L’industrie terrestre de l’armement connaît une transformation profonde et largement liée à l’arrivée d’un nouvel acteur financier : les fonds verts. Une enquête Mediapart / Voxeurope révèle qu’en 2025, des dizaines de milliards d’euros d’investissement durable irriguent le secteur militaire. Derrière cette découverte se cache un mouvement économique structurant, porté par les banques européennes et des industriels stratégiques.
Défense : les fonds verts, invités surprise dans l’industrie de l’armement

Un mécanisme financier qui change d’échelle
L’économie de la Défense évolue, et les fonds verts en sont désormais une pièce maîtresse. L’enquête publiée par Mediapart et Voxeurope montre qu’environ 50 milliards d’euros issus de produits financiers durables ont été dirigés vers des entreprises de l’armement en 2025. Ce phénomène n’est pas marginal : il concerne plus d’une centaine d’entreprises, dont de nombreux groupes européens spécialisés dans les équipements terrestres.
Ces placements répondent à des logiques économiques concrètes. Les besoins en armement explosent, les chaînes de production s’étendent et les États, confrontés à des contraintes budgétaires, cherchent des relais financiers. Les fonds verts représentent alors un mouvement opportun : ils apportent du capital privé à un secteur en modernisation accélérée.
Les banques européennes disposent d’un cadre réglementaire leur permettant de qualifier certains investissements militaires de "durables", à condition de justifier leur utilité sociale ou environnementale. Sur le plan économique, cela ouvre un accès élargi aux marchés et renforce la capacité des groupes industriels à planifier des programmes d’armement terrestres sur le long terme.
Banques françaises en première ligne : une stratégie assumée
Sur le terrain, plusieurs établissements financiers français se distinguent par leur contribution. L’enquête Mediapart / Voxeurope cite le Crédit agricole et sa filiale Amundi parmi les principaux financeurs de l’industrie militaire via des fonds verts. Ils sont suivis, dans une moindre mesure, par Eleva Capital, le Crédit mutuel, les Banques populaires et les Caisses d’épargne.
Derrière ces choix se cache un raisonnement économique clair : investir dans la Défense, c’est soutenir une filière à forte intensité technologique, résiliente face aux cycles économiques et génératrice d’emplois industriels. Les banques voient dans ces entreprises militaires un potentiel de rendement solide, associé à des perspectives de croissance durable.
Cette stratégie s’inscrit également dans un contexte géopolitique marqué par la hausse des commandes publiques et la nécessité d’accroître les capacités de production terrestre : blindés, systèmes d’artillerie, moteurs, munitions intelligentes… Les banques y identifient un marché sécurisant, structuré et aligné avec les politiques industrielles européennes.
Safran, illustration d’une nouvelle économie militaire
Au cœur de cette dynamique se trouve Safran. D’après les données publiées par Mediapart et Voxeurope, le groupe français spécialisé notamment dans les moteurs militaires et les drones serait l’un des premiers bénéficiaires de ces fonds verts. Les investissements reçus totaliseraient plusieurs milliards d’euros.
Safran incarne ce que devient l’économie terrestre de la Défense : un secteur qui combine innovation, rentabilité et stratégie industrielle. Ses activités couvrent des technologies essentielles aux forces terrestres et aériennes européennes. En bénéficiant de financements issus de fonds durables, le groupe dispose d’une capacité d’investissement renforcée pour diversifier sa production et sécuriser ses approvisionnements.
Cette situation illustre un point fondamental : la croissance de l’industrie armementaire ne repose plus uniquement sur les commandes étatiques. Les capitaux privés, via les fonds verts, jouent désormais un rôle déterminant dans la structuration de la filière militaire européenne.
