Contrôleurs aériens : pointeuse biométrique, réforme budgétaire assumée

Sous pression depuis un incident majeur en 2022, l’État impose aux contrôleurs aériens un système biométrique de pointage. Cette décision, actée par décret, traduit un recentrage sur l’efficience du service public aérien, confronté à des pertes économiques récurrentes.

By Alix de Bonnières Published on 8 septembre 2025 15h49
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Contrôleurs aériens : pointeuse biométrique, réforme budgétaire assumée - © Economie Matin
50Entre 2010 et 2020, les contrôleurs aériens français ont cumulé près de 50 % des jours de grève dans l’espace européen.

Depuis le 7 septembre 2025, un décret encadre la mise en place du système SPS, un outil de contrôle biométrique du personnel navigant dans les centres de gestion du trafic. Les contrôleurs aériens devront désormais justifier leur présence par empreinte digitale, une mesure que le ministère juge indispensable pour restaurer la performance du modèle français de contrôle aérien, mis en cause après plusieurs incidents et une inactivité coûteuse.

Une rationalisation post-crise sécuritaire

L’origine de cette réforme remonte au 31 décembre 2022. À l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, un Airbus A320 et un Robin DR400 ont échappé de peu à une collision. Les investigations du BEA ont mis en lumière des absences non détectées de certains contrôleurs aériens, générant un choc au sein du secteur. Dans un rapport publié début 2023, l’agence a préconisé un système traçant en temps réel la présence effective des opérateurs dans les tours et centres.

Ce n’est qu’en septembre 2025, avec le décret n° 2025-912, que le gouvernement donne une suite concrète à cette recommandation. L’outil SPS (Système de vérification de la présence sur site) permet une identification biométrique couplée à un badge nominatif. La borne enregistre, de manière horodatée, l’entrée et la sortie de chaque agent.

« J’ai souhaité mener à terme cette réforme essentielle », a déclaré Philippe Tabarot, ministre des Transports. Il ajoute que ce dispositif « répond à une exigence de renforcement de la sécurité, dans le respect des recommandations formulées par les autorités compétentes », et qu’il place la France « dans les standards les plus avancés en matière de sécurité aérienne à l’échelle internationale ».

Un encadrement technologique au coût maîtrisé

Le recours à la biométrie ne se limite pas à des considérations techniques. Il incarne une volonté de rationaliser le fonctionnement du secteur, fortement critiqué pour ses dysfonctionnements structurels. Entre 2010 et 2020, les contrôleurs aériens français ont cumulé près de 50 % des jours de grève dans l’espace européen, selon une synthèse relayée par Air Journal. Ce chiffre, à lui seul, traduit une instabilité chronique. À cela s’ajoutent des centaines de millions d’euros de pertes pour les compagnies aériennes et un impact sur des millions de passagers.

En réponse, l'État mise sur un outil numérique non seulement plus fiable, mais aussi potentiellement moins coûteux que les procédures actuelles. Le système SPS, déployé dans les principaux centres avant la fin de l’année, bénéficie d’une validation de la CNIL, qui a jugé le dispositif « légitime et proportionné ». Le coût d’installation, bien qu’officiellement non communiqué, reste marginal face aux pertes engendrées par les grèves ou par des absences imprévues non couvertes.

Selon La Tribune, le dispositif doit aussi renforcer la supervision sans accroître le nombre d’agents. Autrement dit, il s’inscrit dans une logique d’optimisation de l’effectif. Une orientation qui satisfait une partie des acteurs économiques du secteur, inquiets des retards cumulés dans la modernisation du contrôle aérien français par rapport à ses homologues européens.

L’équilibre difficile entre surveillance et confiance

L’introduction de cette pointeuse biométrique a toutefois ravivé les tensions sociales. Les syndicats du secteur dénoncent une « surveillance généralisée », évoquant une atteinte au lien de confiance entre l’État et ses agents. Ces critiques, relayées notamment par Air Journal, pointent une politique de rigueur technologique perçue comme punitive, au lieu d’un dialogue social.

Le gouvernement assume pleinement ce virage. « La sécurité des passagers prime sur tout », a martelé Philippe Tabarot. Derrière cette déclaration, se profile une stratégie globale : rationaliser le fonctionnement du système public de contrôle aérien, souvent jugé trop coûteux et peu prévisible dans ses performances.

Pour l’exécutif, la réforme ne se limite pas à un dispositif de contrôle. Elle constitue un signal adressé aux compagnies aériennes, aux passagers et aux partenaires européens, en affirmant que la France souhaite aligner son efficacité opérationnelle sur les standards de régularité et de fiabilité imposés à l’échelle internationale.

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