Le gouvernement assume un choix budgétaire difficile pour redresser les comptes publics, au risque d’alourdir la pression sur les classes moyennes.
Impôts 2026 : pourquoi le gel du barème va peser sur les classes moyennes

Un gel du barème pour remplir les caisses de l’État
Le projet de loi de finances pour 2026, présenté le 14 octobre par le ministre de l’Économie Roland Lescure, marque un tournant discret mais lourd de conséquences pour les contribuables. Le gouvernement a choisi de geler le barème de l’impôt sur le revenu, une mesure technique en apparence, mais dont l’effet concret sera d’augmenter mécaniquement la facture fiscale pour des millions de ménages.
En temps normal, le barème de l’impôt est indexé sur l’inflation : les seuils de revenus sont relevés chaque année pour tenir compte de la hausse des prix. En 2026, ce ne sera pas le cas. Autrement dit, un salarié dont le revenu augmente simplement pour suivre l’inflation se retrouvera imposé davantage, sans gain de pouvoir d’achat réel.
Selon les estimations du ministère de l’Économie, environ 400 000 foyers fiscaux deviendront imposables dès l’an prochain. Parmi eux, de nombreux ménages modestes qui étaient jusqu’ici en dessous du seuil d’imposition. Cette décision, selon le gouvernement, permettra de générer plusieurs milliards d’euros de recettes supplémentaires sans modifier les taux d’imposition.
Un impôt caché sur l’inflation
Les experts sont nombreux à dénoncer ce qu’ils qualifient de “hausse d’impôt déguisée”. En pratique, les contribuables verront leur charge fiscale augmenter non pas parce qu’ils gagnent plus, mais parce que leur revenu nominal — c’est-à-dire avant prise en compte de l’inflation — les fera basculer dans une tranche supérieure.
« Le gel du barème est un impôt déguisé sur l’inflation », explique Patrick Artus, économiste cité par 20 Minutes. « Il touche en priorité les classes moyennes, celles qui subissent déjà la hausse du coût de la vie sans bénéficier des dispositifs d’aide. »
L’impact pourrait être significatif. Avec une inflation moyenne prévue à 2,5 % en 2025, un couple dont le revenu net augmente de 2 % pour compenser la perte de pouvoir d’achat verra son impôt grimper, car les seuils n’auront pas été relevés. Le gain pour l’État est estimé à plusieurs milliards d’euros, tandis que le contribuable moyen perdra entre 200 et 500 euros par an selon les situations.
Cette mesure rappelle celle décidée sous François Hollande en 2013, qui avait déjà conduit à une hausse de la pression fiscale sur les ménages moyens. Le gouvernement actuel assume cependant pleinement son choix : il s’agit, selon lui, d’un levier nécessaire pour restaurer la crédibilité budgétaire de la France face à Bruxelles.
Un effort demandé pour le redressement des finances publiques
Derrière cette décision se cache un objectif plus large : ramener le déficit public sous contrôle. D’après le projet de budget, celui-ci devrait atteindre 5,4 % du PIB en 2025, bien au-delà de la limite européenne des 3 %. La France s’est engagée auprès de la Commission européenne à présenter un plan de redressement pluriannuel, avec un retour sous les 3 % d’ici 2029.
Le gel du barème n’est donc qu’une pièce du puzzle. Le gouvernement prévoit 14 milliards d’euros d’impôts supplémentaires pour 2026, issus à la fois de ce mécanisme et d’autres ajustements, comme la réduction de certaines niches fiscales et la hausse ciblée de taxes environnementales.
Selon France Info, une partie de ces recettes servira à financer la transition écologique et à soutenir les dépenses publiques prioritaires, notamment dans la santé et l’éducation. Mais les critiques dénoncent un déséquilibre dans l’effort demandé : les ménages supporteraient la charge principale, tandis que les grandes entreprises seraient relativement épargnées.
« Le gel du barème touche ceux qui travaillent, pas ceux qui spéculent », résume un responsable syndical cité par Europe 1. À droite comme à gauche, plusieurs parlementaires dénoncent une mesure “injuste” et “socialement aveugle”. À l’inverse, au sein de la majorité, on insiste sur le principe de responsabilité budgétaire. « Il faut bien trouver l’argent quelque part », confie un député Renaissance.
Un pari politique risqué pour l’exécutif
Sur le plan politique, cette décision s’inscrit dans un contexte tendu. À moins de deux ans de la présidentielle de 2027, le gouvernement marche sur une ligne étroite entre rigueur budgétaire et acceptabilité sociale. Le souvenir des mouvements de contestation nés de hausses fiscales — de la CSG en 2018 aux taxes carburant ayant déclenché les Gilets jaunes — reste vif.
Le gouvernement tente donc de désamorcer la critique en insistant sur la temporalité de la mesure : « Le gel du barème est temporaire. Il sera levé dès que la situation des finances publiques le permettra », a-t-il promis. Mais les précédents montrent que ces “mesures transitoires” ont souvent tendance à durer.
Pour beaucoup d’économistes, le choix de geler le barème symbolise la fin d’une période de protection fiscale amorcée pendant la crise sanitaire. « Le gouvernement a longtemps amorti les chocs économiques en évitant toute hausse d’impôt. Aujourd’hui, il n’a plus cette marge », analyse l’économiste Agnès Bénassy-Quéré. « Le coût de la transition écologique et de la dette publique oblige à des arbitrages douloureux. »
Une facture concentrée sur les classes moyennes
Les ménages les plus modestes, qui restent en dessous du seuil d’imposition, ne seront pas directement touchés. En revanche, les foyers aux revenus moyens — entre 25 000 et 50 000 euros annuels — devraient voir leur impôt augmenter de 200 à 600 euros en moyenne. Pour un couple avec deux enfants, cette hausse pourrait atteindre près de 800 euros, selon les simulations de 20 Minutes.
Les économistes soulignent que cette tranche de la population est déjà soumise à de fortes tensions budgétaires : loyers élevés, crédit immobilier renchéri par la hausse des taux, prix de l’énergie toujours supérieurs à leur niveau d’avant-crise. Le risque, selon eux, est de freiner la consommation au moment où le gouvernement espère une reprise modérée de la croissance.
Certains observateurs voient dans cette mesure un test politique pour l’exécutif. Si le gel du barème passe sans provoquer de rejet massif, il pourrait ouvrir la voie à d’autres ajustements fiscaux en 2027. Dans le cas contraire, il pourrait raviver un sentiment d’injustice fiscale, déjà alimenté par le retour des débats sur l’ISF et les taxes sur les grandes fortunes.