Depuis des années, le bagage cabine est devenu un casse-tête pour des millions de voyageurs. Taille, poids, coût supplémentaire… les règles varient d’une compagnie à l’autre, semant confusion et frustration. Mais l’été 2025 pourrait bien marquer un tournant décisif : les institutions européennes veulent imposer la gratuité d’un petit bagage à main, tandis que certaines compagnies — dont Ryanair — adaptent déjà leurs politiques. Où en est la législation ? Que veulent les eurodéputés ? Et comment réagit le secteur du transport aérien ?
Bagage cabine gratuit : les eurodéputés veulent imposer la règle
Une volonté politique européenne : gratuité et clarté des règles
Le 24 juin 2025, la commission des transports du Parlement européen a validé une proposition visant à imposer des règles claires et équitables en matière de bagage cabine. Concrètement, cette initiative prévoit que tout passager aurait le droit d’emporter gratuitement deux objets en cabine : un effet personnel (sac à dos, sac à main, ordinateur) et un bagage à main mesurant jusqu’à 100 centimètres en dimensions cumulées et pesant 7 kilogrammes maximum.
Cette proposition, portée notamment par l’eurodéputé bulgare Andrey Novakov (PPE), vise à « mettre fin aux frais cachés et aux pratiques commerciales opaques ». Comme il l’a déclaré dans une interview relayée par Euronews, « ce petit bagage cabine doit être inclus dans le prix du billet, sans facturation supplémentaire ».
L’initiative a reçu un soutien large au sein du Parlement, notamment après l'arrêt emblématique de la Cour de justice de l’Union européenne en septembre 2014, affirmant qu’un bagage à main « raisonnable » fait partie intégrante du transport de passagers et ne saurait faire l’objet de frais additionnels.
Une législation encore en chantier : attention aux effets d’annonce
Contrairement à ce qu’ont pu laisser entendre certains titres de presse, la gratuité des bagages cabine n’est pas encore en vigueur. Il s’agit actuellement d’un projet validé en commission parlementaire, qui devra encore être voté en séance plénière, puis faire l’objet de négociations avec le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Ces étapes sont indispensables avant toute entrée en vigueur.
Euronews rappelle d’ailleurs que « l’UE n’a pas encore interdit aux compagnies aériennes de facturer les bagages à main », et que seule une harmonisation future pourrait aboutir à une obligation réglementaire. Autrement dit, aucune législation contraignante n’a encore été adoptée à ce jour.
Cependant, cette initiative s’inscrit dans un contexte de pression croissante des associations de consommateurs. Le BEUC, par exemple, réclame depuis plusieurs années une réglementation européenne unique pour mettre fin aux écarts de traitement selon les compagnies et les pays.
Ryanair ajuste ses règles, sans renoncer à ses revenus annexes
Face à la pression européenne et aux demandes de clarté, certaines compagnies aériennes s’adaptent. La plus emblématique est Ryanair, souvent critiquée pour sa politique stricte en matière de bagage cabine.
Depuis le 4 septembre 2025, la compagnie irlandaise autorise un bagage personnel gratuit plus grand : les dimensions passent de 40 × 25 × 20 cm à 40 × 30 × 20 cm. Cette évolution est directement liée à une volonté d’harmonisation au sein de l’association Airlines for Europe (A4E), qui regroupe les principales compagnies du continent. L’objectif est d’offrir aux voyageurs une taille minimale standard pour le bagage cabine gratuit, définie à 40 × 30 × 15 cm.
Cependant, cette évolution ne signifie pas la fin des frais annexes. Le bagage cabine plus volumineux (jusqu’à 55 × 40 × 20 cm, 10 kg maximum) reste soumis à l’option payante dite « Embarquement Prioritaire », qui permet d’emporter ce deuxième bagage sans frais supplémentaires.
Ryanair précise également que « le bagage personnel doit pouvoir être placé sous le siège avant » et que tout dépassement des dimensions donnera lieu à une facturation immédiate. Selon Air Journal, les frais imposés en porte d’embarquement en cas de bagage non conforme peuvent atteindre 70 à 75 euros.
Enfin, petite subtilité qui joue en faveur du passager : le poids du bagage personnel gratuit n’est pas limité chez Ryanair, contrairement au bagage cabine payant plafonné à 10 kg. Une différence stratégique qui permet à la compagnie de conserver une marge de manœuvre tout en se mettant en conformité avec la future réglementation.
Un enjeu de transparence pour le transport aérien
Cette bataille autour du bagage cabine illustre les tensions entre logique commerciale et droits des consommateurs. Le secteur du transport aérien a longtemps profité de frais additionnels mal expliqués. Selon une étude du Centre européen des consommateurs France, près de 40 % des litiges concernant les compagnies low cost concernent des frais imprévus liés aux bagages.
Les eurodéputés espèrent mettre fin à cette opacité. Mais les compagnies, à l’image de Ryanair, adaptent leur modèle sans renoncer à leur rentabilité. La partie est donc loin d’être terminée.