Alors que le congé de naissance fera son entrée dans le budget 2026 de la Sécurité sociale, le gouvernement promet une mesure « historique » pour les familles. Mais derrière l’annonce, un arbitrage financier serré : la réforme sera financée par des économies sur les allocations familiales. En définitive, si certains y gagnent, ce sont les familles nombreuses qui y perdent le plus.
Pour financer le congé de naissance, les allocations familiales baisseront

Le 29 octobre 2025, lors de la présentation du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, l’exécutif a officialisé la création d’un congé de naissance de deux mois par parent. Ce droit supplémentaire, qui s’ajoutera aux congés maternité et paternité, vise à mieux accompagner les premiers mois de l’enfant et à renforcer l’égalité entre les parents. Toutefois, son financement par la Sécurité sociale soulève des interrogations : cette nouveauté sera compensée par une baisse ou un gel partiel des allocations familiales.
Un congé de naissance pour mieux concilier famille et emploi
Pensé comme une réponse à la baisse du taux de natalité, le congé de naissance s’ajoutera aux dispositifs existants. Selon le dossier officiel du PLFSS 2026 publié par le ministère de l’Économie et des Finances, il offrira « un congé supplémentaire de naissance indemnisé au bénéfice de chacun des deux parents, d’une durée maximale de deux mois ». Les parents pourront choisir de le prendre simultanément ou successivement, favorisant ainsi une plus grande souplesse d’organisation familiale.
Le texte prévoit une indemnisation équivalente à 70 % du salaire net le premier mois et 60 % le second, selon la ministre de la Santé Stéphanie Rist. Cette mesure, estimée à 300 millions d’euros pour sa première année, sera gérée conjointement par la CNAM et la CNAF. Elle devrait bénéficier à près de 250 000 foyers la première année de mise en œuvre.
Ce nouveau droit s’ajoute au congé parental d’éducation, souvent jugé trop long et mal rémunéré. Comme le souligne Previssima, le dispositif vise à « éviter les sorties prolongées du marché du travail, en créant un sas intermédiaire entre congé paternité et congé parental ». Le congé de naissance devient donc un outil d’équilibre entre vie familiale et emploi, mais son financement reste une équation complexe.
Le financement par la Sécurité sociale : économies et arbitrages
Pour financer ce congé de naissance, le gouvernement mise sur une série d’économies dans la branche famille. Selon le PLFSS 2026, dont les députés ont rejeté le volet recettes le 29 octobre 2025, les prestations familiales atteindront 59,4 milliards d’euros, en hausse symbolique de + 0,1 %, malgré l’inflation. Cette stabilité résulte du gel de la revalorisation des allocations familiales, mesure qui générera 3,6 milliards d’euros d’économies sur l’année, détaille vie-publique.fr.
Une partie de ces économies, soit environ 200 millions d’euros, sera directement réaffectée au financement du congé de naissance, selon Le Figaro. Stéphanie Rist a confirmé que « le nouveau congé ne créera pas de charges supplémentaires : il s’inscrit dans un redéploiement des crédits existants ».
Cependant, cet arbitrage se traduira concrètement par une érosion du pouvoir d’achat pour certaines familles. Le gel de l’indexation, combiné au décalage de certaines tranches d’âge ouvrant droit à prestation, pourrait coûter jusqu’à 2 700 euros à un couple ayant trois enfants de plus de 14 ans et gagnant moins de 85 000 euros par an, a calculé Lutte Ouvrière.
Le ministère justifie cette stratégie par une logique de « compensation interne ». Autrement dit, le congé de naissance sera financé sans déficit additionnel, mais au prix d’un ajustement des prestations existantes. Le congé de naissance sera donc financé par les familles qui ont des enfants, pour que d’autres familles puissent avoir des enfants.
Gagnants et perdants du nouveau dispositif
Les gagnants : les parents actifs
Les bénéficiaires directs du congé de naissance sont les parents salariés, qu’ils soient mères ou pères. Ils profiteront d’un revenu de remplacement à 60-70 % de leur salaire, leur permettant de rester auprès de leur enfant sans rupture professionnelle. L’objectif affiché par le gouvernement est clair : encourager la coparentalité et la répartition équilibrée du congé entre les deux parents.
Ce nouveau droit pourrait aussi réduire les inégalités de carrière entre les sexes. Les employeurs, confrontés à un dispositif neutre en termes de genre, verront la parentalité mieux partagée.
Les perdants : les familles à faibles revenus et les foyers nombreux
En revanche, les allocataires des allocations familiales risquent de voir leurs prestations perdre en valeur réelle. Le gel décidé pour 2026 neutralise toute indexation sur l’inflation. Autrement dit, le pouvoir d’achat des familles modestes diminuera, surtout pour celles qui ne peuvent pas profiter du nouveau congé – indépendants, intérimaires, chômeurs ou temps partiels.
Les familles nombreuses sont également touchées. En reportant la revalorisation des allocations au-delà de 14 ans, la réforme pourrait générer une baisse de 200 millions d’euros sur cette tranche d’âge spécifique. De fait, les foyers les plus fragiles deviennent les financeurs indirects du congé de naissance.
Cette redistribution interne, assumée par le gouvernement, repose sur un choix : renforcer les droits des actifs récents au détriment des prestations universelles.
