Sauver les retraites françaises

Dans cet extrait du livre Dernière Crise avant l’Apocalypse, Jacques Bichot et Jean-Baptiste Giraud décryptent la réforme dont les retraites françaises auraient besoin.

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Par Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot Modifié le 24 mars 2023 à 13h29
Retraites Françaises
Sauver les retraites françaises - © Economie Matin

Dans l’ouvrage « Dernière crise avant l’Apocalypse » , de Jean-Baptiste Giraud et Jacques Bichot, le système français des retraites est abordé. Le sujet étant au cœur de l’actualité, EconomieMatin vous propose en exclusivité l’extrait de l’ouvrage qui est consacré aux solutions pour sauver les retraites en France.
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En matière de retraites, une véritable grande réforme est évidemment indispensable. Elle devrait consister à cesser d'attribuer les droits à pension au prorata des cotisations versées pour payer les pensions déjà liquidées. La méthode peut paraître violente et injuste, mais c'est pourtant la seule responsable. Non, un sexagénaire ou un quinquagénaire ne peuvent pas revendiquer un droit à la retraite, et une pension, établis en fonction de leurs cotisations passées.

Une réforme responsable du système de retraite doit prendre pour fait générateur des droits les actions et les versements d'argent qui servent à entretenir et former les cotisants de demain, à savoir les enfants et les jeunes en cours de formation. Mettre au monde des enfants et les conduire jusqu'à l'âge adulte, voilà un investissement qui, logiquement, devrait ouvrir des droits à pension. Verser des contributions – cotisations ou impôts, le nom importe peu – servant à financer la formation initiale de ces enfants, et à faciliter les fins de mois des familles nombreuses, voilà qui serait une seconde source logique, économiquement rationnelle, d'attribution de droits à pension.

C'est d'une telle réforme que la France a besoin, pas de réformettes décidées par des personnes qui n'ont même pas compris le principe des échanges entre générations successives : il faut d'abord investir dans la jeunesse, pour recevoir les dividendes de cet investissement sous forme de pensions.

Un tel changement de paradigme, à la différence d'une petite augmentation ou diminution du taux de cotisation vieillesse, mérite d'être solennellement voté par le législateur. En revanche, l'ajout d'un point au taux de telle ou telle cotisation, requis pour atteindre l'équilibre financier du système, relève de la responsabilité des gestionnaires.

La réforme des retraites voulue par Macron somme toute inutile?

Après de nombreuses modifications paramétriques réalisées au fil des décennies, et notamment en 2013, les retraites firent l'objet en 2019 d'un véritable projet de réforme porté par Emmanuel Macron. Le chef de l'État voulait en effet réaliser une réforme systémique, inspirée par le régime suédois, et longuement préparée, sur sa demande, par Jean-Paul Delevoye. Un texte finit par être rédigé et discuté à l'Assemblée nationale. Ce projet révélait certes une absence complète de compréhension de l'échange entre générations successives, échange qui est le cœur même du fonctionnement des retraites par répartition, mais il avait bien un caractère structurel : il prévoyait le recours aux « points » pour quantifier les droits à pension acquis au fil des années par les actifs, comme cela se fait à l'ARRCO-AGIRC et dans certains pays – notamment la Suède, dont la réforme des retraites réalisée une quinzaine d'années plus tôt a servi de modèle à la petite équipe pilotée par Jean-Paul Delevoye.

Les régimes spéciaux

Remarquons au passage que cet homme politique dirigea une entreprise de négoce agricole avant d'exercer maintes fonctions publiques : maire, député, sénateur, ministre, président du Conseil économique et social. Avait-il pour autant compris le mode de fonctionnement, l'économie, des retraites par répartition ? Il ne semble pas. À défaut, il aurait pu faire œuvre utile en conseillant tout simplement l'absorption des retraites du régime général par le système de retraites dites « complémentaires » construit par les partenaires sociaux : l'ARCO-AGIRC possède en effet à peu près toutes les caractéristiques que le président de la République souhaitait, et les organisations syndicales et patronales auraient vraisemblablement été flattées par la reconnaissance de la supériorité de leur « enfant » sur celui du législateur (le « Régime général »). Il aurait ensuite été possible de raccrocher les « wagons » de différents régimes spéciaux, à commencer par celui des fonctionnaires, à ce convoi tiré par une locomotive de bonne facture. Et les régimes de travailleurs indépendants, artisans, commerçants, professions libérales et auto-entrepreneurs auraient pu, eux aussi, entrer dans ce grand régime, destiné à instaurer en France un régime unique de retraites par répartition.

Cette occasion ne fut pas saisie, car sans doute personne n'osa même l'envisager. Que le privé vertueux absorbe le public impécunieux, quel affront ! Nonobstant la complication et l'incomplétude du projet, autrement dit son peu d'envergure, les propositions d'amendements furent extrêmement nombreuses. Cette agitation parlementaire conduisit le Premier ministre à engager la responsabilité du Gouvernement, conformément à l'article 49-3 de la Constitution, ce qui permet de considérer le texte comme étant adopté si une motion de censure n'est pas votée par une majorité de députés. Le vote intervint le 5 mars 2020. Dix jours plus tard, la France était confinée. On connaît la suite.

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Jean-Baptiste Giraud est journaliste économique, directeur de la rédaction d'EconomieMatin et auteur d'une dizaine de livres.   Jacques Bichot est économiste, professeur émérite à l'Université Jean-Moulin-Lyon III et auteur d'une vingtaine d'ouvrages.

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