Le gouvernement allemand a présenté, le 5 août, une feuille de route pour réduire la dépendance de la filière éolienne européenne aux terres rares et aimants permanents fournis par la Chine. Un tournant stratégique dans un contexte marqué par des tensions croissantes entre Pékin et les capitales occidentales, et des perturbations majeures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
L’Allemagne veut réduire la dépendance de l’éolien européen à la Chine

Une feuille de route pour sortir de l’ombre chinoise
L’annonce de cette stratégie s’est matérialisée dans un plan conjoint dévoilé par le ministère allemand de l’Économie et de l’Énergie, en partenariat avec cinq fédérations européennes de l’éolien. L’objectif est clair : « rendre le secteur plus résilient » et, surtout, « éviter une dépendance excessive aux importations de certains États », selon le document consulté par Boursorama avec AFP.
Concrètement, la feuille de route cible la réduction progressive de la part des aimants permanents d’origine chinoise, un composant clé des turbines éoliennes. Aujourd’hui, plus de 90 % de ces aimants sont importés de Chine, un monopole stratégique qui inquiète Bruxelles depuis plusieurs années. Pour s’en détacher, Berlin prévoit que 15 % des aimants soient issus de fournisseurs alternatifs d’ici 2029, puis 50 % à partir de 2035. Concernant les terres rares, qui composent ces aimants, l’objectif est encore plus ambitieux : 5 % de diversification dès 2029, et 35 % en 2030.
Berlin en première ligne, Bruxelles en soutien
Cette stratégie nationale s’inscrit dans une dynamique européenne plus large. Le Net-Zero Industry Act (NZIA) fixe désormais un objectif de 36 gigawatts de capacité de production annuelle de technologies vertes sur le sol européen. Quant au Critical Raw Materials Act (CRMA), il impose un cadre strict pour sécuriser l’approvisionnement en matières premières critiques. La "Resilience Roadmap for Permanent Magnets", publiée le 5 août 2025 sur le site de WindEurope, vient préciser le cap : 30 % des aimants devront provenir de sources alternatives dès 2030, 50 % en 2035.
Ce document, élaboré à partir du plan d’action allemand en cinq points pour l’éolien lancé en octobre 2024, propose des mesures concrètes : signature de protocoles d’accord (MoUs), contrats d’approvisionnement à long terme, et investissements garantis. Le ministère prévoit également d’intégrer des critères de résilience dans les appels d’offres nationaux pour l’éolien, afin de favoriser les composants non chinois. Des fonds européens comme l’EU Innovation Fund ou le German Raw Materials Fund seront mobilisés pour accélérer cette transition industrielle.
La Chine, toujours incontournable ?
La publication de cette feuille de route intervient après une série de frictions diplomatiques. En avril 2025, la Chine avait instauré des restrictions à l’exportation de terres rares, en réponse aux barrières commerciales américaines. Une décision qui a provoqué des remous dans toute l’industrie éolienne européenne. Selon Boursorama, « l’industrie allemande a particulièrement tremblé devant les restrictions à l’export de terres rares chinoises ». Face à cette menace, Berlin cherche à nouer de nouveaux partenariats avec des fournisseurs comme l’Australie, le Japon, l’Inde ou les États-Unis.
Le recyclage des aimants est aussi envisagé, mais reste très limité. Seuls 80 tonnes pourraient être récupérées d’ici 2030, alors que le secteur a besoin de plusieurs milliers de tonnes pour ses nouvelles installations, selon WindEurope. La Commission européenne a, de son côté, annoncé fin juillet 2025 avoir négocié un mécanisme « amélioré » avec Pékin pour assouplir ces exportations. Un signal que la Chine reste, malgré tout, un partenaire difficile à contourner, surtout pour les exportations allemandes, encore largement tournées vers l’Empire du Milieu.
