Mark 1 : la nouvelle arme low-cost de l’industrie européenne

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By Jehanne Duplaa Published on 13 novembre 2025 10h59
Mark 1 : la nouvelle arme low-cost de l’industrie européenne
Mark 1 : la nouvelle arme low-cost de l’industrie européenne - © Economie Matin
43 MILLE €Le coût unitaire du Mark 1, missile miniature conçu pour abattre les drones russes, est estimé à 43 000 euros

Le 12 novembre 2025, Frankenburg Technologies, société estonienne issue de l’écosystème balte, dévoile le Mark 1, un missile miniature conçu pour abattre les drones de la Russie. Derrière ce tube de 65 centimètres, long comme une baguette, se cache un pari financier inédit : produire des milliers d’armes intelligentes à prix plancher. Selon Le Figaro, le Mark 1 représente « un missile européen miniature et bon marché », capable de bouleverser les logiques industrielles de l’armement.

Un missile pensé pour l’économie de guerre européenne

Le Mark 1 n’est pas seulement une innovation technologique ; c’est un produit industriel conçu pour une guerre de volume. Son coût unitaire, estimé à 43 000 euros, selon les informations de Sud Ouest, contraste radicalement avec les missiles antiaériens traditionnels, qui peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros pièce. Des sources internationales, dont Interesting Engineering, évoquent même un prix cible autour de 50 000 dollars, soit environ vingt fois moins qu’un missile Patriot.

Cette différence illustre un changement doctrinal majeur : l’Europe n’essaie plus de produire le meilleur missile, mais le plus rentable. Dans un ciel saturé de drones russes, souvent fabriqués à bas coût, l’efficacité économique devient une dimension stratégique. Comme le souligne Kusti Salm, PDG de Frankenburg Technologies, cité par RBC-Ukraine : « Nous n’avons pas peur de dire que nous les fabriquons pour abattre les drones russes de longue portée. » L’entreprise assume donc une approche pragmatique : faire plus avec moins, sans renoncer à la performance.

Concrètement, le Mark 1 pèse moins de 5 kg, mesure 65 centimètres de long, et peut intercepter une cible dans un rayon d’environ 2 kilomètres, selon CNews. Sa petite ogive de 500 grammes n’en fait pas un projectile spectaculaire, mais sa légèreté permet une production accélérée et une logistique simplifiée. La société annonce pouvoir fabriquer dix fois plus d’unités qu’un missile classique, pour un coût dix fois inférieur. Cette proportion, confirmée sur le site officiel de Frankenburg, place le Mark 1 au cœur d’une stratégie d’économie de guerre : produire beaucoup, vite et localement.

Frankenburg Technologies : le modèle économique d’une défense distribuée

Derrière le Mark 1, se dessine un modèle industriel européen inédit. Basée à Tallinn, Frankenburg Technologies revendique des unités de production en Estonie, Lettonie, Lituanie, Ukraine, Danemark, Pologne et Royaume-Uni. Cette implantation éclatée constitue un maillage stratégique : elle réduit les dépendances, répartit les coûts et permet de contourner d’éventuels blocages logistiques.

Sur le plan économique, la société se positionne à mi-chemin entre le start-up studio et l’industriel de défense classique. Ses dirigeants parlent d’une production « modulaire », inspirée de l’industrie automobile : chaque Mark 1 est composé de sous-ensembles standardisés, imprimés en 3D, puis assemblés sur différents sites. Cette approche, issue du génie logiciel, permet d’ajuster rapidement la production selon les besoins opérationnels.

Selon Le Parisien, cette logique de « missile consommable » pourrait inspirer les grands programmes européens. Là où les États-majors misaient sur la sophistication, Frankenburg parie sur la reproductibilité. En réduisant la dépendance à une seule chaîne de montage, l’entreprise réinvente la résilience industrielle. C’est aussi une réponse directe à la stratégie de la Russie, qui fabrique des drones en masse grâce à des composants civils détournés.

