Selon le dernier bilan publié par RTE, le gestionnaire du réseau électrique national, la France a connu une situation inédite au premier semestre. Dix pour cent de la production d’électricité solaire a été purement et simplement perdue. Une donnée vertigineuse, que RTE attribue à une conjonction de facteurs : surproduction, manque de stockage, et désynchronisation entre l’offre et la demande.
La France gaspille une part record de son électricité solaire et éolienne

Électricité éolienne et solaire : croissance rapide, absorption difficile
Le parc de production renouvelable français a connu une croissance spectaculaire. Entre janvier et mai 2025, ce sont 2,3 gigawatts de nouvelles capacités qui ont été raccordées, dont 2,1 GW de solaire. La capacité solaire installée atteint 26,4 GW, dépassant pour la première fois les 24,6 GW de l’éolien. Mais cette accélération soulève une question fondamentale : que faire de cette électricité quand le réseau n’en a pas besoin ? Faute de réponse, 2 000 gigawattheures ont été écrêtés, c’est-à-dire délibérément non injectés, sur les six premiers mois de l’année, selon RTE comme le rapporte le site Révolution énergétique. Un gâchis énergétique sans précédent.
Prix négatifs, un symptôme révélateur
Les marchés de l’électricité n’ont pas été épargnés par cette tension structurelle. Le prix spot de l’électricité, celui fixé en temps réel, est devenu extrêmement instable. Aux heures creuses de la journée, notamment en début d’après-midi, le prix devient régulièrement négatif. RTE rapporte une multiplication spectaculaire de ces épisodes : 363 heures de prix négatifs ont été enregistrées au premier semestre, contre 235 en 2024 et seulement 53 en 2023. En d’autres termes, près de 8 % du temps, les producteurs ont dû payer pour injecter leur électricité sur le marché.
L’impossible stockage, talon d’Achille de la transition
Cette volatilité ne tient pas uniquement à la météo. Elle révèle un mal plus profond : l’absence d’infrastructures de stockage à grande échelle. Dans son rapport, RTE précise que la surabondance d’électricité, notamment photovoltaïque, n’est pas compensée par une hausse équivalente de la demande ni par des exportations suffisantes, bien que la France soit restée largement exportatrice sur la période avec 37,6 térawattheures écoulés hors frontières.
Le nucléaire forcé de s’adapter… au détriment de son efficacité
Les effets collatéraux de ce déséquilibre se font sentir jusqu’au cœur du système. La logique du marché électrique veut que les sources d’énergie dont le coût de production additionnel est le plus bas soient mobilisées en priorité : cela concerne principalement l’éolien et le solaire. Ce n’est qu’ensuite que les centrales nucléaires sont sollicitées. Les réacteurs doivent ralentir leur production, souvent au prix de leur rendement optimal.
Un cercle vicieux à briser d’urgence
Plus grave encore, le phénomène s’accélère d’année en année. Selon les données consolidées par RTE, la part de production solaire perdue au deuxième trimestre a triplé en deux ans : 1 % en 2023, 5 % en 2024, 10 % en 2025. Et rien n’indique un ralentissement si aucune solution structurelle, comme des batteries de masse, des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou une gestion dynamique de la demande, n’est déployée rapidement.
