Dans presque tous les pays industrialisés, une concordance entre temps d’emploi et niveau de dette

Depuis longtemps les temps de travail n’ont eu de cesse de diminuer. Les améliorations du matériel, la recherche constante de l’optimisation des gestes, des conditions d’emploi, de travail, les changements de consommation, l’industrialisation des produits, la productivité mais aussi la pression syndicale, ont contribué à la diminution des temps de travail et d’activité.

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Par Daniel Moinier Modifié le 1 septembre 2023 à 6h02
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17,4%17,4% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage en France.

Un peu d’histoire :

En France, avant 1848, les temps d’emploi journalier variaient de quinze à dix-sept heures, sept jours sur sept, ce qui impliquait une morbidité importante en particulier chez les femmes et les enfants.

A cette date pour la première fois, un décret fixe le travail à douze heures par jour. Durée remise en compte sous le second Empire qui impose, avec le début d’une industrialisation intensive, un allongement de la durée du travail.

Mais la première revendication des huit heures apparaît en 1864 au sein de la première internationale.

Il faudra toutefois attendre 1889 pour que le congrès ouvrier « socialiste international » propose une journée internationale sans travail, le 1er mai est choisi. Il faudra attendre 1906 pour sa mise en place.

La loi Millerand organise progressivement la transition vers la journée de dix heures.

En 1919, les huit heures par jour sont instituées sur six jours, soit 48 heures semaine.

En 1936, le puissant front populaire impose la semaine de 40 heures et deux semaines de congés payés.

Mais en 1938, Daladier revient aux 48 heures semaine mais sur trois ans seulement. Puis c’est la semaine de 60 heures qui de nouveau est généralisée avec même la possibilité de 11 heures par jour.

La guerre finit, le gouvernement abroge tous les textes de vichy et revient aux 40 heures mais en y adjoignant des heures supplémentaires de 25 et 50%.

En 1956, c’est la 3ème semaine de congés payés qui est suivi en 1969 de la 4ème semaine.

En 1982 sous Mitterrand, c’est l’arrivée des 39 heures payées 40, de la 5ème semaine de congés payés, la retraite à 60 ans et du 8mai redevenu férié (enlevé sous Giscard d’Estaing).

En 2000/2002, c’est l’institution des 35 heures (seul pays à l’avoir programmé) avec les « fameuses » RTT.

Ces 35 heures ont coûté très chères car l’état s’était engagé à indemniser les entreprises.

Le gouvernement Aubry, compte tenu du surcoût salarial engendré par les entreprises, a créé le « Fond de financement des entreprises » qui institue une ristourne progressive sur les bas salaires (jusqu’à 1,8 SMIC) et accordé une aide de 4000 francs par an par salarié. Ce cadeau pouvait s’élever environ à 65 milliards de francs par année.

Le gouvernement n’a d’ailleurs pas pu tenir longtemps sa promesse compte tenu du déséquilibre des comptes de l’état !!!

Et en ce qui concerne les autres pays industrialisés, ils ont tous suivis ce mouvement de baisse sans toutefois aller aussi loin que la France, surtout sur les 60 ans et les 35 heures. Ils ne sont pas « inconscients » ! Aucun autre pays n’a pris le risque de déstabiliser les finances pour contenter ses électeurs. La gestion a primé sur le politique et la démagogie.

Depuis des décennies que j’étudie les économies mondiales et surtout européennes, j’ai été frappé par deux choses :

Que les spécialistes, statisticiens, journalistes économiques, politiques surtout… ne tiennent compte que dans leur approche des horaires de travail, que du travail à la semaine, au mois éventuellement à l’année (en oubliant souvent tous les jours non travaillés, congés spéciaux, le temps partiel…) mais pas sur la durée de vie, ce que j’appelle la durée d’activité. Un exemple flagrant : j’étais au Medef à Paris en réunion sur l’emploi : Me Aubry annonce que la durée du travail en France est de 42h1/2 par semaine. Surprise ! car il est pour les employés ouvriers de 36,2 heures. Pourquoi cet écart ? Je venais de découvrir qu’Eurostat venait de sortir une statistique sur le temps travaillé en Europe estimé, comprenant toutes les personnes en emploi, cadres et encadrant compris ; Il est possible ainsi de faire donner aux chiffres ce que l’on a envie de faire passer comme message.