La philosophie économique du Mark 1 est donc claire : produire des volumes suffisants pour absorber les pertes. Les marges sont faibles, mais la demande potentielle est immense. Si l’Ukraine valide le système lors de ses tests prévus fin 2025, plusieurs pays européens pourraient passer commande. Les premiers contrats envisagés par Tallinn concerneraient quelques centaines d’unités, soit un marché initial supérieur à 20 millions d’euros.

Le Mark 1, levier d’autonomie pour l’industrie européenne

Le Mark 1 traduit aussi une volonté politique : celle de construire une base industrielle européenne indépendante des grands fournisseurs américains. Depuis 2022, les programmes communs de munitions peinent à compenser la lenteur bureaucratique et la fragmentation des marchés. L’apparition d’un produit simple, exportable et compétitif répond à ce manque de cohérence.

Dans ce cadre, le Mark 1 s’impose comme un symbole d’autonomie économique. Avec un coût inférieur à 50 000 dollars, il rend possible une défense locale à moindre frais. L’Estonie, soutenue par plusieurs fonds nordiques, ambitionne de produire entre 10 000 et 15 000 missiles par an d’ici 2027. Ces chiffres, relayés par CNews, indiquent une montée en puissance rapide, reposant sur des technologies duales : composants civils, logiciels open source et assemblage semi-automatisé.

La dépendance à l’intelligence artificielle n’est pas qu’un choix technique : c’est aussi un choix économique. Le Mark 1 embarque un algorithme d’IA formé à partir d’images réelles de drones russes, ce qui réduit le besoin d’opérateurs et donc de coûts humains. Moins de personnel, plus de production : la productivité remplace ici la sophistication. CNews évoque une précision actuelle de 56 %, avec un objectif à 90 % d’ici un an. Cette progression logicielle continue, plutôt qu’un perfectionnement matériel, permet de maintenir des coûts fixes bas tout en améliorant les performances par simple mise à jour logicielle.

L’impact macro-économique est considérable. En rendant le missile antidrone « abordable », l’Estonie crée une nouvelle catégorie de produit dans l’économie de défense : la munition semi-jetable. Chaque tir coûte environ 43 000 euros, mais peut épargner plusieurs millions en infrastructures préservées. La valeur stratégique de cette rentabilité commence à intéresser d’autres États européens, notamment la Pologne et le Royaume-Uni, déjà associés au réseau industriel de Frankenburg Technologies.

Une nouvelle équation budgétaire face aux drones russes

L’efficacité du Mark 1 ne se mesure pas seulement à sa vitesse — 1 200 km/h, selon United24 Media — mais à sa rentabilité budgétaire. En comparaison, un missile Aster 30 coûte plus de 2 millions d’euros. Pour un même budget, une armée peut donc déployer près de 50 Mark 1, augmentant d’autant ses chances d’interception. C’est une bascule économique majeure : la défense devient accessible, scalable et distribuée.

Ce calcul répond directement à la stratégie d’usure de la Russie. Depuis 2022, les attaques de drones kamikazes visent à épuiser les stocks occidentaux coûteux. En proposant une réponse dix fois moins chère, Frankenburg Technologies réintroduit la notion de proportionnalité dans l’économie de guerre. La défense aérienne cesse d’être un luxe.

Selon les analyses reprises par RBC-Ukraine, le Mark 1 illustre un modèle où la dépense militaire se transforme en investissement productif. Chaque missile produit génère de l’emploi industriel local et renforce l’autonomie technologique européenne. Ce déplacement du centre de gravité économique — de la R&D vers la production — marque peut-être la naissance d’une nouvelle économie de défense, moins dépendante des géants traditionnels et plus ouverte aux start-ups régionales.

Enfin, l’approche modulaire du Mark 1 ouvre des perspectives d’exportation. Son architecture simplifiée permet d’adapter les composants à différents cadres légaux, facilitant la vente à des alliés hors OTAN. Pour l’Europe, c’est aussi un levier de souveraineté : générer des revenus d’exportation tout en renforçant la sécurité collective.

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