Les signaux de reprise du secteur immobilier masquent une réalité plus contrastée. Entre remontée des taux, affaiblissement du crédit, fiscalité mouvante et confiance détériorée, l’économie française peine à créer les conditions d’une reprise solide du marché immobilier en cette fin d’année 2025.
L’immobilier paralysé par les incertitudes économiques à l’aube de 2026

Alors que l’exercice 2025 s’achève, le marché de l’immobilier cristallise les tensions économiques de fond. Les signaux positifs affichés dans les indicateurs sectoriels ne suffisent pas à dissiper les inquiétudes. Derrière les chiffres de reprise partielle, l’environnement économique — inflation résiduelle, resserrement monétaire, contraintes budgétaires — freine l’expansion des transactions et fragilise la dynamique du secteur.
L’effet trompe-l’œil d’une reprise encore précaire
À première vue, l’immobilier paraît reprendre des couleurs : d’après le Groupe BPCE, la production de crédits immobiliers a progressé de 29 % sur un an à la fin 2025, une remontée nourrie par le retour partiel des primo-accédants. Mais ce redémarrage cache un phénomène temporaire, dopé par un effet d’aubaine avant la remontée attendue des taux en 2026.
La baisse progressive des taux en début d’année a permis aux ménages solvables de relancer leurs projets. Toutefois, selon l’Observatoire de l’Immobilier BPCE, seuls 18 % des Français considèrent fin 2025 que la période est favorable à un achat. Cette frilosité traduit une perception économique dégradée : incertitudes sur la trajectoire budgétaire, instabilité fiscale, pression sur le pouvoir d’achat.
Quant aux volumes de ventes, ils atteignent environ 950 000 transactions, en léger retrait par rapport à la moyenne 2017‑2022. Le marché reste donc bien en dessous de son potentiel, notamment dans les zones tendues.
Taux et politique monétaire : le poids du resserrement
La politique de la Banque centrale européenne pèse lourdement sur les conditions de financement. Après un pic des taux en 2023, la détente amorcée en 2024 s’est ralentie en 2025. Les taux moyens des crédits immobiliers s’établissent entre 3,09 % et 3,15 % en fin d’année. Or, BPCE anticipe une remontée à 3,35 % d’ici mi‑2026 en raison du regain d’inflation et de la hausse de l’OAT à 10 ans.
Cette perspective refroidit les anticipations des emprunteurs, d’autant que la BCE a annoncé la fin des achats nets d’actifs sur les marchés. Le resserrement de la liquidité bancaire devrait mécaniquement renchérir le coût du crédit, contraignant davantage la demande.
Sur le front de l’offre, les promoteurs souffrent encore. Le volume de logements neufs autorisés est en baisse de 17 % par rapport à 2022, selon les données compilées par le ministère de la Transition écologique. L’accès au financement reste difficile pour les opérateurs privés, pénalisés par la hausse des coûts de construction et l’instabilité fiscale.
Incertitude fiscale et arbitrages des investisseurs
La question fiscale constitue l’un des freins majeurs à la relance du marché immobilier. L’arrêt du dispositif Pinel au 31 décembre 2024 et l’absence de solution de remplacement robuste affectent la rentabilité perçue du locatif privé. Selon BPCE, « la fiscalité est le premier facteur d’inquiétude des bailleurs individuels ».
Ce retrait progressif des investisseurs pèse sur l’offre, notamment dans les centres urbains. Certains arbitrent leurs biens, préférant céder dans un marché stabilisé plutôt que de subir les évolutions réglementaires à venir. En parallèle, les collectivités territoriales augmentent leurs droits de mutation ou durcissent les règles d’encadrement, ce qui freine les mouvements.
L’instabilité politique n’arrange rien : l’incertitude sur la réforme du logement, repoussée à plusieurs reprises en 2025, alimente l’attentisme. Aucun cap clair n’est perçu, ni sur la fiscalité des plus-values, ni sur la régulation des loyers dans le parc privé.
2026 : des fondamentaux encore fragiles
Les perspectives économiques du marché immobilier restent contrastées. La croissance française devrait avoisiner 0,9 % en 2026, selon les prévisions de l’INSEE, un rythme insuffisant pour générer un rebond massif. Dans ce contexte, la hausse des prix de l’ancien devrait se limiter à +0,7 % sur l’année.
L’extension du Prêt à Taux Zéro au 1ᵉʳ avril 2025 pourrait offrir un soutien ponctuel, mais son périmètre restreint ne permet pas d’espérer un retournement complet. Les ménages restent contraints, les marges de manœuvre budgétaires sont réduites et l’incertitude pèse sur les arbitrages patrimoniaux.
Comme le souligne le rapport de l’Observatoire BPCE, « le marché pourrait connaître une reprise en dent de scie, dépendante des décisions monétaires, fiscales et politiques ».