Pollution de l’air à la naissance : une piste pour les leucémies aiguës chez l’enfant

L’air que respire un nouveau-né pourrait-il peser sur son avenir médical ? Une étude récente de l’Inserm met en lumière un lien statistique préoccupant entre l’exposition à des polluants atmosphériques juste après la naissance et un sur-risque de développer des leucémies aiguës infantiles. Cette enquête épidémiologique rigoureuse relance le débat sur l’impact environnemental dès les premiers jours de vie.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 6 novembre 2025 16h30
Pollution de l’air à la naissance : une piste pour les leucémies aiguës chez l’enfant
Pollution de l’air à la naissance : une piste pour les leucémies aiguës chez l’enfant - © Economie Matin

Une étude de cohorte inédite sur les leucémies et les polluants

Le 5 novembre 2025, l’Inserm a révélé les résultats d’une recherche menée dans le cadre de la cohorte GEOCAP-Birth, publiée dans la revue Environmental Health. Cette étude s’est appuyée sur les données de plus de 12 000 enfants nés en France entre 2010 et 2015, dont 581 ont développé une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) et 136 une leucémie aiguë myéloïde (LAM). L’objectif : déterminer si l’environnement immédiat de la naissance, notamment en matière de pollution de l’air, pouvait jouer un rôle dans l’apparition de ces cancers du sang.

Pour évaluer l’exposition, les chercheurs ont utilisé deux indicateurs principaux : la proximité du domicile de naissance à de grands axes routiers, et les concentrations estimées de polluants atmosphériques (NO₂, PM2,5 et carbone suie) autour de ce domicile. « L’exposition à certains polluants de l’air au moment de la naissance pourrait constituer chez l’enfant un facteur de risque de leucémies aiguës », a déclaré l’Inserm dans son communiqué du 5 novembre 2025 et dans des propos repris par le Huffington Post.

Des chiffres qui interpellent

Les résultats statistiques sont sans équivoque : pour chaque augmentation de 2 µg/m³ de particules fines PM2,5 dans l’environnement périnatal, le risque de leucémie aiguë lymphoblastique est accru de 14 %. Ce risque monte à 12 % pour les formes myéloïdes, bien que l’échantillon pour cette forme soit plus réduit. L’étude a mis en évidence que le carbone suie, indicateur de la combustion incomplète (trafic, chauffage), est également associé à un risque augmenté d’environ 80 % dans les unités urbaines de petite ou moyenne taille.

En revanche, aucune corrélation significative n’a été observée entre la proximité des axes routiers et les leucémies infantiles. « Ces résultats laissent penser que des sources de pollution aux PM2,5, autres que le trafic routier, pourraient être impliquées », a précisé Aurélie Danjou, première autrice de l’étude, dans le communiqué officiel de l’Inserm.

Pollution et naissance : quels risques pour les enfants ?

Ces données soulignent le rôle possible de l’environnement immédiat du nourrisson dans le développement de maladies graves telles que les leucémies. Les leucémies aiguës sont les cancers les plus fréquents chez l’enfant, représentant près de 30 % des cancers pédiatriques. L’idée que des polluants aériens présents dès la naissance puissent contribuer à cette incidence est un sujet majeur de santé publique.

L’enfant est biologiquement plus vulnérable aux effets toxiques de son environnement, et la période périnatale est une fenêtre critique au cours de laquelle certaines expositions peuvent avoir des conséquences durables. Les polluants étudiés dans cette recherche (PM2,5, NO₂, BC) sont tous liés à des activités humaines courantes, notamment le chauffage domestique et certaines industries. L’étude invite donc à penser plus globalement l’exposition à la pollution, au-delà de la seule proximité avec les routes à fort trafic. Elle encourage également une meilleure surveillance des émissions liées à des sources moins visibles, mais tout aussi dangereuses.

Il est toutefois essentiel de rappeler que cette étude n’établit pas de lien de cause à effet. Elle décrit une corrélation entre niveaux de polluants et probabilité importante de leucémies, sans prouver que l’un provoque l’autre. Les chercheurs eux-mêmes insistent sur la prudence dans l’interprétation. Des biais peuvent exister, notamment dans l’estimation des expositions (reconstructions à partir de modèles), ou à travers des facteurs confondants non pris en compte, comme les conditions socio-économiques des familles ou d’autres polluants non mesurés.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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