Le 18 décembre 2025, EDF a publié une révision majeure de son chiffrage pour la construction de six réacteurs de type EPR sur les sites de Penly, Gravelines et Bugey. Cette annonce intervient dans un contexte où la transition énergétique impose des arbitrages budgétaires complexes.
Nucléaire : EDF mise sur l’EPR malgré un devis jugé explosif par les analystes

Estimée à 72,8 milliards d’euros (valeur 2020, hors charges financières), la facture des nouveaux EPR dépasse largement les projections initiales de 2022. À l’heure des déficits publics croissants et des tensions sur le financement des infrastructures, l’opportunité économique de cet investissement massif interroge.
Un devis nucléaire à la hausse : les limites d’une prévision industrielle
Le dernier devis présenté par EDF acte une hausse de plus de 21 milliards d’euros par rapport à l’estimation de 2022. D’après la communication officielle, cette réévaluation repose sur une intégration plus rigoureuse des risques industriels et une anticipation des retards potentiels. « Ce devis prend en compte une hypothèse réaliste de trajectoire industrielle et une provision pour aléas », a précisé EDF dans un communiqué daté du 18 décembre 2025.
Au-delà des considérations techniques, cette augmentation traduit surtout la difficulté de l’électricien à maîtriser les effets d’échelle dans un contexte d’inflation structurelle des coûts du BTP et de la haute ingénierie. La promesse initiale d’un nucléaire compétitif, censé amortir les coûts grâce à une construction en série, peine à se matérialiser dans les premiers chiffrages. Le groupe prévoit néanmoins « une baisse de 30 % entre le premier et le dernier EPR2 », selon une déclaration relayée par Connaissance des Énergies le 18 décembre 2025.
Une équation financière sous haute tension
Le cœur du problème est désormais budgétaire. Sur les 72,8 milliards d’euros annoncés, une part significative devra être sécurisée via des mécanismes de soutien public. Le gouvernement prévoit notamment un prêt bonifié et la mise en place d’un contrat pour différence (CfD) de 40 ans, dispositif garantissant à EDF un prix d’achat plancher pour l’électricité produite. Ce dernier, inspiré du modèle britannique appliqué à Hinkley Point C, vise à réduire le risque financier porté par l’entreprise.
Pourtant, ces dispositifs nécessitent encore l’aval de la Commission européenne. Sans validation rapide, c’est l’ensemble du calendrier d’investissement — et donc de construction — qui pourrait glisser. L’investissement public, même s’il est indirect, reste massif. Dans son analyse du 18 décembre 2025, Reuters souligne que le financement public porterait sur plus de 50 % du programme, ce qui interroge sur la soutenabilité de l’opération dans un environnement de remontée des taux.
EPR et compétitivité : l’impasse tarifaire à moyen terme
En théorie, les six réacteurs nucléaires EPR doivent contribuer à stabiliser les prix de gros de l’électricité à l’horizon 2040. Mais l’équation économique reste fragile. D’un côté, les investissements à très long terme font peser une incertitude sur le coût réel du mégawattheure produit. De l’autre, l’évolution imprévisible de la demande électrique pourrait remettre en cause les hypothèses de rentabilité. Comme le souligne l’AFP, « les projections de consommation sont en constante révision ».
Les précédents comme Flamanville 3 — dont le coût final dépasse 13 milliards d’euros pour une seule unité — rappellent à quel point les dérapages financiers peuvent détruire la compétitivité d’un projet. EDF assure que « les enseignements de ces projets ont été pleinement intégrés », mais les analystes restent prudents. L’agence NucNet rapportait également le 18 décembre 2025 que la rentabilité du programme dépendra fortement du coût du capital mobilisé, de la stabilité réglementaire et de la continuité politique autour de la stratégie nucléaire.