Inquiétant déclin de la natalité en France, danger pour les retraites

La démographie de la France est un peu compliquée à présenter, car en sus de la Métropole (65,8 millions d’habitants au 1er janvier 2023) les statisticiens distinguent deux catégories d’ensembles territoriaux : les 5 départements et régions d’outre-mer (DROM, 2,2 millions d’habitants), et les Collectivités d’Outre-mer (COM, 611 000 habitants). La plupart des statistiques disponibles portent sur l’ensemble métropole plus DROM, soit 68 millions d’habitants en janvier 2023.

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Par Alain Paillard et Jacques Bichot Publié le 25 septembre 2023 à 4h30
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30%Les femmes touchent une retraite en moyenne près de 30% inférieure aux hommes.

Le lent mais implacable recul de la natalité avant la « grande guerre »

Si nous passons de la statique à la dynamique, nous constatons que le nombre annuel de naissances a diminué, doucement mais inexorablement, au début du vingtième siècle, nettement avant la grande guerre 14-18. Il y eut en effet aux environs de 900 000 naissances par an au tout début du vingtième siècle ; un sommet à 917 000 fut atteint en 1901. Ensuite la diminution des naissances se mit en route, jusqu’à enfoncer à la baisse la barre des 800 000, avec 796 000 naissances en 1913.

Bien entendu, cette baisse s’accentua fortement durant les hostilités, jusqu’à seulement 385 000 naissances en 1916. La « grande guerre » fut un désastre démographique, non seulement du fait des décès qu’elle causa directement, mais aussi en raison de la très forte chute de la natalité.

La chute brutale des années 1970

En remontant le temps jusqu’aux années 1974-1975, nous découvrons une chute étonnante de la natalité : le nombre de naissances passa d’une année sur l’autre de 801 000 à 745 000 ! Mais la venue au monde de seulement 723 000 bébés en 2022 montre que la situation ne s’est pas améliorée : la France est loin d’avoir un réel dynamisme démographique. Il y a péril en la demeure ! Ne nous consolons pas en constatant que certains pays européens font pire que la France, expliquons plutôt à nos voisins européens que nous aurions tous intérêt à prendre le problème à bras le corps.

Le nombre de naissances, en France, est actuellement le plus faible depuis 1946

Certes, le « solde naturel », différence entre le nombre des naissances et celui des décès, est encore positif en 2022, les premières dépassant les seconds de 56 000, mais cette année 2022 remporte un triste record : celui du nombre de naissances le plus faible depuis 1946 ! La population française ne croît plus du fait d’une natalité convenable, mais parce que les progrès de la médecine et du niveau de vie parviennent à augmenter quasiment chaque année l’âge moyen au décès, et parce que le « solde migratoire » (nombre d’immigrants moins nombre d’émigrants) est fortement positif : environ 160 000 entrées annuelles nettes des sorties.

L’excédent de l’immigration sur l’émigration pose problème

Parler de « croissance de la population française » devient délicat : nous assistons surtout à un accroissement de la population étrangère ou d’origine étrangère vivant en France. Certes, notre pays possède une capacité d’assimilation des migrants qui est honorable, mais force est de constater que le miracle, en la matière, n’existe pas : une forte immigration requiert une forte capacité d’assimilation des nouveaux arrivants, et il n’est pas évident que tant les résidents que les nouveaux venus fassent tout ce qui serait utile pour réussir cette sorte de greffe démographique !

L’INSEE indique pour l’année 2019 une augmentation de 268 000 de la population résidant en France, dont 122 000 immigrés. Ceux-ci assurent donc 46 % de la croissance de la population résidente. Les soldes migratoires doivent aussi être pris en considération : en 2019 le nombre d’entrées en France comme immigré s’est élevé à 272 000 ; compte tenu des sorties, le solde migratoire s’établit en 2019 à + 182 OOO. Les flux migratoires les plus conséquents sont donc les venues en France. Ils se composent à peu près à égalité d’hommes et de femmes.

