Déficit colossal, arrêts de travail en hausse, mesures inédites : le plan de l’assurance maladie suscite autant d’interrogations que de crispations. Entre économie ciblée et prévention numérique, que faut-il vraiment attendre de ce virage stratégique ?
Arrêts de travail : les plateformes bientôt hors-jeu pour limiter les dépenses ?

Le 24 juin 2025, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a dévoilé une série de propositions dans le cadre de son rapport annuel « Charges et produits », en vue du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Ce document intervient dans un contexte de déficit abyssal et de croissance continue des arrêts de travail en France. L’objectif affiché est clair : redresser une trajectoire budgétaire jugée insoutenable.
Explosion du déficit : une trajectoire hors de contrôle pour l’Assurance maladie
Selon les données consolidées de la Cnam, le solde de l’assurance maladie devrait atteindre 16 milliards d’euros en 2025, avant de bondir à 41 milliards d’euros en 2030, si aucune mesure structurelle n’est prise. Une dynamique largement alimentée par les conséquences du Ségur de la santé, qui représente 13 milliards d’euros de charges supplémentaires non compensées à ce jour, explique Le Monde.
Dans ce contexte, l’objectif de 3,9 milliards d’euros d’économies pour 2026, soit le double des efforts réalisés en 2025, marque une inflexion nette de la stratégie budgétaire. Les indemnités journalières (IJ) figurent en tête des dépenses ciblées, relaye Le Figaro, après une hausse de 27,9 % entre 2019 et 2023.
Des arrêts de travail dans le viseur pour réduire les dépenses
Parmi les propositions les plus commentées figure la limitation stricte de la durée des arrêts de travail. Le texte recommande de fixer un maximum de 15 jours pour les prescriptions en ville, et un mois après une hospitalisation, sauf avis médical contraire, détaillent Les Echos. Par ailleurs, le motif de l’arrêt devra obligatoirement être indiqué sur l’avis transmis à la Caisse afin que les contrôles soient plus simple et que l’Assurance maladie puisse, le cas échéant, annuler l’arrêt.
Les arrêts de travail prescrits par plateformes numériques commerciales seront également bannis. Cette interdiction vise à limiter les pratiques de délivrance automatique et à réaffirmer le rôle du médecin traitant dans la chaîne de soins. Avec toutefois une difficulté supplémentaire pour les travailleurs : la multiplication des déserts médicaux rend parfois difficile voire impossible d’obtenir un rendez-vous, en particulier en milieu rural.
Un levier sur les entreprises : bonus-malus et prévention ciblée
Autre mesure-clé : la création d’un système de bonus-malus à l’échelle des employeurs. Les entreprises affichant un taux élevé d’absentéisme pourraient se voir appliquer une majoration de cotisation. À l’inverse, celles qui développent une politique de prévention efficace bénéficieraient d’un allègement de charges. Cette piste, débattue à l’Assemblée nationale le 21 mai 2025, divise les parlementaires sur sa pertinence et ses effets potentiellement contre-productifs.
Pour France Assos Santé, cette orientation revient à externaliser la responsabilité du système vers les entreprises, tout en faisant peser sur les salariés un risque de stigmatisation, souligne Boursorama.
Vers une médecine préventive pilotée numériquement pour faire des économies
L’assurance maladie entend également miser sur la plateforme “Mon espace santé” pour inciter à une prévention individualisée. Les assurés pourraient recevoir des notifications ciblées selon leur historique médical et leur environnement professionnel. Cette logique de prévention algorithmique doit permettre de réduire la sur-prescription et d’éviter certains arrêts jugés non nécessaires, selon le Ministère de la Santé. En parallèle, l’idée de restreindre l’accès au régime ALD (Affection de longue durée) pour les patients en rémission est également discutée. Cela signifierait, à terme, une sortie du parcours à 100% pour certaines pathologies, dont les cancers, une fois le traitement terminé.
« Sans inflexion majeure, le déficit de l’assurance maladie pourrait se creuser encore davantage à horizon 2030 pour atteindre 41 milliards d’euros », a déclaré Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam cité par Boursorama. Le message est limpide : le statu quo n’est plus une option.
Le PLFSS 2025, voté le 28 février dernier, trace déjà les grandes lignes de cette stratégie de redressement. L’intégration des propositions de la Cnam à la future loi de financement est largement anticipée. Il faudra toutefois attendre l’automne pour connaître la version finale du texte, après arbitrage gouvernemental et examen parlementaire.
Sous couvert de maîtrise des dépenses, le plan de l’assurance maladie amorce une transformation profonde des modalités de prise en charge et du rôle des entreprises dans la santé des salariés. Entre logique préventive et rigueur budgétaire, ces mesures feront date. Mais elles pourraient aussi ouvrir une ère de tensions sociales inédites, si l’équilibre entre économie et qualité des soins n’est pas rigoureusement maintenu.
