Dans les collèges publics français, les heures de cours non assurées restent un angle mort du système éducatif. Malgré les alertes répétées de la Cour des comptes, l’ampleur du phénomène demeure élevée, avec des effets durables sur les élèves et des déséquilibres persistants entre territoires, disciplines et établissements.
Heures de cours perdues : pourquoi le collège public reste en difficulté

Le 12 décembre 2025, la Cour des comptes a publié un nouveau rapport sur les heures de cours perdues dans les collèges publics. Le constat est désormais bien documenté. En 2023-2024, une part significative du temps d’enseignement obligatoire n’a pas été assurée. Cette situation, qui s’inscrit dans une tendance récente contrastée, interroge l’efficacité des politiques de remplacement, la gestion des ressources humaines et, plus largement, l’équité du service public d’éducation.
Un phénomène massif et durable dans les collèges publics
Dans les collèges publics français, les heures de cours non assurées représentent encore 9 % du volume total obligatoire sur l’année scolaire 2023-2024. Autrement dit, près d’une heure sur dix prévue dans les emplois du temps des collégiens n’a pas été dispensée. Selon la Cour des comptes, ce taux correspond à environ 10,3 millions d’heures d’enseignement perdues sur une seule année scolaire, un niveau qualifié de préoccupant par l’institution.
Toutefois, et c'est peut-être tout aussi inquiétant, cette proportion marque une légère amélioration par rapport aux exercices précédents. En 2022-2023, la part des heures de cours non assurées atteignait 11,2 %, tandis qu’elle s’établissait à 9,5 % en 2021-2022, selon les données consolidées par la Cour des comptes. Cette évolution traduit un reflux partiel, mais insuffisant, dans un contexte où les mesures de rattrapage étaient censées produire des effets plus visibles. La juridiction financière souligne ainsi que la tendance reste structurelle, malgré l’affichage d’objectifs politiques ambitieux.
Derrière ces chiffres nationaux, la réalité vécue par les élèves apparaît très inégale. Les heures de cours perdues ne se répartissent ni de manière homogène entre établissements ni de façon équitable entre territoires. La Cour des comptes observe que les collèges situés en zones d’éducation prioritaire concentrent une part plus élevée de cours non assurés, avec un taux atteignant 11 %, contre 8 % dans les établissements hors éducation prioritaire. Cette fracture territoriale renforce mécaniquement les inégalités scolaires, alors même que ces publics cumulent déjà davantage de difficultés sociales et éducatives.
Heures de cours et absentéisme enseignant : des causes identifiées mais mal traitées
La principale cause des heures de cours perdues demeure l’absence d’enseignants non remplacés. Selon la Cour des comptes, ces absences recouvrent des situations diverses, allant des arrêts maladie aux autorisations d’absence, en passant par les formations, les concours, les réunions institutionnelles ou encore les sorties pédagogiques. S’y ajoutent, de façon plus marginale, les fermetures temporaires d’établissements, qui représentent environ 1 % des heures perdues.
Face à ce constat, l’institution de la rue Cambon pointe une organisation du remplacement encore largement défaillante. Dans son rapport, elle estime que « des actions résolues restent à mener », soulignant que l’arsenal de mesures déployées n’a pas permis de réduire significativement le volume des heures de cours non assurées. Cette critique vise notamment le « Pacte enseignant », présenté comme un levier central depuis 2023 pour renforcer le remplacement de courte durée. Or, selon les magistrats financiers, « la hausse des crédits consacrés au remplacement ne s’est pas traduite par une réduction significative du temps d’enseignement perdu ».
L’impact de ces dysfonctionnements se révèle particulièrement marqué dans certaines disciplines. Les heures de cours perdues sont plus fréquentes dans les matières connaissant des tensions de recrutement persistantes, comme les mathématiques, le français, la technologie ou encore l’allemand. Cette concentration disciplinaire aggrave les lacunes pédagogiques, car elle touche souvent des enseignements fondamentaux dans les parcours scolaires. À cela s’ajoute une difficulté à mobiliser rapidement des enseignants remplaçants dans les zones géographiques jugées moins attractives, ce qui alimente un cercle vicieux d’absentéisme et de désorganisation.
Public et privé : une comparaison qui dérange
La Cour des comptes ne se limite pas aux seuls collèges publics lorsqu’elle analyse les heures de cours perdues. Elle évoque également, de manière plus ponctuelle, la situation dans l’enseignement privé sous contrat. Sans établir de chiffres strictement comparables à ceux du public, l’institution souligne que les mécanismes de remplacement y sont généralement plus réactifs, même si des absences existent également. Cette différence alimente un débat récurrent sur la capacité de pilotage du service public d’éducation.
Dans les collèges publics, la Cour rappelle que la difficulté ne réside pas uniquement dans le volume global des heures de cours perdues, mais aussi dans l’incapacité historique à en assurer un suivi précis et opérationnel. Elle note que, malgré des progrès récents dans les outils de mesure, le pilotage reste incomplet. Dès un précédent rapport, l’institution pointait déjà une incapacité à mesurer exhaustivement le temps d’enseignement perdu, limitant ainsi l’efficacité des réponses administratives et budgétaires.
Ce déficit de pilotage explique en partie la persistance du phénomène. Selon la Cour des comptes, « des choix restent à faire », notamment en matière d’allocation des moyens, d’incitations à la mobilité des enseignants et d’organisation du remplacement de courte durée. Tant que ces arbitrages structurels ne seront pas tranchés, les heures de cours non assurées continueront de peser sur la scolarité des élèves et sur la crédibilité de l’action publique en matière d’éducation.
