Naf Naf : vous ne verrez plus aucune boutique (mais la marque est sauvée)

Le jeudi 7 août 2025 marque une nouvelle page difficile dans l’histoire tourmentée de Naf Naf. Placée une nouvelle fois en redressement judiciaire au mois de mai 2025, l’enseigne emblématique du prêt-à-porter féminin a vu son sort scellé par le tribunal de commerce de Bobigny, qui a validé l’offre de reprise du groupe Beaumanoir.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 7 août 2025 14h42
Naf Naf : l'entreprise française passe sous pavillon turc, 90% des emplois préservés
Naf Naf : vous ne verrez plus aucune boutique (mais la marque est sauvée) - © Economie Matin
1%En 2024, le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 2,5 %, mais la consommation n’a augmenté que de 1 %.

Naf Naf : une marque emblématique à nouveau fragilisée

Créée en 1973, Naf Naf a longtemps incarné une mode accessible et audacieuse, notamment dans les années 1990. Pourtant, ces dernières années, l’enseigne a accumulé les déconvenues. Après une reprise par le groupe turc Migiboy Tekstil en juin 2024, qui s’était engagé à conserver 90 % des emplois et près d’une centaine de boutiques, la situation financière s’est rapidement détériorée. Le manque d’adhésion du public, la perception d’une baisse de qualité, ainsi qu’une hausse des prix ont accéléré la chute. En mai 2025, Naf Naf était de nouveau placée sous redressement judiciaire, pour la troisième fois depuis 2020.

La décision du tribunal : Beaumanoir plutôt qu’Amoniss

Le tribunal de commerce de Bobigny était saisi de deux offres concurrentes :

  • Amoniss, qui proposait de reprendre jusqu’à 185 salariés et de reclasser 26 autres, mais dont la fragilité financière — le groupe est lui-même en plan de sauvegarde depuis octobre 2024 — a conduit à l’exclusion de son offre.
  • Beaumanoir, groupe breton déjà propriétaire des enseignes Bonobo, Cache-Cache ou encore Caroll, a proposé une reprise plus restreinte, mais jugée financièrement solide. Le groupe dispose de 365 millions d’euros de fonds propres et d’une trésorerie de 187 millions d’euros, selon les éléments présentés au tribunal.

C’est donc l’offre de Beaumanoir qui a été retenue, bien que celle-ci ne prévoie que la reprise de 55 salariés sur les 588 employés actuels, auxquels s’ajoutent 253 propositions de reclassement au sein des autres marques du groupe. Seules 12 boutiques sur les 102 existantes seront maintenues, et encore, non pas sous l’enseigne Naf Naf, mais réaffectées à d'autres marques de Beaumanoir.

Des centaines d’emplois détruits

La CFDT n’a pas mâché ses mots en réaction à la décision. Elle évoque une reprise « d’un nombre très limité de magasins et de salariés » et dénonce ce qui s’apparente, selon elle, à « une offre liquidative », relaye Le Figaro. La réalité des chiffres lui donne en partie raison : près de 300 postes seraient directement supprimés, tandis que les propositions de reclassement ne garantissent ni maintien géographique, ni continuité des postes ou statuts. L’inquiétude est d’autant plus grande que de nombreux magasins avaient déjà anticipé leur fermeture dès les jours précédant le jugement, révélant l’ampleur de l’impact sur le terrain.

De son côté, Beaumanoir se félicite de cette opération. Le groupe, qui a également racheté en juin 2025 une partie de Jennyfer (sauvant alors un tiers des 1000 emplois menacés), poursuit sa stratégie d’expansion rapide dans un secteur en mutation. Dans un communiqué, il affirme être « fier d’avoir racheté Naf Naf », une marque qu’il décrit comme « audacieuse et féminine, véritable phénomène de mode des années 90 », dotée d’« une image positive forte ancrée dans le cœur des Français ».

Mais derrière cette communication valorisante, le contenu de l’offre illustre plutôt une logique de sélection stratégique d’actifs, que ce soit en termes de points de vente ou de main-d’œuvre. Les 12 boutiques reprises l’ont été, selon Beaumanoir, pour « leur emplacement stratégique permettant de renforcer le maillage territorial de ses marques actuelles », et non pour assurer la pérennité de Naf Naf en tant que telle.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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