Gouvernement Lecornu : quasiment tous les ministres sont recyclés

Le gouvernement formé par Sébastien Lecornu le 5 octobre 2025 ne marque ni rupture ni révolution. Derrière l’effet d’annonce, la composition dévoilée sur le site officiel du gouvernement reprend les codes, les figures et les équilibres politiques déjà rodés depuis 2017.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Last modified on 6 octobre 2025 7h46
Paris,,france,,03 01 2025,:,franc?ois,bayrou,et,se?bastien,lecornu,at
Gouvernement Lecornu : quasiment tous les ministres sont recyclés - © Economie Matin
70%Plus de 70% des ministres de Sébastien LEcornu l'ont déjà été sous Emmanuel Macron.

Sébastien Lecornu nomme une équipe fidèle à la logique des précédents gouvernements Macron

L’annonce du gouvernement Lecornu a confirmé un réflexe de stabilité. Sur seize ministres et deux ministres délégués (soit 18 membres au total), au moins 13 ont déjà exercé une fonction ministérielle sous Emmanuel Macron. Parmi eux, Élisabeth Borne, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Agnès Pannier-Runacher incarnent la continuité absolue : chacun a occupé plusieurs portefeuilles depuis le premier quinquennat, évoluant sans jamais quitter la sphère gouvernementale.

Cette permanence répond à une logique institutionnelle : Macron gouverne sans majorité absolue depuis 2022, ce qui rend risqué tout remaniement profond. Reconduire des visages familiers, maîtrisant les rouages de l’administration, garantit un minimum de cohésion et de discipline parlementaire. Ainsi, près de 75 % des membres du cabinet Lecornu ont siégé dans un gouvernement précédent sous Emmanuel Macron, un record sous la présidence actuelle.

Les “poids lourds” de la Macronie dominent encore :

  • Bruno Le Maire, ministre depuis 2017, bascule de l’Économie aux Armées (en remplacement de Sébastien Lecornu devenu Premier ministre) ;
  • Gérald Darmanin, est reconduit à la Justice ;
  • Élisabeth Borne, ancienne Première ministre, reste à l’Éducation ;
  • Agnès Pannier-Runacher poursuit son parcours à la Transition écologique ;
  • Jean-Noël Barrot prend les Affaires étrangères après le Numérique et l’Europe.

La liste complète du gouvernement Lecornu I dévoilée le 5 octobre 2025

Les ministres

  • Mme Elisabeth BORNE, ministre d’État, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ;
  • M. Manuel VALLS, ministre d’État, ministre des Outre-mer ;
  • M. Gérald DARMANIN, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice ;
  • M. Bruno RETAILLEAU, ministre d’État, ministre de l’Intérieur ;
  • M. Bruno LE MAIRE, ministre d’État, ministre des Armées et des Anciens combattants ;
  • Mme Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités, des Familles, de l'Autonomie et des Personnes handicapées ;
  • Mme Rachida DATI, ministre de la Culture ;
  • M. Roland LESCURE, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et énergétique ;
  • M. Jean-Noël BARROT, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ;
  • M. Eric WOERTH, ministre de l’Aménagement du territoire, de la Décentralisation et du Logement ;
  • Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche ;
  • Mme Annie GENEVARD, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ;
  • Mme Amélie de MONTCHALIN, ministre des Comptes publics ;
  • Mme Naïma MOUTCHOU, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, de l'Intelligence artificielle et du Numérique ;
  • M. Philippe TABAROT, ministre des Transports ;
  • Mme Marina FERRARI, ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative ;

Les ministres délégués auprès du Premier ministre :

  • Mme Aurore BERGÉ, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, porte-parole du Gouvernement ;
  • M. Mathieu LEFÈVRE, chargé des relations avec le Parlement.

