Chaises musicales européennes

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Par Stéphane Déo Modifié le 12 novembre 2018 à 12h08
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3,1%Le rapport sur l?emploi récent montre une hausse des salaires de 3,1%.

Inflation aux Etats-Unis, la situation durants les 12 prochains mois en Europe, BCE, CDU, Elections européennes, voici le point de marché.

Point de marché : Pourquoi faut-il avoir peur de l’inflation aux Etats-Unis ?

Si l’inflation est restée très sage jusqu’à présent, le fameux « mystère » de Janet Yellen, les signes d’un possible point d’inflexion se multiplient. En trois étapes, voilà pourquoi les marchés pourraient être impactés dans les trimestres qui viennent.

Première étape : un marché de l’emploi très tendu aux Etats-Unis

Le rapport sur l’emploi récent montre une hausse des salaires de 3,1%, c’est la première fois que le chiffre dépasse les 3% depuis 2009. Mais surtout, en prenant la définition précédente des salaires, qui donnent des chiffres depuis les années 1980, on trouve que l’accélération sur les 12 derniers mois, 1 ppt de gagné, est très forte. Il faut aller chercher les épisodes de 2006, 1997 ou la fin des années 1980 pour trouver semblable accélération.

D’autre part les tensions continuent de monter et montrent que le pouvoir de négociation passe de l’employeur vers l’employé : difficultés de recruter pour les PMEs au plus haut historique, temps de recherche d’un candidat par les entreprises pour une embauche au plus haut historique, différence des offres d’emplois et des créations au plus haut historique, etc…

Bref l’inflation salariale devrait très certainement progresser.

Deuxième étape : impact sur l’inflation à la consommation

Si pour l’instant l’indice des prix reste sage, il existe une relation très stable entre salaires et inflation sous-jacente, en particulier dans les services. Une grande partie des coûts dans les services sont des coûts salariaux. Ceci explique cela. Certes, la baisse du pétrole devrait faire baisser l’inflation temporairement, mais à un horizon de 3 à 6 mois, l’inflation dans les services sera de manière quasi-certaine orientée à la hausse.

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Troisième étape : des marchés inhabituellement nerveux

Avec une inflation jusqu’à présent atone, les marchés réagissent finalement peu. Mais ceci est trompeur, à y regarder de plus près, et avec un peu d’économétrie, on voit qu’à surprises d’inflation équivalentes la réaction des marchés est inhabituellement élevée : les marchés ont tendance à sur-réagir lorsque l’inflation bouge. Témoin la réaction au dernier rapport sur l’emploi, 9 pdb de mouvement sur le 10-ans américain et donc une bourse à la baisse. On entre dans la phase où « les bonnes nouvelles sont des mauvaises nouvelles », le marché a peur d’une surchauffe lorsque les données sont trop fortes.

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Dit autrement, il n’est pas besoin de surprises importantes d’inflation pour déstabiliser le marché et faire monter les taux. Le marché est particulièrement instable et nerveux sur le sujet.

Les 12 prochains mois en Europe

Calme plat ce week-end, les économistes n’ont aucune donnée importante à se mettre sous la dent, même pas un tweet de Donald à commenter. Profitons-en pour lever le nez du guidon : les 12 prochains mois vont voir beaucoup de changement à la tête de l’exécutif européen.

Voici un calendrier prédictif :

Conseil de Supervision de la BCE – Maintenant

Quoi : le Conseil de Supervision de la BCE est l’organe de supervision bancaire. La française Danièle Nouy en occupait la présidence depuis 2014.

Qui : sur proposition de la BCE, et après suggestion du Parlement Européen, l’italien Andrea Enria devrait être validé par le Parlement Européen puis par le Conseil (les chefs d’Etat).

Quand : imminent, le mandat de Danièle Nouy s’achève cette année.

Président de la CDU – Décembre

Quoi : la CDU doit se donner un nouveau président pour succéder à Angela Merkel.

