Le Budget 2026 acte un tournant dans la politique du logement. Le gouvernement prévoit de geler les APL (aides personnalisées au logement) et de les supprimer pour les étudiants étrangers non boursiers, au risque d’aggraver la précarité étudiante.
Gel des APL : Lecornu veut aggraver la précarité des étudiants

Présenté le 14 octobre 2025, le projet de loi de finances 2026 bouleverse le dispositif des APL. Alors que plus de 6,5 millions de bénéficiaires dépendent de cette aide, l’exécutif choisit de geler son barème et de recentrer le soutien vers les ménages les plus modestes. Selon le document officiel publié sur Budget.gouv.fr, les APL étudiantes, évaluées à environ 2 milliards d’euros, feront désormais l’objet d’un « recentrage ». Derrière ce terme technique se cache une décision politique : l’exclusion des étudiants étrangers hors Union européenne non boursiers.
Les APL gelées : un choix budgétaire aux conséquences sociales
Le gel des APL signifie que les aides versées en 2026 resteront identiques à celles de 2025, sans la revalorisation annuelle liée à l’inflation. Le gouvernement reconnaît dans le PLF 2026 qu’il s’agit d’« une dérogation à la revalorisation automatique » des aides personnelles au logement. Cette mesure générerait 108 millions d’euros d’économies pour l’État, dont 54 millions découlent directement de l’absence d’indexation sur les prix, selon le gouvernement.
Ces ajustements s’inscrivent dans une logique d’économie globale : les crédits de la mission « Cohésion des territoires » consacrés à l’aide au logement passeraient de 16,7 à 16,1 milliards d’euros. Si la réduction semble marginale sur le papier, elle s’ajoute à une tendance de long terme : le coût total des APL atteignait 15,6 milliards d’euros en 2023, selon CreditNews.fr.
Mais au-delà des chiffres, la décision interroge sur ses effets. Pour Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, « C’est ce qui était redouté », relaye BFM Business. Le chercheur souligne le risque d’un effet boule de neige : dans un contexte de forte inflation, geler les APL revient à réduire mécaniquement le pouvoir d’achat des locataires modestes, notamment des jeunes.
Étudiants étrangers : la suppression ciblée qui inquiète les associations
L’autre volet du Budget 2026 concerne directement les étudiants étrangers. Selon le texte gouvernemental, les étudiants hors Union européenne non boursiers ne seraient plus éligibles aux APL. Aucune évaluation précise du nombre d’étudiants concernés n’a été communiquée, mais les associations estiment qu’il s’agit de plusieurs dizaines de milliers de jeunes actuellement logés en France.
Pour le gouvernement, cette suppression participe au « recentrage » des aides sur les plus modestes. Officiellement, l’objectif est de réserver le dispositif à ceux qui en ont le plus besoin. Toutefois, sur le terrain, les réactions sont vives. Suzanne Nijdam, présidente de la FAGE, alerte : « Retirer les APL pour les étudiants extracommunautaires non boursiers, c’est vraiment mettre à la porte quasiment l’ensemble des étudiants extracommunautaires de notre système universitaire », rapporte BFM Business.
Cette suppression intervient dans un contexte déjà tendu. Les plafonds de ressources pour bénéficier de l’aide restent très bas : 8 600 euros pour un étudiant non boursier et 6 900 euros pour un boursier louant un logement classique selon Service-Public.fr. Autrement dit, nombre d’étudiants étrangers sans bourse, vivant souvent avec des emplois précaires, se retrouveront exclus du dispositif tout en n’ayant pas d’alternative.
Précarité étudiante et logement : une équation aggravée
Le logement étudiant est devenu un marqueur fort de la pauvreté des jeunes en France. Selon les dernières données publiques de la DREES, près d’un tiers des étudiants déclarent avoir déjà rencontré des difficultés pour payer leur loyer ou leurs charges. Le gel des APL et leur suppression pour une partie du public risquent d’aggraver cette situation, alors que les loyers, notamment en région parisienne et dans les grandes métropoles universitaires, ont augmenté de plus de 10 % depuis 2022.
Du côté de l’exécutif, le discours reste prudent. Le Premier ministre Sébastien Lecornu, lors de sa déclaration de politique générale le 14 octobre 2025, a confirmé vouloir « recentrer les politiques sociales sur les foyers français les plus modestes ». Une orientation budgétaire assumée, mais qui laisse en suspens la question de la solidarité étudiante.
Ainsi, alors que près d’un étudiant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, selon les dernières estimations de la Fondation pour le Logement des Défavorisés, le gel des APL et la suppression partielle du dispositif pourraient symboliser une fracture sociale entre les jeunes Français et étrangers, boursiers et non-boursiers, précaires et favorisés.
