Connaissez-vous « l’heure légale française » ?

Malgré l’omniprésence des horloges numériques et satellites, le dispositif historique de l’heure légale française, situé en plein cœur du Cher, vient de voir son avenir sécurisé pour une décennie supplémentaire.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 21 février 2025 9h55
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connaissez-vous-lheure-legale-francaise - © Economie Matin
350 mètresUne antenne de 350 mètres de haut diffuse sur la fréquence 162 kHz une référence horaire élaborée à partir des horloges atomiques des Observatoires de Paris et de Besançon.

Le 18 février 2025, une annonce discrète mais d’une portée stratégique a été faite : le signal horaire ALS 162, émis depuis l’émetteur d’Allouis, continuera d’assurer la diffusion de l’heure légale française pour les dix prochaines années. Cette décision, saluée par France Horlogerie et de nombreux experts, pose la question du rôle de cette diffusion hertzienne dans un monde dominé par les satellites et Internet.

Une heure légale essentielle pour le bon fonctionnement du pays

L’heure légale française est bien plus qu’un simple repère temporel. Elle permet de synchroniser une multitude d’équipements à travers le pays. Les transports, notamment les trains, métros et avions, nécessitent une précision absolue pour garantir la sécurité et le respect des horaires. Les institutions publiques, comme les écoles, mairies et piscines municipales, utilisent ce signal pour synchroniser leurs systèmes horaires. Dans l’industrie et le secteur de l’énergie, les réseaux électriques et les infrastructures informatiques reposent aussi sur cette synchronisation millimétrée pour fonctionner sans heurts.

Depuis l’émetteur d’Allouis, une antenne de 350 mètres de haut diffuse sur la fréquence 162 kHz une référence horaire élaborée à partir des horloges atomiques des Observatoires de Paris et de Besançon. L’heure légale, souvent perçue comme acquise, est donc un rouage fondamental de la société moderne.

Un enjeu de souveraineté dans un monde ultra-connecté

Alors que la plupart des appareils électroniques obtiennent leur heure via des serveurs Internet ou des signaux GPS, le maintien d’un système hertzien vieux de plusieurs décennies peut sembler dépassé. Pourtant, la question de la souveraineté est au cœur de cette décision. Le GPS et Galileo, bien qu’extrêmement précis, restent dépendants d’infrastructures internationales. Or, ces réseaux ne sont pas à l’abri de brouillages intentionnels ou de cyberattaques.

En 2023, plusieurs incidents sur des réceptions GPS ont démontré que la France ne pouvait pas se permettre de ne reposer que sur une seule source de diffusion horaire. Le maintien du signal ALS 162 garantit une réserve de secours nationale, indépendante et résistante aux cybermenaces. Contrairement aux signaux satellitaires et aux serveurs NTP qui peuvent être piratés ou perturbés, la diffusion hertzienne d’Allouis offre une alternative fiable et sécurisée. Avec plus de 300 000 utilisateurs en France, ce signal constitue une protection contre les vulnérabilités technologiques modernes.

Un système obsolète à l’ère du numérique ?

Certains observateurs pourraient considérer ce maintien comme un vestige du passé, une décision prise par nostalgie d’un temps révolu. Après tout, nos smartphones, ordinateurs et montres connectées affichent l’heure en permanence, synchronisée avec des serveurs mondiaux. L’idée même de dépendre d’un signal radio alors que la quasi-totalité de la planète fonctionne sur des infrastructures numériques pourrait sembler dépassée. Les entreprises et administrations s’appuient largement sur les protocoles NTP (Network Time Protocol) et les signaux des satellites GPS ou Galileo pour synchroniser leurs systèmes. Ces technologies, omniprésentes et mises à jour en temps réel, offrent une précision impressionnante et une accessibilité inégalée.

Pourtant, cette dépendance au numérique n’est pas sans risques. En cas de cyberattaque massive ciblant les serveurs de temps, une panne généralisée des réseaux pourrait désynchroniser les systèmes informatiques, perturbant ainsi les transports, les infrastructures énergétiques ou encore les transactions financières. Les pirates informatiques ont déjà démontré leur capacité à manipuler les signaux GPS ou à inonder les serveurs NTP de requêtes frauduleuses, rendant les données temporelles inexactes voire totalement erronées. Un tel scénario pourrait avoir des conséquences catastrophiques dans des secteurs où la précision de l’heure est cruciale, comme le ferroviaire, l’aviation ou encore les marchés financiers.

Les forces du système hertzien ALS 162

Le signal hertzien ALS 162, lui, fonctionne de manière totalement indépendante des infrastructures Internet et satellitaires. Sa résistance aux brouillages et aux cyberattaques en fait un atout stratégique majeur. Contrairement aux serveurs de temps, vulnérables aux pannes réseau, et aux satellites, qui peuvent être brouillés ou désactivés par des puissances étrangères, la diffusion hertzienne offre une solution robuste et fiable. En cas de crise majeure, elle constitue un système de secours indispensable garantissant une continuité de service pour les institutions stratégiques françaises.

Les infrastructures critiques ne peuvent pas se contenter d’un réseau unique. La diversification des sources horaires, incluant le signal ALS 162, permet de sécuriser les réseaux essentiels sans remettre en cause les avancées technologiques contemporaines. À l’heure où la cybersécurité est devenue un enjeu de souveraineté nationale, s’appuyer sur une diffusion hertzienne, en complément des technologies numériques, apparaît non pas comme un archaïsme, mais comme une mesure de prévoyance indispensable. En matière de gestion du temps, la redondance n’est pas une option, mais une nécessité.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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