En 2025, les entreprises françaises et européennes se retrouvent à un point d’inflexion stratégique. Entre l’entrée en vigueur intégrale de la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD), l’accroissement des exigences de transparence ESG, et l’amplification des mécanismes de fiscalité verte, le cadre réglementaire et économique dans lequel elles évoluent change radicalement.
Conseil ESG et fiscalité verte : des enjeux croissants pour les entreprises en 2025

L’ESG n’est plus un label de communication, mais un standard de gouvernance
Depuis le 1er janvier 2025, toute entreprise de plus de 250 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros en Europe est tenue de publier un rapport de durabilité conforme aux normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces nouvelles règles, édictées dans le cadre de la directive CSRD, remplacent les obligations antérieures de la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) et imposent un niveau de granularité inédit dans le suivi des données environnementales, sociales et de gouvernance.
Selon les études sur le sujet, 74 % des entreprises concernées ont dû revoir leur système d’information pour être en mesure de collecter, agréger et auditer les données demandées. Cela représente un coût d’adaptation initial moyen de 380 000 euros par entreprise, hors frais de conseil.
La Commission européenne, dans son évaluation d’impact, précise que cette directive « vise à renforcer la transparence des marchés, à favoriser la comparabilité transfrontalière des données ESG, et à soutenir les flux de capitaux vers les activités durables » (Commission européenne, Rapport d’analyse CSRD, 2024). En d’autres termes, l’ESG devient un instrument structurant de la stratégie d’entreprise, au même titre que la fiscalité ou la gestion des risques.
Une fiscalité verte qui devient un levier d’allocation de capitaux
Dans le prolongement de cette transformation réglementaire, le gouvernement français a inséré dans la loi de finances 2025 plusieurs mesures fiscales explicitement destinées à accompagner la transition écologique des entreprises. Parmi les plus significatives figure l’instauration d’un crédit d’impôt pour l’industrie verte (C3IV), dont le montant peut atteindre jusqu’à 40 % des investissements réalisés dans des technologies bas carbone telles que l’hydrogène, les pompes à chaleur industrielles ou les procédés de recyclage avancé.
Le ministère de l’Économie précise que ce dispositif mobilisera 2,3 milliards d’euros sur trois ans, soit une hausse de 28 % par rapport aux mécanismes équivalents antérieurs. Une part de ces crédits est conditionnée à l’inclusion de critères ESG dans les cahiers des charges des projets financés.
Autre nouveauté notable : les entreprises disposant d’une flotte de plus de 100 véhicules légers sont désormais soumises à une taxe annuelle différenciée selon les émissions de CO₂ de leurs véhicules. Cette taxe, qui varie de 85 à 310 euros par véhicule selon la classe d’émissions, vise explicitement à réorienter les achats vers les motorisations électriques ou hybrides rechargeables. Le gouvernement prévoit qu’elle permettra d’éviter l’émission de 480 000 tonnes de CO₂ par an à horizon 2027 (Projet de loi de finances 2025, annexe verte).
Conseil stratégique ESG : une fonction qui se verticalise
Face à cette complexité croissante, les directions générales n’ont plus d’autre choix que d’intégrer le pilotage ESG à leur cœur décisionnel. Il ne s’agit plus de confier les enjeux environnementaux ou sociaux à un service RSE périphérique, mais de mettre en place une gouvernance transversale pilotée par un comité ESG directement rattaché au conseil d’administration. Des cabinets en conseil stratégique en matière d'ESG et fiscalité durable développent des dispositifs sur mesure, croisant conseil fiscal, audit réglementaire et définition de KPIs durables.
Le rapport publié par KPMG et le Singapore Institute of Directors le 8 janvier 2025 propose la création de pôles ESG nationaux, ainsi que la mise en place d’un registre public d’allocation des recettes fiscales issues des taxes environnementales, destiné à renforcer la transparence budgétaire.
Des enjeux financiers massifs et une évolution des fonds ESG
Sur le plan macroéconomique, la transition verte n’est pas simplement une mutation qualitative : elle suppose une mobilisation sans précédent de capitaux privés et publics. Selon l’Agence internationale de l’énergie, il faudra investir 6 000 milliards de dollars par an dans la transition énergétique mondiale jusqu’en 2030 pour respecter l’Accord de Paris. En 2024, seuls 2 800 milliards ont été atteints, dont une fraction marginale provenant de fonds respectant intégralement les critères ESG.
C’est dans ce contexte que l’agence Morningstar a publié, en janvier 2025, son rapport sur les tendances ESG. Elle y précise que, sous l’effet des nouvelles normes européennes, entre 30 % et 50 % des fonds ESG devront modifier leur appellation ou leur allocation pour continuer à utiliser le terme « ESG » dans leur dénomination. Ce filtrage réglementaire devrait renforcer la crédibilité de l’investissement responsable, tout en limitant le phénomène de greenwashing.
Le volume des obligations vertes, sociales et durables (GSS+) émis en 2025 devrait dépasser 1 000 milliards de dollars, dont près de 400 milliards seront alignés avec la taxonomie verte européenne. Une norme volontaire introduite en 2024 exige que 85 % des fonds collectés soient fléchés vers des projets taxonomiquement éligibles.