Qui est le nouveau chef de l’Agence des participations de l’État ?

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Par Emma Simon Modifié le 29 novembre 2022 à 10h08

Succédant à David Azéma à la tête de l'Agence des participations de l'Etat (APE), Régis Turrini est presque inconnu du grand public. Dans les semaines qui suivent il va pourtant devoir gérer les successions des patrons de trois des plus grandes entreprises du pays : EDF, GDF et Areva. Plus que les destins d'Henri Proglio, Gérard Mestrallet et Luc Oursel, c'est une partie de l'avenir économique français qu'il tient entre ses mains aujourd'hui.

David Azéma a quitté la direction de l'Agence des participations de l'État (APE) en juillet dernier pour rejoindre la Bank of America Merril Lynch. S'il est connu pour s'être occupé de dossiers comme EADS, PSA ou encore Alstom, il a véritablement marqué l'APE par sa réorganisation de l'Agence en directions thématiques. Une réorganisation encore en marche aujourd'hui, pour laquelle son successeur, Régis Terrini, hérite de la tâche la plus ardue. « Régis Turrini aura pour mission d'amplifier le mouvement de modernisation (de l'APE) » déclarait Bercy en juillet dernier alors que l'Agence faisait « le constat de l'empilement, des incohérences, de l'inutile complexité ou des lacunes des règles applicables à l'État actionnaire ». Un défi de taille pour l'ancien directeur des fusions et acquisitions de Vivendi au profil très différent de son prédécesseur.

Un profil atypique, spécialisé dans les fusions acquisitions

David Azéma, c'était le profil idéal. Numéro deux de la SNCF, secondant Guillaume Pepy, il s'était taillé un costume sur-mesure pour le poste de patron de l'APE. Régis Turrini de son côté n'a à première vue pas le même charisme professionnel. Son surnom a d'ailleurs vite été trouvé selon un proche de Matignon, « Turrini ? C'est Mr Nobody ». L'énarque de 55 ans n'en est pourtant pas à son premier portefeuille de participations. La vente de Vivendi Universal Publishing, de VivendiNet, des filiales internationales de Canal+ et plus récemment le rachat de SFR par Numericable, après 11 années passées chez Vivendi et plus de 150 opérations réalisées, il a piloté de nombreuses ventes et est loin de faire ses premiers pas dans le domaine.

Pour autant, son absence de poids sur la scène politique française lui est souvent reprochée, certains allant même jusqu'à redouter de le retrouver dans le rôle de simple exécutant des décisions de l'Élysée, sans influence particulière. Une erreur alors que ce dernier n'a pas hésité à aller à l'encontre des désirs du Gouvernement ces derniers mois. En début d'année, tandis qu'Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, soutenait corps et âme la proposition de Bouygues pour le rachat de SFR, Régis Turrini n'a pas hésité à contredire son ancien camarade de la fac de droit et son choix l'a emporté ; Vivendi a choisi Numericable pour le rachat de son opérateur. Résultat : alors que Bouygues Télécom s'enfonce dans les méandres de la crise, Numericable/SFR est le leader du marché du très haut débit en France et concurrence même des géants américains comme Netflix avec son offre de SVOD qui devrait sortir prochainement, Serieflix. Régis Turrini sait tenir tête au Gouvernement, particulièrement quand il sait qu'il prend la bonne décision.

La succession d'Henri Proglio : première étape d'un agenda de ministre

Il l'a d'ailleurs rapidement précisé à Emmanuel Macron et Michel Sapin, ses ministres des tutelles : si l'Agence des participations de l'État n'a pas le dernier mot dans les décisions finales de nominations, elle se doit de jouer un rôle primordial d'éclaireur. Il a également rappelé son principal atout : « sa présence dans les conseils d'administration lui permet de développer une connaissance intime des entreprises et de leur management ». Il a en effet vécu chez Vivendi la période post-Messier et assisté à l'arrivée à la tête du groupe de Vincent Bolloré. Les coulisses des rachats d'entreprises ne semblent plus avoir de secret pour lui et c'est tant mieux. Pour autant, ce qui l'attend en tant que patron de l'APE est loin d'être une mince affaire et la moindre erreur pourrait avoir de graves conséquences.

Entre le changement de gouvernance chez Areva, la succession de Gérard Mestrallet chez GDF Suez et la fin du mandat d'Henri Proglio chez EDF, Régis Turrini se retrouve face à une pile de dossiers pour le moins cruciaux pour l'avenir économique de la France, mais pas seulement. Les programmes de dirigeants d'entreprises comme EDF ou GDF ont non seulement un impact économique sur l'emploi et la croissance, mais également des conséquences environnementales et politiques. Henri Proglio, pour le moment à la tête d'EDF et candidat à sa propre succession, soutient par exemple le projet de loi sur la transition énergétique, qu'il décrit comme « équilibré puisqu'il n'oppose pas les énergies, mais souligne leur complémentarité ». Un bon point pour Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, qui pourrait déchanter si le futur PDG d'EDF n'est pas du même avis. Difficile de mener à bien un projet de loi qui demande entre autres de porter d'ici 2030 à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale du pays si le premier électricien de France y met de la mauvaise volonté.

Si Régis Turrini n'avait déjà pas le droit à l'erreur chez Vivendi, à la tête de l'APE, il gère un portefeuille d'une autre envergure. En avril 2014, la valeur des participations de l'État atteignait les 110 milliards d'euros. Autant dire que ses décisions, bien qu'elles ne soient pas parole d'Évangile, seront scrutées de toutes parts, par les hommes et femmes politiques du pays, mais également par les Français, dont l'indulgence face aux décisions politiques aujourd'hui n'est pas la principale qualité.

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Ancienne chargée d'études marketing pour un grand groupe canadien, Emma Simon est revenue en France travailler à son compte il y a quelques années. Elle met aujourd'hui sa connaissance des marchés au service de ses analyses sur l'avenir de nos entreprises.      

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