Hollande et la politique familiale : courage fuyons

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 5 juin 2013 à 4h56

Courage fuyons. Le gouvernement a finalement choisi de raboter le quotient familial pour apporter un complément de recettes aux allocations familiales. Ce qui revient à augmenter l'impôt.

C'est le plus mauvais signal que le gouvernement pouvait envoyer sur la façon dont il envisage de rééquilibrer le système économique et budgétaire. Il peut toujours annoncer des réformes en profondeur, durables et structurelles, il peut toujours multiplier les engagements budgétaires. Mais la solution retenue pour redresser le financement de la branche famille de la sécurité sociale passera par une augmentation de l'impôt direct via une baisse de ce quotient familial.

Le gouvernement a donc choisi le moyen le plus facile, le moins dérangeant politiquement. Bref, le moins courageux. Il s'exonère d'un débat compliqué pour deux raisons.
D'une part, parce que l'on ne sait pas si le système d'allocations familiales, et surtout son principe d'universalité, expliquent la bonne santé de notre démographie. Après tout, on peut s'interroger. Les économistes ont du mal à croire que si les Français font plus d'enfants que les autres pays européens c'est principalement parce qu'on les paie. En revanche, ils font très certainement des enfants parce qu'il y a un environnement, des équipements et un écosystème très favorable. Cet écosystème est en partie, le produit de la politique familiale mais pas seulement.

D'autre part, parce que le mode de calcul des allocations familiales est sujet à débat. On peut s'interroger sur le bien fondé d'une aide publique qui va aux ménages aisés comme aux autres. Le principe d'universalité, c'est bien mais il soulève forcement une question d'équité surtout en période de vaches maigres.

Le gouvernement n'a pas voulu ouvrir le dossier de la politique familiale, sa finalité, ses objectifs. Il s'est contenté de colmater des brèches qu'il a lui-même ouvertes. Le déficit de la branche famille de la sécurité sociale n'est pas imputable au système des allocations familiales mais il est lié à la ponction faite par l'État pour financer certains régimes de retraites en difficulté.

Cela étant, ce n'est pas la question. Le vrai sujet c'est qu'une fois de plus, en dépit des promesses et des engagements, le gouvernement augmente la pression fiscale directe sur 20% des contribuables qui n'iront sans doute pas manifester dans la rue. Il faut savoir que l'impôt direct sur le revenu n'est payé que par la moitie des contribuables. D'autre part, 80% de l'impôt est payé par 20% seulement des assujettis. Le rabotage du quotient familial va donc encore plus les décourager de travailler ou les pousser à chercher des formules d'optimisation ailleurs. « Les hauts taux tuent les totaux », disait Arthur Laffer.

On est arrivé à un stade de prélèvement direct qui impacte directement l'activité. A partir du moment où le gouvernement voulait préserver le modèle social, il avait deux autres solutions.
Un, il pouvait très bien trouver des moyens, en dégageant des économies de dépenses publiques ou en cherchant des gains de productivité dans les services publiques et sociaux. Après tout, un service public peut très bien dégager des gains de productivité exactement comme une entreprise. Produire plus et mieux pour moins cher.

C'est une logique qui ne passe pas forcement par la réduction de personnel. Seulement ça demande quelques discussions pédagogiques et douloureuses avec les fonctionnaires. Et les fonctionnaires, c'est le cœur de l'électorat. Comme on ne touche pas au cœur de l'électorat...on touche à coté.

Deux, il pouvait aussi réfléchir à d'autres recettes comme la TVA. Cela aurait permis d'alléger le coût global du travail, donc d'améliorer la compétitivité. Cela dit, cette formule ressemblait tellement au projet de TVA sociale projeté par Nicolas Sarkozy, qu'il n'était sans doute même pas question d'en parler ou même d'y penser. Le choc de compétitivité passe par d'autres voies.

Pour l'avenir, cette aggravation de la fiscalité directe est évidemment un très mauvais signal. Elle signifie qu'à chaque fois que le gouvernement aura besoin d'un ajustement financier, il passera par l'impôt.

On ne voit pas pourquoi et comment, la prochaine loi de finances qui sera préparée à l'automne, et qui devra impérativement préparer le retour dans les normes budgétaires d'ici 2015, ne passera pas par la case « impôts ». Si le gouvernement avait d'autres projets, ça se saurait...

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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