Des ajustements tactiques plutôt qu’un tournant politique

Certes, le gouvernement Lecornu compte des entrants, mais ils servent d’équilibrage plus que de rupture. Manuel Valls, revenu après un long exil politique, reste en place à l’Outre-Mer où il a été nommé par François Bayrou ; Bruno Retailleau, ancien sénateur LR, reste en poste à l'Intérieur.

Le choix des portefeuilles confirme aussi la méthode Macronienne : regrouper, fusionner, renommer plutôt que créer du neuf. Ainsi, Catherine Vautrin hérite d’un “super-ministère” Travail-Santé-Solidarités, structure déjà testée sous Borne ; Naïma Moutchou obtient un portefeuille “Transformation, Fonction publique, IA et Numérique”. En somme, Lecornu applique la même recette que ses prédécesseurs : recomposer à la marge, rassurer au centre, consolider à droite. L’architecture ministérielle reste stable ; seule la façade change.

Les ressorts d’une continuité structurelle

Depuis 2017, chaque gouvernement Macron procède d’une équation identique : fidélité + compétence + équilibre politique = stabilité du pouvoir exécutif.

Philippe, Castex, Borne, Attal, Bayrou, puis Lecornu, ont tous cherché la même chose : préserver la cohérence d’une majorité relative et limiter les frictions administratives.

Trois facteurs expliquent cette récurrence :

  1. Le poids de la technostructure — Les portefeuilles régaliens (Économie, Intérieur, Armées, Justice) restent confiés à des profils aguerris issus des corps d’État ou de la haute fonction publique.
  2. La culture du “recyclage politique” — Plusieurs ministres cumulent six à neuf nominations successives depuis 2017.
  3. La gestion de l’inertie parlementaire — En l’absence de majorité claire, Macron mise sur la loyauté interne. Sébastien Lecornu s’inscrit dans cette logique d’exécutif verrouillé par la confiance personnelle plutôt que par la représentation politique.

Ces choix produisent un effet de répétition : chaque gouvernement n’est quasiment qu’une liste des mêmes noms dont les portefeuilles changent mais dont l’importance en politique reste identique.

Le gouvernement Lecornu face à son propre miroir

En comparant les compositions successives depuis 2017, une régularité apparaît : près d’un tiers des ministres du gouvernement Lecornu figurent déjà dans les équipes Philippe ou Castex, et plus de la moitié ont participé aux gouvernements Borne ou Attal. Cette “rotation interne” entretient l’idée d’un exécutif en vase clos. Pour le politologue Bruno Cautrès, cité par France Info, « la Macronie fonctionne désormais comme un bloc technocratique : les changements de Premier ministre n’entraînent pas de recomposition politique, seulement une reconfiguration d’équilibre personnel ».

Le constat se vérifie : les gouvernements Macron successifs reposent sur un noyau quasi identique, où les ministres s’échangent les postes sans renouvellement profond. Cette pratique renforce la cohérence administrative, mais alimente la critique d’un pouvoir “circulaire” où la même génération d’élus tourne sans fin autour du président.

Tableau comparatif des reconductions ministérielles (2017-2025)

Reconductions ministérielles – Gouvernements Macron (2017–2025)
Ministre Phil. I Phil. II Castex Borne I Borne II Borne III Attal Barnier Bayrou Lecornu Total
Gérald Darmanin 9
Agnès Pannier-Runacher 9
Bruno Le Maire 8
Élisabeth Borne 8
Amélie de Montchalin 5
Jean-Noël Barrot 6
Catherine Vautrin 4
Rachida Dati 4
Roland Lescure 4
Aurore Bergé 4
Annie Genevard 3
Bruno Retailleau 3
Marina Ferrari 3
Amélie de Montchalin 5
Philippe Tabarot 2
Manuel Valls 2
Éric Woerth 1
Naïma Moutchou 1
Mathieu Lefèvre 1

(✅ : présence dans le gouvernement mentionné)

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

No comment on «Gouvernement Lecornu : quasiment tous les ministres sont recyclés»

Leave a comment

* Required fields