Qui : Annefret Kramp-Karrenbauer, la candidate adoubée par Merkel, est en tête des sondages avec 1/3 des intentions de votes, mais elle est talonnée par Friedrich Merz (« back from the dead » dixit The Economist de ce weekend). Les deux font campagne sur des thèses très pro-Européennes et ne devraient pas créer d’inflexions majeures à la politique allemande.

Quand : le congrès est en décembre.

Membre du directoire de la BCE – 31 mai 2019

Quoi : le directoire de la BCE comporte 6 membres, l’un d’eux est en charge de l’économie. A l’heure actuelle c’est le Belge Peter Praet qui occupe ce poste. Son mandat arrive à terme le 31 mai 2019.

Qui : l’irlandais Philip Lane, le gouverneur de la banque centrale d’Irlande, était en ligne pour le poste de vice-président qui a été raflé cette année par l’espagnol de Guindos, l’Irlande avait aussi son candidat au Conseil de Supervision. Philip Lane est donc maintenant le candidat le plus probable pour remplacer Peter Praet. A noter de surcroit, l’Irlande est le seul pays membre de l’Euro dès le lancement qui n’a pas encore eu de membre au directoire de la BCE.

Quand : la décision sera probablement prise au cours du mois de février (Peter Praet avait été choisi le 14 février).

Elections Européennes – du 23 au 26 mai

Quoi : au-delà des élections qui vont redéfinir le parlement, il s’agit aussi, en conséquence de désigner le nouveau président de la Commission.

Qui : le PPE, le groupement de partis qui détient la majorité depuis des lustres, a choisi son candidat. Il s’agit de l’Allemand Manfred Weber de la CSU. A noter, ce serait le premier président allemand de la Commission depuis Walter Hallstein en 1958-1967.

Quand : élections du 23 au 26 mai (tous les pays ne votent pas le même jour, la France vote le dimanche 26). Désignation du président de la Commission très probablement avant l’été.

Président de la BCE – 31 octobre 2019

Quoi : un très gros morceau, le mandat de 8 ans de Mario Draghi s’achève le 31 octobre 2019. Comme tous les membres du directoire de la BCE, il n’a pas le droit d’être reconduit.

Qui : la nomination de Luis de Guindos, ex. Ministre des Finances espagnol, comme vice-président pousse tous les analystes à attendre un homme « du nord » à la tête de la BCE. Un allemand ? Peut-être puisque l’Allemagne n’a toujours pas eu la présidence. Sauf que si Weber arrive à la présidence de la Commission, cela ferait beaucoup pour l‘Allemagne qui a aussi la présidence du Mécanisme Européen de Stabilité (Klaus Regling), de la Banque Européenne d’Investissement (Werner Hoyer), de la Cours des Comptes (Klaus-Heiner Lehne), du Conseil de résolution unique de l’Union Bancaire (Elke Konig). Par ailleurs les allemands président aussi les groupes PPE, les socialistes et les verts au Parlement (ce qui peut certes changer après les élections). Reste à chercher ailleurs, dans ce cas on voit deux options. Soit le finlandais Erkki Liikanen, soit … un français. Après les 8 ans de Trichet la France part certes avec un handicap. Mais l’abandon en rase campagne de la candidature du très compétent Robert Ophèle pour le poste de président du Conseil de de Supervision semble montrer que la diplomatie française veut « pêcher le gros » et a des plans plus ambitieux en tête.

Quand : le terme du mandat de Draghi est officiellement le 31 octobre 2019, il faut attendre une décision rapidement après la nomination du président de la Commission. Soit fin de l’été.

Membre du directoire de la BCE – 31 décembre 2019

Quoi : le mandat de Benoit Coeure arrive à terme le 31 décembre 2019.

Qui : là c’est vraiment très compliqué car cela dépend de la nationalité du président de la BCE, qui dépend de la nationalité du président de la Commission, qui dépend du résultat des élections. Bref nous verrons bien.

Quand : quatrième trimestre 2019, probablement en novembre après l’installation du nouveau président de la BCE.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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