Il serait excessif d’évoquer, à propos de ces migrations, le spectre du « grand remplacement ». Néanmoins, l’Occident en général, et la France en particulier, devraient bien prendre en compte les difficultés que pose à long terme le remplacement progressif d’une population par une autre. La diversité est à la fois enrichissante et source de problèmes. Certes, les problèmes sont faits pour être affrontés et résolus, mais encore faut-il pour cela leur appliquer un traitement intelligent ! Actuellement, les dirigeants des pays européens paraissent plutôt subir que choisir : ce choix de la facilité à court terme risque fort de ne pas s’avérer excellent !

Payer beaucoup pour les aînés, c’est bien, mais pas au détriment des jeunes !

En soi, l’augmentation de la durée de vie moyenne constitue un important progrès. Mais les pressions, notamment syndicales, en faveur d’un âge de départ en retraite assez précoce, rendent difficile la politique du « troisième âge ». Accroître à la fois la durée des études et celle des retraites est peut-être possible si l’on s’y prend astucieusement, mais il faut bien réfléchir : comment faire pour que règne l’équité, pour que les droits à pension soient attribués à juste titre ?

La réponse à cette question est très simple, mais elle est souvent mal comprise ou ignorée, à commencer, hélas, par le législateur. La bonne réponse est, comme le disait et l’écrivait Alfred Sauvy : « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations vieillesse, mais par nos enfants ». En attribuant des droits à pension en raison des versements de cotisations destinées à l’entretien des retraités, le législateur a tout faux. Alfred Sauvy l’a bien expliqué : ce qui prépare la retraite de monsieur ou madame X, ce n’est pas le versement de cotisations servant à l’apurement de la dette contractée envers leurs aînés, c’est la mise au monde, l’entretien et l’éducation des nouvelles générations.

Notre législation des retraites est absurde, changeons-la !

En dissimulant cette réalité, en décidant que les versements de cotisations vieillesse destinées à financer les futures pensions doivent être récompensés par l’attribution de droits à pensions de retraite, nos législateurs ont commis une erreur dramatique. Comment les Français peuvent-ils croire qu’en versant des cotisations destinées aux retraités, ils préparent leur propre retraite ? Cette préparation ne peut être réalisée qu’en mettant au monde les futurs cotisants et en finançant leur formation. Il est grand temps que notre législateur le comprenne et en tire les conséquences !

Notre actuelle législation des retraites est un monument de sottise, il faut en changer ! Nous devons remplacer par des textes sérieux les lois et règlements relatifs aux retraites, puisque les dispositions qu’ils contiennent sont dépourvues de bon sens économique. Reconnaissons que la législation française actuelle relative aux retraites repose sur un principe ridicule : les droits à pension sont obtenus en raison et plus ou moins en proportion des sommes versées aux caisses de retraite et immédiatement distribuées aux retraités, comme si le fait d’acquitter une dette en payant des cotisations au profit des « anciens » préparait les pensions futures !

Alfred Sauvy a pourtant expliqué de façon simple et logique que nous ne préparons pas nos pensions en payant celles de nos aînés, mais en mettant des enfants au monde et en faisant tout ce qu’il faut pour qu’ils deviennent des actifs efficaces. Les actifs ne devraient donc pas se voir attribuer des droits à pension du fait qu’ils versent des cotisations vieillesse destinées à fournir des moyens d’existence à leurs aînés, mais en fonction de ce qu’ils font pour qu’il y ait suffisamment d’actifs, suffisamment bien formés, pour assurer leur entretien.

Beaucoup diront que nous préconisons une dangereuse révolution. Qu’il s’agisse d’une révolution, c’est exact. Mais le danger ne provient pas du changement utile et intelligent ; il tient au conservatisme bécasson qui nous détourne des solutions efficaces et simples dans leur principe !

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Autodidacte « à l'ancienne », Alain Paillard a toujours aimé les statistiques et s’est toujours intéressé à la démographie pour ce qu'elle peut apporter dans la connaissance des hommes. Après sept ans passés dans le privé, il est entré dans l'Administration et a terminé sa carrière au service des relations publiques. Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux Editions de l'Harmattan, de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres et de "La retraite en liberté" au Cherche Midi.

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