La conjoncture globale a ses caprices, et même les géants du luxe n’y échappent pas. Derrière les vitrines étincelantes, les chiffres s’effritent et les arbitrages tombent, souvent sans appel. Un fleuron français s’apprête à tailler dans ses effectifs. L’heure est grave, même pour le champagne.
1 000 suppressions de postes chez LVMH : le prix de la chute du cognac

Le mot « licenciement » résonne rarement dans les couloirs feutrés du secteur du luxe. Pourtant, le 1er mai 2025, Moët Hennessy, division vins et spiritueux du groupe LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy), a annoncé vouloir réduire sa masse salariale de 10 %. Un chiffre qui, derrière son apparente neutralité, pourrait représenter plus de 1 000 emplois supprimés, dans un contexte de recul économique et commercial persistant.
Licenciement massif chez Moët : un luxe devenu trop lourd ?
La nouvelle est tombée comme un bouchon de champagne… mais sans fête pour l’accompagner. Jean-Jacques Guiony, président-directeur général de Moët Hennessy, a annoncé vouloir revenir à la masse salariale de 2019. La méthode ? Non-remplacement des départs, gel des embauches, et extinction progressive des contrats temporaires, comme l’ont rapporté Les Échos le 1er mai 2025.
Selon le quotidien Charente Libre, cette décision concerne l’ensemble des 29 maisons regroupées au sein de la division, dont Hennessy, Moët & Chandon, Krug, Veuve Clicquot et Château d’Yquem. La Lettre indique que la direction aurait adressé une vidéo interne aux salariés, la veille du 1er mai 2025, dans laquelle Alexandre Arnault et Jean-Jacques Guiony exposaient cette stratégie de réduction des coûts à long terme. Plus de 1 000 postes sont ainsi menacés, une purge silencieuse mais implacable dans l’univers du prestige.
Crise : la baisse frappe fort chez LVMH
Le bilan financier est sans appel. En 2024, le chiffre d’affaires global du groupe LVMH a reculé à 84,683 milliards d’euros, contre 86,153 milliards en 2023. La division vins et spiritueux, elle, plonge de 11 %, à 5,862 milliards d’euros, selon les données officielles publiées sur lvmh.fr.
Le résultat opérationnel courant de cette division a chuté de 35,7 %, passant de 2,109 milliards d’euros en 2023 à 1,356 milliard en 2024. Et ce n’est pas tout : les volumes de cognac vendus, cœur battant de la Maison Hennessy, sont passés de 94,3 millions de bouteilles en 2022 à 80,8 millions en 2024. Un effondrement progressif et sans amortisseur.
Les raisons ? Chute des ventes aux États-Unis et en Chine, fermeture du marché russe, saturation de la demande premium, et concurrence croissante des spiritueux alternatifs comme la tequila sur le marché américain.
Crise du cognac et licenciement : un enchaînement fatal
Ce n’est pas un accident industriel mais une crise de filière. Le cognac, autrefois roi des exportations françaises, subit une violente désaffection sur ses marchés historiques. Charente Libre évoque une crise persistante du secteur, ayant déjà provoqué du chômage partiel chez Rémy Martin et Camus. Moët Hennessy n’est que le dernier à dégainer, mais peut-être pas le dernier à souffrir.
Fortune d’un homme, fragilité d’un empire ?
Pendant que les lignes budgétaires se serrent, la fortune de Bernard Arnault, président de LVMH, continue de prospérer. En avril 2025, selon Bloomberg, elle était estimée à plus de 150 milliards de dollars. Une somme vertigineuse, qui contraste avec les coupes sombres chez Moët Hennessy.
Faut-il rappeler que le groupe a investi plus de 1 milliard d’euros dans l’immobilier de prestige à Paris au cours des trois dernières années ? Dans un tel contexte, les suppressions de postes prennent un goût amer. Une coupe plus brutale que le meilleur des champagnes millésimés.
Le luxe a-t-il encore les moyens de ses ambitions ?
Ces suppressions de postes posent une question essentielle : le modèle économique du luxe patrimonial est-il durable face aux soubresauts géopolitiques et économiques ? Lorsque même Moët Hennessy doit sabrer dans ses effectifs, le signal est fort. Trop fort pour être ignoré. Les chiffres sont là, froids et implacables. Derrière les dorures, c’est désormais l’austérité qui s’invite à table.
