Interdiction des voitures thermiques en 2035 : l’UE change de stratégie

Longtemps présentée comme irréversible, l’interdiction des voitures thermiques neuves à partir de 2035 n’est plus un dogme européen. En révisant sa trajectoire, l’Union européenne modifie profondément l’avenir des voitures thermiques, des voitures électriques et du marché automobile, avec des conséquences concrètes pour les automobilistes et les industriels.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 18 décembre 2025 14h48
Interdiction Des Voitures Thermiques En 2035 Lue Change De Strategie
Interdiction des voitures thermiques en 2035 : l’UE change de stratégie - © Economie Matin

Le 16 décembre 2025, l’Union européenne a officiellement infléchi sa position sur les voitures thermiques. Alors que Bruxelles prévoyait jusqu’ici une interdiction totale de la vente de voitures thermiques neuves à partir de 2035, les institutions européennes ont acté un changement de cap. Cette décision, très attendue par les constructeurs, rebat les cartes du calendrier de sortie du moteur thermique, tout en maintenant un cap climatique révisé.

Un objectif climatique profondément revu

La décision prise par l’Union européenne marque un tournant majeur dans la politique encadrant les voitures thermiques. Initialement, le texte européen prévoyait une réduction de 100 % des émissions de CO₂ pour les voitures neuves à l’horizon 2035, ce qui revenait de facto à interdire la vente de véhicules thermiques. Désormais, Bruxelles vise une baisse de 90 % des émissions par rapport à 2021. Cette inflexion permet, en pratique, le maintien sur le marché de voitures thermiques et hybrides après 2035, sous conditions strictes.

Ce réajustement ne signifie pas un abandon total des objectifs climatiques. Au contraire, l’Union européenne affirme conserver le cap de la neutralité carbone en 2050. Cependant, elle reconnaît les limites opérationnelles du « tout électrique » dans les délais initialement fixés. Stéphane Séjourné, commissaire européen, a ainsi expliqué que « l’objectif reste le même », tout en assumant des « flexibilités pragmatiques » face aux difficultés rencontrées par les constructeurs et à l’adhésion encore incomplète des consommateurs.

Dans les faits, les constructeurs automobiles pourront continuer à vendre des voitures thermiques neuves après 2035, à condition de compenser les 10 % d’émissions restantes. Cette compensation reposera sur des mécanismes précis, notamment l’utilisation de crédits carbone, de matériaux industriels à faible empreinte carbone et, potentiellement, de carburants alternatifs. L’Argus précise ainsi que l’acier décarboné et certains carburants de synthèse figurent parmi les leviers envisagés pour respecter le nouveau cadre réglementaire européen.

Pourquoi l’UE assouplit l’interdiction des voitures thermiques

Ce revirement européen ne s’est pas produit en vase clos. Depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se multipliaient au sein de l’industrie automobile. Les ventes de voitures électriques progressent plus lentement qu’anticipé dans plusieurs pays européens, tandis que les marges des constructeurs sont sous pression. Reuters rapporte que l’Allemagne et l’Italie ont joué un rôle clé dans la remise en question du calendrier initial, plaidant pour une approche plus compatible avec la réalité industrielle et sociale du secteur automobile.

La concurrence internationale a également pesé lourd dans la décision de Bruxelles. Les constructeurs européens font face à une montée en puissance rapide des acteurs chinois de la voiture électrique, souvent soutenus par des politiques industrielles agressives. Dans ce contexte, imposer une sortie rapide et rigide des voitures thermiques risquait, selon plusieurs gouvernements, de fragiliser davantage la compétitivité européenne. Les représentants de l’industrie automobile ont insisté sur la nécessité de préserver les chaînes de valeur existantes et l’emploi, tout en poursuivant la transition énergétique.

Sur le plan politique, la question des voitures thermiques est devenue hautement sensible. Le calendrier de 2035 cristallisait des inquiétudes chez les automobilistes, notamment dans les zones rurales ou périurbaines, où l’accès aux voitures électriques reste limité par le prix et les infrastructures de recharge. En assouplissant l’interdiction, l’Union européenne cherche aussi à désamorcer une contestation sociale latente, sans renoncer totalement à ses ambitions environnementales.

Enfin, ce changement s’inscrit dans un contexte plus large de révisions du Pacte vert européen. L’interdiction des voitures thermiques constituait l’un des piliers emblématiques de cette stratégie climatique. Son assouplissement illustre un glissement progressif vers une écologie plus graduelle, intégrant davantage les contraintes économiques et industrielles.

Les conséquences pour les automobilistes, vendeurs et fabricants

Pour les automobilistes, la décision de l’Union européenne modifie sensiblement les perspectives à moyen terme. La vente de voitures thermiques neuves ne disparaîtra pas brutalement en 2035. Cela signifie que les consommateurs conserveront un choix plus large entre voitures thermiques, hybrides et voitures électriques. Toutefois, ce maintien ne sera pas neutre sur les prix. Les contraintes de compensation carbone imposées aux constructeurs pourraient renchérir le coût des voitures thermiques.

Du côté des vendeurs automobiles, cet assouplissement apporte une forme de visibilité. Les réseaux de distribution, qui redoutaient une transition trop rapide vers le tout électrique, pourront adapter progressivement leur offre et leur stratégie commerciale. Les flottes professionnelles devraient également bénéficier d’une transition plus souple, en conservant des solutions thermiques ou hybrides adaptées à certains usages spécifiques.

Pour les fabricants, enfin, la décision européenne ouvre une période de transition complexe. D’un côté, la pression réglementaire demeure forte : atteindre une réduction de 90 % des émissions de CO₂ reste un défi industriel majeur. De l’autre, la possibilité de continuer à produire des voitures thermiques après 2035 offre un répit stratégique. Les groupes comme Renault ou Stellantis peuvent ajuster leurs investissements entre voitures électriques, hybrides et technologies de décarbonation des moteurs thermiques.

Cependant, ce compromis n’efface pas les incertitudes. Les règles de compensation carbone devront encore être précisées, tout comme les critères d’éligibilité des carburants alternatifs. En outre, la Commission européenne envisage d’introduire des « super crédits » pour favoriser la production de petites voitures électriques fabriquées en Europe. Cette mesure pourrait accentuer la concurrence interne entre technologies, tout en orientant progressivement le marché vers des modèles zéro émission.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

No comment on «Interdiction des voitures thermiques en 2035 : l’UE change de stratégie»

Leave a comment

* Required fields