Cybersécurité, IA… Quels défis pour la France ?

La France, comme l’Europe, se trouve à la croisée des chemins. Les mutations technologiques, économiques et sociétales qui s’annoncent exigent une vision, du courage et une volonté collective. En tant que Président de l’association eFutura, qui rassemble les acteurs du numérique autour des enjeux du document et de la donnée, je souhaite alerter sur trois défis majeurs : l’Intelligence Artificielle Générative, la Cybersécurité et l’évolution des mentalités.

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By Jean-Pierre La Hausse de Lalouvière Published on 15 décembre 2025 6h34
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Cybersécurité, IA… Quels défis pour la France ? - © Economie Matin
12 MILLIARDS €La capitalisation de Mistral AI est de 12 milliards d'ueros.

L’intelligence artificielle, une question de souveraineté

L’Intelligence Artificielle Générative (IAG) marque une rupture inédite dans l’histoire de l’humanité. Là où les révolutions industrielles du passé ont transformé le monde sur plusieurs décennies, l’IAG bouleverse notre société en quelques mois. Les craintes fusent — disparition d’emplois, domination des machines, effacement de l’humain —, mais au-delà de la peur, se joue une bataille décisive : celle de notre indépendance technologique.

Le risque est clair : être dominés par des puissances étrangères, américaines ou chinoises, qui imposent leurs modèles. Les États-Unis, par la puissance économique et financière et la force ; la Chine, par le contrôle de la donnée et des populations.
Devons-nous, Européens, devenir les exécutants de ces empires numériques ? Non. Nous disposons d’atouts considérables : nos ingénieurs sont parmi les meilleurs au monde, et des acteurs comme Mistral AI en France ou ASML aux Pays-Bas démontrent que l’Europe peut rivaliser.

Investir massivement dans l’IAG n’est plus une option, c’est une question de souveraineté. D’autant que ses applications peuvent être porteuses de progrès dans des domaines essentiels comme la santé, l’agriculture ou l’écologie. L’intelligence artificielle ne doit pas nous asservir, mais nous servir.

2. La Cybersécurité, pilier de la souveraineté numérique

L’autre défi majeur est celui de la Cybersécurité. L’accélération technologique, couplée à la montée en puissance de l’IAG, expose nos institutions, nos entreprises et nos citoyens à des attaques de plus en plus sophistiquées : les attaques étatiques, visant à saboter, déstabiliser ou manipuler l’opinion publique à travers la désinformation ; les attaques criminelles, orchestrées par des mafias numériques cherchant à tirer profit des rançongiciels et autres formes d’extorsion numérique ; et celles d’individus isolés, animés par l’appât du gain ou le sabotage.

Face à cela, la France n’est pas démunie : l’Unité Nationale Cyber de la Gendarmerie, le ComCyber du ministère des Armées, mais aussi un écosystème d’entreprises privées très performantes, fédérées notamment par Hexatrust.
le Forum InCyber, créé par le Général Marc Watin-Augouard, incarne cette dynamique de coopération entre les acteurs publics et privés, en France comme à l’international.

L’Union européenne, de son côté, a construit un cadre réglementaire solide : le Cyber Security Act, qui définit le cadre de la cybersécurité en Europe - le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) spécifique au secteur financier européen et à ses sous-traitants - la directive NIS 2 (Network and Information Security Directive) qui encadre la gouvernance de la cybersécurité pour les secteurs essentiels ou importants - le Règlement CRA (Cyber Resilience Act) destiné aux produits numériques et objets connectés - et la directive REC (Résilience des Entités Critiques) relative à la gestion des menaces physiques des infrastructures critiques. Ces textes constituent un arsenal indispensable pour bâtir une Europe numérique forte et résiliente.

Le défi des mentalités : réapprendre la confiance et l’action

Mais le plus grand défi est peut-être celui des mentalités.

Comment expliquer qu’en France, nous soyons souvent perçus comme si prompts à la division, à l’individualisme, à la défense de nos seuls acquis ?

Pourquoi caricaturer les chefs d’entreprise comme des profiteurs, quand la majorité d’entre eux créent des emplois, innovent et participent à la vitalité du pays ?

Pourquoi tant d’entre nous se focalisent-ils sur la préservation de leurs acquis plutôt que sur la construction de l’avenir et le bien-être des générations futures qui vont hériter de toutes les aberrations que nos dirigeants de tous bords, politiques et syndicaux, ont réalisées et continuent à faire ? 

Notre dette publique dépasse 115 % du PIB, soit plus de 3 400 milliards d’euros, et pourtant, nombre de responsables politiques semblent davantage préoccupés par leurs ambitions personnelles que par l’avenir collectif.

Je ne peux m’empêcher de plagier Le Cid de Corneille, qu’il m’en excuse, en m’écriant : « Ô rage ! ô désespoir ! ô politiciens ennemis de notre belle France ! »

Il est temps de changer de cap. Nous devons orienter les investissements publics et privés vers les solutions françaises et européennes afin de préserver notre indépendance face aux grandes puissances étrangères. Cela concerne l’État, les collectivités territoriales, mais également les entreprises.

Selon le Cigref, l’Europe dépense chaque année 265 milliards d’euros en importations de logiciels et services américains. Si seulement 10 % de ces investissements étaient réorientés vers des solutions européennes, cela permettrait de créer plus de 330 000 emplois d’ici 2030 (source : rapport Asterès). Sans compter le levier pour faire grandir nos sociétés et devenir des acteurs majeurs sur la scène internationale.

Pourquoi ne pas s’inspirer du Buy American Act, qui impose aux administrations américaines de consommer national ? Avons-nous tellement peur des rétorsions que Trump et son administration pourraient réaliser ?

Retrouver notre souveraineté économique et numérique

Renforçons notre écosystème industriel et technologique en France et en Europe, relocalisons nos filières stratégiques, soutenons nos pépites : telles sont les conditions de notre indépendance économique et numérique.

La France a toujours su se réinventer. Encore faut-il le vouloir — et s’en donner les moyens.

Jlalouviere

Titulaire d’une MIAGE et d’un DEA en Sciences des Organisations à l’Université de Paris-Dauphine, Jean-Pierre a dirigé et créé plusieurs sociétés dans le domaine de l’ECM, de la Gestion de contenu et des solutions de gouvernance des données. Il est maintenant Vice-Président Senior – Gouvernance d’entreprise de la société Intalio et Directeur Général France. Depuis 2019, il est Président d’eFutura, l’association des Professionnels de la Transition Numérique liée aux Documents et à la Data qui regroupe les acteurs majeurs de la Gestion de contenu tant en France qu’en Afrique. Au Togo, la société CONIIA (Conseil International et l’Intelligence Artificielle) est membre du collège 1 d’eFutura et son CEO, le Dr Malik Morris MOUZOU est membre du Conseil d’Administration.

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