Hôpital public : après la crise sanitaire, comment retenir les soignants ?

Face à une crise d’attractivité sans précédent, l’hôpital public peine à retenir ses soignants. Une étude récente menée par OpinionWay révèle les attentes de ces professionnels à bout de souffle.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 24 janvier 2025 à 9h33
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56 %56 % des soignants affirment que la crise sanitaire a profondément transformé leur vision du travail.

Sortie le 22 janvier 2025, une étude réalisée par OpinionWay pour Indeed et la Fédération Hospitalière de France (FHF) met en lumière l’ampleur des difficultés rencontrées pour fidéliser le personnel hospitalier après la crise de la Covid-19. Entre attentes croissantes et initiatives RH mal perçues, les défis s’accumulent pour un secteur déjà fragilisé.

L’impact durable de la pandémie sur le bien-être des soignants à l'hôpital

Selon l’étude, plus de la moitié des soignants, soit 56 %, affirment que la crise sanitaire a profondément transformé leur vision du travail. Ces bouleversements ont souvent alimenté des désirs de reconversion professionnelle, exprimés par 49 % des répondants, tandis que 42 % d’entre eux ont envisagé sérieusement de quitter leur poste. Dans ce contexte, une attente importante se dégage : 73 % des soignants estiment que leurs employeurs doivent faire preuve d’une écoute accrue pour répondre à leurs besoins.

La perte de motivation ressentie par une large partie du personnel hospitalier trouve ses racines dans les conditions de travail éprouvantes vécues durant la pandémie. Applaudis par le grand public, mais insuffisamment soutenus au sein de leurs structures, les soignants ont dû faire face à un surmenage sans précédent. Ce déséquilibre, exacerbé par le manque de moyens, a profondément fragilisé un secteur déjà en tension avant 2020, rendant les missions encore plus complexes et décourageant les équipes.

Les raisons des départs des soignants

Les raisons qui poussent ces professionnels à envisager un départ reflètent des problématiques enracinées dans leur quotidien. Le sentiment d’un manque de reconnaissance constitue un facteur central. De nombreuses tensions liées à une ambiance de travail difficile et à une charge de travail jugée écrasante participent également à ce malaise.

S’ajoutent à cela un déséquilibre entre vie personnelle et professionnelle et un manque criant de moyens, qui aggravent le sentiment d’abandon. L’étude met en lumière une déconnexion inquiétante entre les employeurs et les équipes soignantes. Près d’un quart des responsables des ressources humaines reconnaissent ne pas tenir compte des nouvelles attentes de leurs salariés, et seulement 17 % affirment avoir véritablement ajusté leurs pratiques.

Cette fracture limite considérablement les efforts nécessaires pour répondre aux besoins des soignants et enrayer l’hémorragie des départs.

Des solutions RH en décalage avec les attentes

Les responsables des ressources humaines, confrontés à une crise d’attractivité sans précédent, ont axé leurs efforts sur plusieurs leviers. L’accès à des formations, cité par 63 % des professionnels RH, figure en tête des initiatives mises en avant pour retenir les soignants. D’autres mesures comme la mobilité interne (54 %) et le développement de bonnes pratiques managériales (48 %) viennent compléter cette stratégie.

Ces propositions, bien qu’essentielles, semblent néanmoins manquer leur cible. Pour 67 % des soignants, la priorité absolue reste l’augmentation de la rémunération. Ce critère, perçu comme fondamental par la majorité des employés, est souvent relégué au second plan par les employeurs.

La réorganisation des services : une utopie

D’autres attentes, comme une meilleure flexibilité des horaires ou des pratiques managériales plus adaptées, sont également sous-évaluées. Alors que 36 % des soignants mettent en avant la flexibilité comme un élément clé pour améliorer leur quotidien, seules 13 % des structures affirment avoir introduit des ajustements en ce sens. De la même manière, bien que 32 % des soignants réclament des progrès dans les pratiques de management, ces attentes sont encore loin d’être pleinement satisfaites. Ce décalage illustre une divergence profonde entre les priorités des employeurs et les attentes réelles des salariés, une fracture qui compromet l’efficacité des stratégies de fidélisation.

Un autre exemple de cette déconnexion se retrouve dans la gestion des plannings, un enjeu important pour 49 % des soignants. Pourtant, seuls 11 % des employés estiment que cette problématique a été réellement prise en compte, contre 39 % selon les responsables RH. Ce fossé entre perception et réalité ne se limite pas à cet aspect et mine la crédibilité des initiatives mises en place. Les incompréhensions qui en découlent nourrissent un climat de défiance et limitent l’impact des mesures déployées.

Quelles pistes pour inverser la tendance ?

Pour regagner la confiance des soignants, il est impératif de dépasser les seules considérations salariales et d’explorer d’autres leviers d’attractivité. Parmi les priorités exprimées, une amélioration de la communication interne se distingue. En effet, 41 % des soignants déclarent souhaiter un dialogue renforcé avec leur direction, afin de mieux comprendre les décisions prises et de se sentir davantage impliqués dans les orientations stratégiques de leur établissement. Une communication plus transparente pourrait contribuer à rétablir un lien de confiance souvent fragilisé.

L’instauration de davantage de flexibilité dans l’organisation du travail émerge comme une demande forte. La semaine de quatre jours, citée par 33 % des salariés, apparaît comme une solution attrayante dans un secteur où les horaires rigides sont monnaie courante. Cette mesure, encore peu répandue dans les établissements publics de santé, pourrait offrir un répit bienvenu aux équipes épuisées, tout en favorisant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Équilibrer charge de travail et moyens humains

La question de la surcharge de travail demeure également au cœur des préoccupations. Déjà problématique avant 2020, cette pression a atteint des niveaux critiques depuis la pandémie. Les établissements doivent impérativement prioriser le recrutement pour soulager les équipes en place et garantir des conditions de travail plus viables. Sans cet effort, l’équilibre entre les ressources humaines disponibles et les besoins croissants des patients restera un défi insurmontable, avec pour conséquence une démotivation accrue des soignants.

En investissant dans des solutions concrètes et adaptées, les hôpitaux peuvent espérer non seulement fidéliser leurs talents, mais également redonner du sens à des métiers en perte d’attractivité.

Une gestion de crise qui aurait pu tout changer

La pandémie de la Covid-19 a agi comme un révélateur des failles structurelles du système hospitalier. Pourtant, une gestion plus réactive et mieux anticipée dès les premiers mois aurait pu limiter les effets délétères sur le long terme. En investissant davantage dans des équipements, en renforçant les effectifs et en offrant un soutien psychologique immédiat aux soignants, les établissements auraient évité l’épuisement généralisé des équipes.

Aujourd’hui, les conséquences de ces lacunes se font encore sentir, avec des professionnels contraints de gérer des défis structurels exacerbés par des décisions tardives. Le poids de ces choix pèse lourd sur le quotidien des soignants, qui doivent affronter des problématiques directement liées à une crise que le système n’a pas su contenir à temps.

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Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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