D’autre part il a été facile de constater que certains pays s’en sortaient toujours mieux que d’autres, même sur de longues échéances.

POURQUOI ?

Est-ce que les pays avaient de meilleurs gestionnaires, donc des dirigeants plus visionnaires ? Ou simplement un certain bon sens avec des convictions qui permettaient de faire adhérer les citoyens, en leur faisant accepter la réalité du terrain. Pour qu’un pays ait des finances au minimum équilibrées, c’est comme une entreprise, il est nécessaire d’avoir des rentrées et sorties au minimum égales. Si l’on veut augmenter le niveau de vie, ce que réclament en général les citoyens, c’est de faire des bénéfices pour avoir les moyens d’investir pour l’avenir et aussi pour ne pas être pris au dépourvu lors d’imprévisions ; crises, catastrophes, inflation, etc.

Ce que notre pays n’a pas fait, il a joué à la cigale, sans s’occuper d’engranger les rentrées nécessaires à sa survie.

Si on analyse le tableau ci-dessus, on peut facilement constater que les pays qui ont eu et ont encore de bons résultats sont ceux qui ont su gérer : Durée de travail et d’activité suffisante pour obtenir un niveau de vie, des temps libres et loisirs profitables, tout en gardant une marge de manœuvre pour gouverner sainement.

Arti Moinier 01092023

Exemples du tableau ci-dessus :

Allemagne : Avec près de 11.000 heures travaillées en plus sur la durée de vie, un taux d’emploi à près de 73%, une dette à moins de 66% du PIB, l’Allemagne a eu des comptes positifs pendant ces années, ce qui lui a permis de diminuer sa dette de 25%. Quant au chômage, il est aussi en dessous de la moyenne européenne. L’Allemagne n’est pourtant pas actuellement au mieux de sa forme avec des exportations en baisse, un taux de pauvreté à peu près équivalent à celui de la France mais avec moins d’aides sociales directes.

Danemark : Un départ en retraite tardif, donc un nombre d’heures travaillées bien supérieur aux français (Plus de 11000 H), un chômage très bas : 2,4%, une dette très basse, un PIB par habitant élevé. Les Danois vivent bien.

Irlande : Pays très travailleur avec 1890 heures/an, loin devant la France, un départ en retraite à 66 ans, un chômage moyennement élevé, un PIB par habitant plus du double de celui des Français, la vie est belle.

Norvège : Avec un taux d’emploi de plus de 12 points de plus que la France, un taux de chômage bas : 3% une dette à 34% du PIB et un PIB/hab relativement élevé, la Norvège se situe à un bon niveau économique. Il est vrai aussi que la production pétrolière aide bien les finances publiques.

Pays-Bas : Petit pays mais grande nation économique et commerciale qui travaille plus que la France malgré un taux de travail partiel important, près de 11.000 heures en plus sur la durée de vie, un chômage bas à 3,6%, une dette peu élevée, un PIB par habitant intéressant.

Suède : Pays social par excellence qui malgré cela nous devance sur bien des points : Un taux d’emploi de 77,5%, (France 65,4), une dette par habitant basse : 31,7% (France 112,4%), un PIB/hab correct.

Suisse : Mon pays modèle, classé depuis plus de 6 années, meilleur pays gestionnaire du monde avec ses 43 heures de travail par semaine, ses départs en retraite à 65 ans depuis longtemps, un chômage très bas à 1,9%, une gestion du pays très rigoureuse, avec des résultats hors finances probants. Et surtout des citoyens très responsables respectueux des institutions, très participatifs, la votation en fait partie et un PIB par habitant très élevé de 92300€. Que dire de mieux !

