Adopté dans le cadre d’une niche parlementaire, le texte visant à nationaliser Arcelor Mittal ouvre un débat économique majeur. Il bouleverse l’équilibre entre politique industrielle et souveraineté productive, alors que la filière de l’acier traverse une crise profonde.
Arcelor Mittal : l’Assemblée adopte la nationalisation portée par LFI

Le 27 novembre 2025, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi portée par LFI pour nationaliser Arcelor Mittal France. Ce vote, obtenu après des heures de débats tendus, marque une étape décisive dans la confrontation entre vision étatique de la politique industrielle et stratégie privée du premier groupe sidérurgique mondial. L’adoption du texte ouvre désormais un parcours institutionnel incertain.
Arcelor Mittal au cœur d’un vote inédit : un texte adopté dans le cadre d’une niche parlementaire
Le vote concernant Arcelor Mittal constitue l’un des épisodes politiques les plus marquants de la fin d’année 2025, car il met en lumière les tensions persistantes autour de la réindustrialisation française. Le texte porté par LFI a été déposé dans le cadre d’une niche parlementaire, un dispositif permettant à chaque groupe d’inscrire à l’ordre du jour, une fois par an, des propositions de loi intégralement rédigées par lui. Dans ce contexte, la France insoumise a choisi Arcelor Mittal pour symboliser les difficultés structurelles de la sidérurgie, tout en cherchant à imposer une rupture avec la logique de dérégulation industrielle. La proposition de loi affirme que « la société ArcelorMittal France est nationalisée ». Elle prévoit également un mécanisme destiné à déterminer la valeur de l’entreprise, puisqu’une nationalisation exige en principe une indemnisation, sauf exceptions prévues par la loi.
Le caractère houleux de l’examen parlementaire d’Arcelor Mittal a renforcé la portée du vote. Le Rassemblement national a déposé plusieurs centaines d’amendements, multipliant les arguments sur la pertinence économique, les risques financiers et les conséquences budgétaires d’une telle nationalisation. Leur stratégie consistait à ralentir le débat, comme l’a dénoncé un député LFI affirmant qu’ils avaient « pondu des centaines d’amendements pour empêcher le vote (...) contre l’intérêt des travailleurs et de la souveraineté industrielle ». La majorité relative formée autour de l’opposition de gauche a cependant permis d’obtenir un scrutin clair : 127 voix pour et 41 contre. Ce rapport de force inattendu montre que le thème de la souveraineté industrielle, associé à Arcelor Mittal, traverse aujourd’hui les clivages traditionnels. Il révèle également que la crise de l’acier transforme le débat économique en enjeu politique central.
Pourquoi LFI a ciblé Arcelor Mittal : souveraineté, emplois et crise de la sidérurgie française
La stratégie de LFI concernant Arcelor Mittal repose sur une conviction centrale : sans intervention de l’État, la sidérurgie française continuerait de se fragiliser. Le rapporteur du texte a indiqué que nationaliser l’entreprise était « le seul moyen de sauver ArcelorMittal et la production d’acier en France ». Pour ce groupe politique, l’impératif est double. D’une part, il s’agit de sécuriser une filière dont dépend l’ensemble des industries lourdes, notamment l’automobile, la construction, le ferroviaire et l’aéronautique. D’autre part, il s’agit de s’opposer à la logique de réduction de capacités, considérée comme contraire aux objectifs de transition écologique. Dans cette perspective, les Insoumis estiment que seule une société contrôlée par l’État pourrait engager les investissements nécessaires à la décarbonation des hauts-fourneaux. Les documents parlementaires soulignent d’ailleurs que la commission des Finances a validé le texte le 19 novembre 2025 dans l’objectif de « financer la décarbonation » de l’activité.
En parallèle, les syndicats d’Arcelor Mittal ont accueilli l’adoption du texte comme une « première étape ». Au-delà des enjeux financiers, la nationalisation d’Arcelor Mittal est perçue comme une manière de donner un avenir à l’emploi local dans des bassins industriels déjà frappés par des restructurations successives. Les ouvriers considèrent que sans intervention publique, l’entreprise poursuivrait une stratégie de rationalisation de ses capacités en Europe, alors même que la demande en acier reste fluctuante et que la concurrence mondiale s’intensifie. Dans cette configuration, LFI a cherché à articuler souveraineté, emploi et transition écologique, cherchant à démontrer que la nationalisation d’Arcelor Mittal ne serait pas une exception mais un instrument structurant de politique industrielle.
Arcelor Mittal face à la suite du processus législatif
Après son adoption, le texte sur Arcelor Mittal doit désormais être transmis au Sénat, conformément au processus législatif classique. Mais son avenir apparaît compromis. Le gouvernement, par la voix de Bercy, a réaffirmé son opposition totale à la nationalisation. Cette résistance s’explique à la fois par une approche budgétaire – l’État craignant une charge financière directe évaluée à plusieurs milliards d’euros – et par une position idéologique privilégiant les partenariats industriels plutôt que la prise de contrôle public. En outre, la majorité sénatoriale, dominée par la droite, ne soutient pas l’idée de nationaliser Arcelor Mittal, ce qui rend très probable un rejet pur et simple du texte lors de son passage en commission. Le vote de l’Assemblée constitue donc un signal politique fort mais non décisif, car il ne garantit pas l’intégration du texte dans le droit positif.
La situation d’Arcelor Mittal elle-même ajoute de la complexité au parcours de la proposition de loi. Le groupe sidérurgique traverse une période de tension liée à la transition écologique, aux fluctuations mondiales du marché de l’acier et aux choix stratégiques de rationalisation industrielle. Selon plusieurs sources parlementaires, la discussion autour d’Arcelor Mittal dépasse le cadre de l’entreprise : elle interroge la capacité de la France à maintenir une production d’acier stratégique tout en atteignant ses objectifs climatiques. Les opposants à la nationalisation considèrent qu'une intervention publique risquerait de renforcer l’instabilité financière du secteur. À l’inverse, ses promoteurs estiment qu’un État actionnaire donnerait à Arcelor Mittal la stabilité nécessaire pour engager une décarbonation lourde, coûteuse et indispensable.
