BNP Paribas s’effondre en Bourse après sa condamnation

Un jury fédéral à New York a condamné BNP Paribas à verser 20,5 millions de dollars à trois réfugiés soudanais, estimant que la banque a aidé le régime d’Omar el-Béchir malgré les sanctions. Le titre a décroché en Bourse. BNP Paribas conteste et annonce un appel, tandis que les risques réputationnels s’amplifient.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 21 octobre 2025 14h33
Bnp Paribas Seffondre En Bourse Apres Sa Condamnation Liee Au Soudan
BNP Paribas s’effondre en Bourse après sa condamnation - © Economie Matin

BNP Paribas se retrouve au cœur d’un dossier juridique et réputationnel majeur. Après un verdict rendu vendredi 17 octobre par un jury fédéral à Manhattan, la banque doit payer 20,5 millions de dollars à trois plaignants soudanais ; l’action BNP Paribas a perdu jusqu’à 10 % le lundi 20 octobre. La banque affirme son intention « inflexible » de faire appel. Dans l’immédiat, l’incertitude domine et nourrit une défiance boursière inhabituelle pour un établissement de cette taille.

Pourquoi les autorités américaines ont infligé une amende à BNP Paribas

Le cœur du dossier tient à la période 2002-2008. Le jury estime que BNP Paribas a facilité, via des services bancaires, l’accès du régime soudanais au système financier américain malgré les sanctions, contribuant ainsi aux exactions commises au Darfour. Dans ce premier procès civil, trois victimes, aujourd’hui réfugiées aux États-Unis, ont obtenu 20,5 millions de dollars de dommages et intérêts. Ce montant reste modeste à l’échelle du groupe, mais l’analyse juridique qui l’accompagne fait peser un risque d’extension considérable.

Pour mesurer la sensibilité du sujet aux États-Unis, il faut rappeler un précédent : en 2014, BNP Paribas avait plaidé coupable et réglé 8,97 milliards de dollars d’amende pour violations de sanctions, notamment liées au Soudan. Cette mémoire pèse dans la lecture que font les investisseurs des événements récents. Elle suggère qu’un contentieux de sanctions peut muter en risque réputationnel durable, car il convoque des enjeux éthiques et de gouvernance qui dépassent la seule capacité financière à payer.

BNP Paribas : l’onde de choc boursière et la mécanique du risque

Lundi 20 octobre, l’action BNP Paribas a décroché jusqu’à 10 %, soit sa pire séance depuis mars 2023. Les opérateurs pointent une « absence de visibilité » sur l’ampleur finale du risque. À court terme, la valeur intègre une « prime d’incertitude » : provisionnements éventuels, calendrier procédural, probabilité d’appel réussi. À moyen terme, les investisseurs s’interrogent sur le coût d’un éventuel règlement global dans l’hypothèse d’une multiplication des plaignants. Ces facteurs, cumulés, expliquent l’écart de performance du titre face au secteur.

Cette glissade intervient, de surcroît, dans un contexte de marché déjà heurté pour les financières françaises. La dégradation surprise de la note souveraine de la France a servi de bruit de fond négatif. Toutefois, l’élément spécifique reste prédominant : une décision de jury, un quantum, et l’ouverture potentielle d’un « pipeline » de demandes connexes. Les comparaisons historiques ne sont jamais parfaites, mais l’épisode de 2014 rappelle qu’entre la première provision et le règlement final, la sous-performance peut durer plusieurs mois si la communication financière ne réduit pas l’incertitude perçue.

Appel annoncé, communication de crise et gestion de la réputation

« Nous croyons fermement que ce verdict doit être annulé en appel », a déclaré BNP Paribas dans son communiqué du 20 octobre. La banque ajoute que cette décision est « manifestement erronée » et « ignore des éléments de preuve importants que la banque n’a pas été autorisée à présenter » lors du procès. La banque insiste sur la portée « strictement limitée » du verdict : trois plaignants, un dossier particulier, aucune valeur d’extrapolation selon elle. Cette ligne de défense vise à couper court aux spéculations, et à contenir l’effet d’aubaine d’actions complémentaires.

Sur le plan opérationnel, la banque a programmé un call investisseur ce mardi à 15 h (CET) pour répondre aux interrogations. Ce rendez-vous est crucial. Il doit préciser le calendrier procédural, les voies de recours, et l’exposition maximale envisagée. En communication de crise bancaire, l’objectif n’est pas de promettre l’impossible, mais d’encadrer les scénarios. Plus les fourchettes sont resserrées, plus la « prime d’incertitude » décroît, et plus la pression vendeuse se normalise. À défaut, la volatilité persistera et la perception de risque restera élevée.

Vers un risque de contentieux massif ? Les scénarios que surveille le marché

Les avocats des plaignants évoquent la possibilité de plus de 20 000 réfugiés soudanais installés aux États-Unis susceptibles de réclamer réparation. D’autres sources évoquent l’hypothèse d’un règlement global potentiellement chiffré en milliards de dollars si des procédures se multipliaient. Rien n’est acquis, et chaque cas aurait ses spécificités juridiques. Néanmoins, pour les investisseurs, ces ordres de grandeur suffisent à justifier des décotes tant que l’issue judiciaire reste incertaine.

Dans ce contexte, deux variables comptent. Premièrement, la réussite de l’appel : si la cour supprime ou restreint la responsabilité, le risque d’essaimage diminue. Deuxièmement, la stratégie contentieuse des plaignants : class actions, actions individuelles, ou combinaisons. En l’absence de visibilité, les brokers et gérants appliquent un « haircut réputationnel » au multiple de valorisation. C’est une mécanique classique en finance de marché : l’ESG « S » (social) se transforme en facteur de risque de coût du capital, donc de valeur. Les premières réactions de place en France confirment cette prudence malgré les messages rassurants de la direction.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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