La commande SNCF à Alstom ? une aide d’Etat qui ne plaira pas à Bruxelles

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 16 février 2017 à 7h17
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70 MILLIONS €La SNCF paye chaque année 70 millions d'euros à l'Etat au titre de la contribution de solidarité territoriale.

Les TGV que le gouvernement avait promis d’acheter à Alstom pour sauver l’usine de Belfort ne seront finalement pas achetés par l’Etat, et d’ailleurs, ils ne rouleront pas non plus sur les lignes intercités comme prévu jusqu’ici. C’est à ne plus rien y comprendre.

Attendez que Bruxelles s’en mêle...

Vous voulez connaître le nom du prochain arrêt pour ces trains, un arrêt qui ne figure pas sur la fiche horaire mais est quasiment inéluctable ? c’est la station : « Bruxelles Commission Européenne ». Un arrêt où ne monteront ni ne descendront de voyageurs mais où attendent les contrôleurs des autorités européennes de la concurrence. Ils ne vont certainement pas accepter les cartes de réduction promises par le gouvernement à la SNCF afin de lui permettre d’acheter ces TGV sans débourser un rond.

Si vous avez raté le début de « le train sera sifflé trois fois », petit rappel rapide :

En septembre dernier, le gouvernement promet donc à Alstom d’acheter des TGV pour sauver l’usine de Belfort - qui ne fabrique au passage, que des locomotives et pas des rames entières, mais ce n’est qu’un détail. Pour justifier l’achat de trains en direct, le gouvernement explique en avoir besoin pour les lignes intercités dont il est responsable, aménagement du territoire oblige.

Pour acheter les trains sans appel d’offres, le gouvernement se réfugie derrière un contrat cadre qui lie la SNCF à Alstom.

Quelques semaines passent, et un rapport rédigé par un haut fonctionnaire quelconque à Bercy ou dans un autre ministère explique au gouvernement, en prenant des pincettes, que non, le montage juridique est intenable : l’État français ne peut pas acheter des trains à Alstom sans passer par une procédure d’appel d’offres. C’est la loi. Pourtant, jusqu’ici, le gouvernement arguait de l’existence d’un contrat cadre entre la SNCF et Alstom qui aurait permis de glisser une commande de trains supplémentaires à l’intérieur.

Dernier épisode : c’est la SNCF qui va acheter ces trains, alors qu’elle a toujours refusé de le faire jusqu’ici.

Mais pour lui faire passer la pilule, l’État a promis de réduire le montant d’une taxe, la « contribution de solidarité territoriale », taxe que la SNCF paye tous les ans pour compenser le déficit des lignes Intercités. C’est là que l’on admire la créativité de certains : la SNCF exploite les lignes Intercités pour le compte de l’État, ces lignes sont déficitaires, on prélève donc une taxe sur la SNCF, pour combler ce déficit, chapeau les artistes.

La commande de 15 TGV, c’est une facture de plus de 400 millions d’euros ? Pas de problème, on va donc baisser la fameuse taxe en question, afin de faire économiser 350 millions d’euros à la SNCF sur 5 ans. A ça s'ajoutent 150 millions d'économies pour le transporteur, le coût supposé de la rénovation de 24 TGV à étage simple un peu vétustes, et voilà que la SNCF récupère 500 millions d'euros.

Ni vu ni connu, les trains sont donc « gratuits pour la SNCF » qui pourra les faire circuler entre Paris et Bordeaux sur la nouvelle LGV. En plus, comme ce sont des trains à 2 étages, ils ont plus de places que les TGV qui circulent actuellement sur la ligne TGV Atlantique... Et tout le monde est content. Ou presque.

Évidemment ce tour de passe-passe ne va pas plaire à Bruxelles, qui va y déceler une aide d’État déguisée ; surtout que toute cette histoire, les Commissaires européens n’auront pas besoin de gratter beaucoup pour en connaître les tenants et les aboutissants, tout est dans la presse depuis bientôt 6 mois.

Ces 15 TGV ne sont pas encore commandés, loin s’en faut, et l’usine Alstom de Belfort, pas encore sauvée... en tout cas, ce n’est pas comme ça qu’elle le sera.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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