France : Elle a connu après la dernière guerre et les 30 glorieuses une forte mutation rapide, passant d’un état paysan à une période industrielle importante avec l’exode rural vers les villes. Le mot chômage n’existait pas. Les deux guerres du pétrole y ont mis fin avec le premier compte d’état négatif en 1975. Depuis, quelques soit les gouvernants, aucune année n’a eu un compte même en équilibre !!! Une très forte cassure s’est produite en 1982/83 avec des lois dites sociales : 39 heures payées 40, 5ème semaine de congés payés, le 8 mai redevenu férié supprimé sous Giscard d’Estaing et surtout la retraite à 60 ans (passer de 65 à 60 ans), soit plus de 3 millions de salariés/cotisants en moins remplacés par plus de 3 millions de retraités en plus. Coût de cette loi en euros actuels : 300 milliards de perdus par années depuis 1983.

En 2000/2002, les 35 heures ont donné le coup de grâce à l’économie en « étranglant les entreprises ». Salaires augmentés de 14% et pour beaucoup des investissements en hausse de près de 14%. II a fallu près de cinq années pour simplement « digérer » ce coût supplémentaire alors que les concurrents étrangers n’avaient pas ces contraintes.

Avant Covid, il manquait en France 25% de PIB, soit 25% d’heures travaillées (=11.500h) sur la durée de vie, puisque c’est proportionnel, pour que les comptes d’état soient au minimum en équilibre. Cela pourrait représenter 40 heures et départ en retraite à 65 ans.

Dans le tableau ci-dessus il existe une colonne qui affiche les heures travaillées en plus chez nos voisins européens. Vous pouvez remarquer que les pays qui ont en général les meilleurs résultats, ont des temps et taux d’emploi plus élevés à bien plus élevés que la France.

Il existe une exception ou deux, ce sont l’Italie et la Grèce.

La dette italienne est très ancienne, elle remonte surtout à la première guerre mondiale qui même si elle l’a gagnée a provoqué une grave crise économique et financière. C’est l’état qui a repris tous les déficits des principales entreprises internationales. Elle traîne ainsi ce « boulet » depuis longtemps amplifié par la déflation de 1926.

Mais l’Italie malgré ce taux d’endettement très élevé, se reprend en ayant augmenté plus que sensiblement son taux d’activité : départs en retraite à 67 ans.

Quant à la Grèce qui a des horaires de travail assez élevés, elle y perd avec des départs possibles à 62 ans, pension non complète jusqu’à 67 ans. Ce pays a souffert d’une gestion financière calamiteuse pendant de très nombreuses années. Depuis la crise financière et la tutelle européenne malgré d’énormes contraintes, elle est parvenue à des résultats positifs tout en gardant une dette très conséquente qui la prive de résultats encore meilleurs.

CONCLUSION :

Sans une quantité d’heures travaillées payées suffisantes, un pays ne peut pas vivre correctement, sinon avec des déficits constants et un endettement devenant de plus en plus ingérable. Tant que nos dirigeants, mais aussi nos concitoyens n’auront pas compris cette équation, il n’y aura pas de salut, où avec une fuite en avant et des déficits.

Pour la France il n’est peut-être pas encore trop tard : Avec 40 heures par semaine, le rattrapage se ferait rapidement tant pour les entreprises, l’export, la réindustrialisation ainsi que le pouvoir d’achat de nos concitoyens et avec une grandeur de la France retrouvée.

« Autre analyse française récente et très importante qui va déséquilibrer encore plus les comptes : Selon un rapport du Sénat, la proportion de plus de 65 ans dans la population a augmenté de 4,7 % entre 2000 et 2020, quand celle des 20-59 ans a diminué de 4,4 % ». Comment gérer rapidement ce déséquilibre ? Travailler plus et plus longtemps. La plupart des français ne semblent pas d’accord, exemple ; les « manifs » pour la retraite à 64 ans !!!

NOTA : Le passage de la retraite à 64 ans est déjà une avancée avec toutefois des retombées bénéfiques non immédiates, très échelonnées et pas du tout suffisantes (Les 65 ans (et +) auraient été un peu plus payantes permettant de rattraper notre retard et se rapprocher des meilleurs).

www.danielmoinier.fr

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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