrave chaque année. La pollution plastique, déjà omniprésente, continue d’empoisonner les écosystèmes marins, de nuire à la biodiversité et de menacer la santé humaine. Pour de nombreux observateurs, le risque est désormais que les futures négociations s’ouvrent sur des bases affaiblies, avec des clauses encore plus favorables aux industries. Comme le souligne EJF, cet échec « risque de conduire à un effondrement total des ambitions »

L’échec des négociations de Genève sur le traité mondial contre la pollution plastique est un signal d’alarme. Il montre combien les intérêts économiques peuvent primer sur l’urgence environnementale, même face à des données scientifiques indiscutables. Le rendez-vous manqué du 13 août 2025 laisse planer une question lourde : la planète peut-elle se permettre d’attendre encore pour réduire sa dépendance au plastique ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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