Rapport Gallois : trois idées reçues sur la compétitivité

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Par Eric Verhaeghe Publié le 5 novembre 2012 à 10h52

Le débat qui entoure le rapport Gallois sur la compétitivité est assez drolatique, puisqu’il porte sur un sujet que très peu d’économistes pourraient modéliser scientifiquement.

La compétitivité est en effet une notion obscure qui parle à l’intuition : notre pays est plus ou moins bon dans la compétition économique que ses voisins (comme il serait plus ou moins bon en sport par exemple). Mais que signifie être meilleur économiquement que ses voisins ? Voilà un sujet de débat interminable qu’il vaut mieux ne pas ouvrir au repas familial du dimanche, car on est sûr de terminer le dessert en eau de boudin et de ne plus se revoir avant un bon moment. En réalité, le débat sur la compétitivité fonctionne sur des idées reçues qui méritent un petit décapage.

Première idée reçue : la compétitivité est une notion abstraite. Ce sentiment attisé par les économistes laisse croire que la compétitivité résulte de calculs compliqués, utilisant une série de variables obscures que seul un titulaire de médaille Field pourrait manier. Et, à l’issue d’opérations mathématiques complexes, il serait prouvé que le coût du travail en France est trop élevé, donc participe de la désindustrialisation.

Idée fausse bien entendu : la compétitivité n’est rien d’autre que la capacité de nos produits à soutenir la concurrence de ses voisins étrangers. Cette notion est tout ce qu’il y a de plus simple et peut se résumer ainsi: pourquoi des étrangers n’achètent-ils pas plus de produits français? Et pourquoi les Français achètent-ils tant de produits étrangers?

Deuxième idée reçue : la compétitivité se limite au prix de vente. Cette croyance naïve conduit à imaginer qu’en baissant son prix, on vend plus. Un exemple très concret montre le contraire: vous voulez offrir un très beau cadeau à votre femme pour vos dix ans de mariage, et vous pensez à une voiture. Testez auprès d’elle : demandez-lui quel modèle elle souhaite. Dans une majorité de cas, elle vous dira une Audi, et parfois une Toyota Yaris. Deux modèles étrangers... Aux prix très différents.

Maintenant, reposez-lui la question en lui demandant de choisir entre une Audi A1 et une Citroën DS3. Majoritairement, elle vous dira: une Audi A1. Pourtant, à performances moindres et gamme égale, l’Audi A1 coûte 10 % plus cher et dispose d’un plus petit coffre à bagages. Cet exemple simple permet de poser très directement la question qui fâche: pourquoi, avec des prix supérieurs à celui des voitures françaises, les marques allemandes vendent-elles plus que les nôtres ?

Cette question, qui est celle de la compétitivité, ne se résume pas au prix, mais fait intervenir une multitude de critères de choix très différents, comme la qualité, le prestige, l’envie. Les marques françaises pourront baisser leur prix tant qu’elles le voudront, rien n’y fera.

Troisième idée reçue : la compétitivité se limite au coût du travail. Cette idée répandue dans les débats actuels sur la compétitivité française ne tient aucun compte de la structure des prix des produits vendus à l’exportation. Pour reprendre l’exemple de l’automobile, les études de coût montrent que la main-d’oeuvre ne représente que 15 ou 20 % du prix final de la voiture. Autrement dit, une DS3 vendue 20 000 euros n’intègre pas plus de 4 000 euros de coût de main-d’oeuvre. Diminuer le coût du travail de 10 % permet donc de la vendre 400 euros moins chère.

Cette différence suffit-elle à mieux écouler les voitures françaises sur les marchés internationaux ? Dans la pratique, le coût du travail a un impact sur le prix de vente pour les produits qui intègrent peu de matières premières. Cela concerne donc les industries comme le nettoyage, la restauration, ou les services à la personne, qui bénéficient largement des baisses de cotisations pour les bas salaires.

Comme le souligne d’ailleurs la note du Haut Conseil de la Protection Sociale, ces secteurs sont peu exposés à la concurrence internationale, ce qui ne signifie pas qu’ils n’en aient pas besoin. En revanche, la corrélation entre coût du travail et compétitivité reste à creuser, et ne peut en aucun cas reposer sur le postulat totalement trompeur selon lequel une baisse de charge permettra une réindustrialisation massive du pays.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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