Quand les corporatismes freinent l’innovation : le cas explosif de l’épilation laser en France

Il y a des secteurs où l’innovation technologique, lorsqu’elle est utile, rapide et efficace, est saluée comme un progrès. Et puis il y a les autres : ceux où des lobbys bien en place verrouillent l’accès au progrès au nom d’une autorité qu’ils ne veulent pas voir contestée et le plus souvent pour préserver leurs intérêts financiers.

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By Hervé Corlay Published on 8 septembre 2025 5h00
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Quand les corporatismes freinent l’innovation : le cas explosif de l’épilation laser en France - © Economie Matin
100 EUROSUne séance d'épilation peut coûter plus de 100 euros en fonction de la zone.

Pendant près de 30 ans, l’épilation laser en France est restée prisonnière d’un de ces carcans. Un monopole médical injustifié. Un marché captif. Un tabou tarifaire. Une dissimulation des protocoles. Et au final, une injustice sociale aussi discrète qu’effarante : l’impossibilité pour des millions de femmes et d’hommes d’accéder à une technologie efficace déjà largement démocratisée chez nos voisins européens.

Aujourd’hui, ce verrou a sauté. Et il est temps d’ouvrir les yeux sur ce que ce cas révèle d’un mal français bien plus large : le pouvoir des corporatismes à freiner l’innovation, à bloquer la transparence et à entretenir des rentes injustifiables sous couvert de science et d’éthique.

Une innovation confisquée au nom d’un monopole

L’épilation laser, apparue dans les années 1990, s’est rapidement imposée comme une solution définitive, sûre et efficace. Dans de nombreux pays, elle s’est répandue largement, portée par une dynamique d’innovation, d’amélioration technologique et de démocratisation tarifaire.

Mais pas en France. Dans l’Hexagone, l’acte d’épilation laser a été réservé aux médecins pendant trois décennies, sur la base d’un décret datant de 1962, bien antérieur à l’existence de la technologie. Résultat : des centres "médicaux" esthétiques ont proliféré, organisés parfois en chaînes, facturant des séances à des prix très élevés, sans réelle concurrence ni transparence. Le marché, captif, était verrouillé. Et les consommateurs n’avaient pas le choix.

Pire encore : pendant tout ce temps, les professionnels non médicaux, esthéticiennes en tête, ont été pour certains, poursuivis pour exercice illégal de la médecine ! Tout cela pour un acte qui, rappelons-le, ne soigne rien, n’est pas remboursé, et n’a pas d’enjeu thérapeutique, mais uniquement esthétique. Comble de l’hypocrisie : les praticiennes de l’épilation laser sont souvent des esthéticiennes au sein des centres médicaux. Donc en tant qu’employée, cela n’a jamais posé de problème. Mais il ne fallait pas s’aviser de devenir chef d’entreprise dans l’épilation laser !

Une science détournée au service de la rente

Ce verrouillage médical a eu deux conséquences graves : un retard d’innovation et une inflation tarifaire opaque, soigneusement entretenue sous couvert de “sécurité”, de “personnalisation” et de “science”.

Pendant que le monde évoluait vers les lasers Diode (plus rapides, plus polyvalents, mieux tolérés sur les peaux intermédiaires, et surtout deux fois moins chers), les professionnels français sont restés accrochés à des technologies datées : Alexandrite (1990) et YAG (2000). Ces technologies équipant des appareils, chers et réservés aux médecins, devenaient des standards… par défaut.

Quant aux protocoles de traitement, ils varient considérablement d’un centre à l’autre sans aucune cohérence : 6 séances ici, 12 là, toutes les 4 semaines chez l’un, toutes les 14 chez l’autre. L’explication à ce Capharnaüm tient nécessairement dans l’une des deux hypothèses suivantes. La première est celle de l’entretien volontaire d’une forme de confusion afin d’éviter l’engagement sur les résultats et maximiser la rentabilité en faisant durer les traitements, gonfler les forfaits, augmenter les paniers moyens. La seconde est celle de l’incompétence et de l’absence de compréhension même du fonctionnement de l’opération laser.

La décision de mai 2024 : fin du monopole, début de la clarté

Heureusement, en mai 2024, la justice a mis fin à ce monopole médical. Un tournant historique. Désormais, l’épilation laser peut être pratiquée sans être médecin, à condition de respecter les exigences de sécurité, de formation, d’encadrement… comme dans les autres pays. Cette décision ne marque pas seulement une ouverture du marché. Elle révèle la vérité sur ce que ce dernier était devenu : une rente financière s’abritant derrière une pseudo-science. Et comme toute rente, elle ne survivra pas à l’arrivée de la concurrence.

Le cas de l’épilation laser : symptôme d’un mal français plus global

Ce cas d’école n’est pas isolé. Il est emblématique d’un problème plus large en France : le pouvoir excessif des ordres, des syndicats, des lobbys professionnels à bloquer l’innovation, à entraver l’entrée de nouveaux acteurs, à ralentir la baisse des prix et à déconnecter l’offre de la demande réelle.

Dans l’optique, le monopole des ophtalmologues sur la prescription initiale continue de retarder l’accès à des lunettes rapides et abordables, alors que les opticiens peuvent adapter la correction dans de très nombreux pays. Pendant longtemps, la médecine a freiné l'essor de la télémédecine, les notaires celui des actes authentiques électroniques et les taxis celui des VTC. Autant d’innovations qui ont apporté de meilleurs prix et un meilleur service.

Nous ne disons pas que les médecins sont illégitimes dans leur domaine. Mais l’esthétique n’est pas une maladie. L’épilation n’est pas un soin. Ce n’est pas au corps médical de décider qui a le droit ou non de se faire épiler au laser, ni à quel prix. C’est cette confusion entre pouvoir réglementaire et intérêt économique qui crée une tension malsaine. Et ce sont toujours les mêmes qui en paient le prix : les consommateurs.

Rendre l’innovation au public : une urgence démocratique

Il est temps de réaffirmer un principe simple : l’innovation doit profiter au plus grand nombre. Cela suppose de briser les rentes injustifiées, d’ouvrir les marchés à la concurrence saine, de remettre la vraie science au centre, et non la science instrumentalisée, et de réconcilier innovation et accessibilité, progrès et justice.

L’épilation laser est un domaine parmi d’autres. Mais il est révélateur. Parce qu’il concerne des millions de Français. Parce qu’il touche à l’intime. Parce qu’il a été verrouillé trop longtemps.

Et demain ?

À chaque fois que des professions protégées bloquent l’entrée de nouveaux acteurs, il faut s’interroger. À chaque fois que des prix flambent sans transparence, il faut enquêter. À chaque fois que l’innovation est ralentie au nom de la sécurité ou d’un prétendu savoir-faire qui ne serait pas améliorable grâce à l’intelligence artificielle, il faut veiller à ce que ce ne soit pas un alibi. Il ne s’agit pas d’opposer les professions. Il s’agit de défendre l’intérêt collectif. Et de reconnaître que, parfois, ce sont les corporatismes – pas la technologie – qui freinent le progrès.

Nous vivons à une époque où la défiance envers les institutions, les experts, les élites, est grande. La seule réponse durable, c’est la transparence, l’éducation, l’ouverture. Et cela vaut aussi dans le monde de la beauté, du bien-être, de l’esthétique.

À toutes celles et ceux qui veulent en finir avec les demi-vérités, les dogmes opaques, les protocoles douteux : la révolution de l’épilation définitive laser est en marche…

Hervé Corlay Smart Duck Photo3

fondateur de Smart Duck

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